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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 09:00
Photo:  http://forum.tontonvelo.com/viewtopic.php?f=2&t=6439

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Une contribution de Joseph Goyheneix

Traduit de l'Euskara (la langue basque) par P.Errekarte

 

On ne peut se fier à ce printemps-ci…..

Qui aurait dit après le bel après-midi d’avant-hier que se préparait le déluge d’hier soir ? En effet, hier soir vers 23 heures, j’étais en train de m’interroger sur ce que j’avais à écrire quand se sont fait entendre les grondements que vous avez certainement perçus vous-mêmes. Quel emportement, ce n’était pas un temps à rester dehors ! A 23h30, le téléphone sonne. C’était la fiancée de mon frère. A soixante kilomètres d’ici, angoissée et inquiète. Mon frère devait la rejoindre mais ayant pris du retard dans ses besognes et aussi en raison de temps peu clément, il était parti à 22 h 30. Et ce qui est bien compréhensible, pauvre fille, elle ne s’expliquait pas son retard.

-«  Comment, il est parti ! avec un temps pareil ! Oi ama, je pensais qu’il était resté chez lui !’

-«  Et bien oui, tardivement certes, mais il parti. Il n’est pas prêt à t’abandonner ainsi ».

-« Mon Dieu, je dois rester là à l’attendre rongée par l’inquiétude. Par ce temps épouvantable, il peut lui arriver n’importe quoi ! »

-« Ne t’inquiète pas, il ne doit pas être loin. Diable, il n’est pas à plaindre et il a une bonne voiture, il en a vu d’autres ! Une heure de route, assis dans son véhicule avec le chauffage et dès qu’il arrive, il n’a pas le temps d’attraper froid ! »

A vrai dire, je n’étais pas très apitoyé par la situation de mon frère. C’est alors que pour la consoler et lui écourter l’attente , je me mis à lui raconter une des histoires de l’oncle Ellande…..

La fiancée de l’oncle Ellande était d’Ezterenzubi et il est bien évident qu’il faisait le voyage de Lekumberri à Esterenzubi le plus souvent possible. Mais pas en voiture ! Le plus souvent en passant par la montagne à pied. Quelquefois à cheval ou à dos de mulet par le chemin le plus court ! L’autre voie, celle du détour, l’ « autoroute » des grandes occasions passait par Donibane Garazi. Mais il empruntait rarement cette route, seulement lorsqu’il pouvait disposer d’un vélo.

Il avait promis à Aña Mari qu’il ferait un tour en soirée la veille de leur mariage. Pourtant la journée serait chargée en détails à régler, mais c’était la dernière fois---

« Ce n’est pas la peine, mon bien aimé, demain tu seras fatigué et ton vélo est hors d’usage.

« Fatigué, moi, ehee ! Je demanderai le vélo à Frantxua ( voisin et ami). Pour cette dernière fois, il me le prêtera. Je viendrai, oui ! »

« Oui donc »---

Ayant prestement donné les soins nécessaires aux animaux de la ferme, il partit en fin de journée sur la bicyclette de Frantxua pour retrouver sa fiancée.

Pourtant le temps ne s’annonçait pas des meilleurs, plus mauvais que la veille en vérité. Depuis le pas de la porte, sa mère le regarda s’en aller, sans lui faire la moindre recommandation. Elle avait un fils costaud et la journée du lendemain conduirait à elle une charmante bru.

