Une contribution de Daniel Labeyrie.
Ce que tu donnes devient une rose
Proverbe persan
Perché sur son échelle, le peintre recouvrait l'auvent de la maison d'une bonne couche de peinture rouge basque. Quelques chansons s'échappaient de ses lèvres : des rengaines serinées par la radio depuis fort longtemps qui lui revenaient en mémoire
L'homme accomplissait sa besogne avec application, concentration, comme il le faisait depuis plusieurs dizaines d'années pour un salaire fort modeste.
Tout près de la terrasse, à quelques mètres seulement de l'artisan, les roses jaunes célébraient bellement le mois de mai, pétales ouverts au soleil et parfum d'une exquise délicatesse. On aurait dit que ces fleurs si fragiles voulaient une reconnaissance humaine vu que le jardinier du lieu souvent en partance avait tendance à ne pas venir les saluer.
A quelques centimètres de la toiture, montait le parfum en ondes invisibles pour aller taquiner les narines de l'homme qui en oubliait les odeurs pénétrantes et peu agréables de la peinture industrielle.
L'homme se retourna, quitta son ouvrage descendit précautionneusement de son échelle pour aller se pencher sur la plus belle des roses qui lui offrit le meilleur d'elle -même.
Sur le merisier voisin, la fauvette à tête noire entonna son chant sonore et la brise fraîche faisait danser le feuillage.
Il y eut comme un moment de grâce entre la fleur et l'homme, un échange intime et subtilqui ressemblait au bonheur.
Lorsque le chantier se termina, la rose fut prise d'un sentiment de mélancolie: elle était maintenant délaissée : son jardinier daignera t-il venir lui rendre visite avant qu'une saute de vent n'éparpille ses pétales fripés ?
Le peintre reviendra