Allez-donc! Le mauvais temps ne plaisante guère : orage, pluie et vent. «  Boh ! Jusqu’à Donibane, c’est en descente et j’espère bien que ce déluge finira par se calmer. Nous ne sommes pas en décembre, quand-même ! » Dès son arrivée à Alzieta, il était trempé jusqu aux os. Qu’importe, enfonçant le béret jusqu’aux oreilles, il continuait à toute allure. Tout à coup, l’orage se mit à gronder. Ellande lui répondit par un irrintzina, avec en tête « Demain soir, je suis avec Aña Mari. » Arrivé sur la place d’Esterenzubi, le voilà obligé de descendre de vélo tant le vent contrariait son avancée. La bicyclette de Frantxoa avait beau être en excellent état, voici que son éclairage s’éteignit juste alors qu’il arrivait à Eiheralarre. « Bon, encore trois quarts d’heure à pied et je suis arrivé. Le temps va bien finir par s’adoucir ». Il n’empêche qu’il avait déjà passé plus du double du temps qu’il met d’habitude pour effectuer ce trajet. Enfin, bon, il était presque arrivé. Un peu plus tôt, il avait aperçu, là-bas sur l’autre versant, une toute petite lueur, sans doute la fenêtre de la cuisine en bas de la maison. Mais maintenant, au milieu des arbres, il ne la voyait plus et il lui fallait traverser la rivière. Là, attention, il lui fallait passer un pont minuscule dont la rambarde s’était effondrée. Conscient qu’une extrême attention et une vigilance à toute épreuve étaient de mise, il bloquait la bicyclette et tâtonnait tant qu’il pouvait afin d’explorer le pont. Mais tout à coup, sous l’effet d’une forte bourrasque, voilà la bicyclette à l’eau. Je ne rapporterai pas ici les mots de l’oncle Ellande, des jurons en Espagnol comme on peut se l’imaginer. Et déchiré, piqué par les buissons et les ronces, tombant et se relevant à plusieurs reprises, il réussit à atteindre la rivière et à agripper péniblement la bicyclette de Frantxua, hélas bien forcé de constater qu’il manquait une pédale à cette dernière. Non, il ne se remit pas à jurer en Espagnol, il s’abstint de pleurer, il est si fort, Oncle Ellande ! Multipliant les manœuvres , il dégage le vélo, le charge sur ses épaules, ajuste le béret et reprend son chemin. « Demain, je me marie »---

Ensuite, Oncle Ellande a omis de raconter quelques passages de cette histoire, en particulier celui de son arrivée chez Aña Mari où il se devait de soigner son langage, son Euskara devant être d’une pureté sans égale.

« Mon amour, maintenant, il va te falloir rentrer à travers les montagnes, le point du jour n’est pas loin et tu ne peux rester plus longtemps auprès de moi. Tu peux laisser ta bicyclette ici ».

« Comment, la bicyclette de Frantxua ? Non ? non et non ! Je prendrai le temps qu’il faudra et, comme si de rien n’était, je la lui rendrai. Tant pis, oublie tous ces tracas et laisse moi faire ! Nous avons la chance d’être ensemble maintenant, et puis demain »---

Trois heures s’étaient déroulées depuis cet échange. Ayant calculé le temps qu’il lui fallait pour arriver à Lekunberri avant l’aube, il s’en était allé par la montée, bicyclette sur le dos. Le temps s’était amélioré et Ellande avait oublié la fatigue de la veille et même toutes les fatigues antérieures. Arrivé au sommet de la montagne qui surplombe Lekunberri, il fut tout étonné de se rendre compte que ce n’était plus le vent qu’il entendait, mais sa voix car il chantait. Pourtant, il n’avait pas pour habitude de chanter. Et en descendant de Buruntza, il lui semblait qu’il était un grand chanteur. Effectivement, il en était un !

Lorsqu’il parvint enfin chez lui à l’aube, sa pauvre mère, déjà levée, l’avait vu arriver de loin chargé de la bicyclette. Elle l’avait accueilli un sourire bienveillant aux lèvres et une tasse à la main. « Tu es là, mon brave ! Prends ceci, tu en as bien besoin ». La tasse était à demi-pleine d’eau de vie.

Ce matin, aux alentours de huit heures, mon frère est rentré à la maison au volant de sa voiture. Il avait la mine de quelqu’un de bien reposé. Parfaitement rasé, peigné avec soin, il pouvait se mettre au travail. Il m’a expliqué que sa fiancée ne l’avait pas laissé repartir par ce mauvais temps. Certes !

Moi, je vois quelque chose de bien différent entre l’aventure de mon frère et celle de mon oncle. Oncle Ellande devait se donner bien de la peine pour se rendre chez sa fiancée et il n’avait guère la chance de pouvoir se reposer chez elle avant de prendre le chemin du retour. Mon frère, lui, n’a pas à faire de grands efforts pour se rendre chez sa fiancée, même si la distance qu’il a à parcourir est bien plus grande que celle qui séparait Oncle Ellande de la sienne. Et avant de rentrer chez lui, mon frère peut se reposer chez elle, ou avec elle.

Dès son entrée dans la maison, il a pris son café au lait. Je ne lui ai pas offert de liqueur.

 

 

 

 

Ce texte est paru en langue basque pour la première fois dans le numéro 6 de la revue Maiatz (deuxième trimestre 1984).

 

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commentaires

J
Faudra que je demande---
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L
pas de schnaptz ? Moi je serai reparti cul-dec !
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J
Cette histoire est vraie, même s'il ne s'agit pas de l'oncle de Jojo. Quand le véritable protagoniste l'a entendue à la radio, lui qui était pourtant un dur, il avait la larme à l'oeil.
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C
Ah l'amour !!!
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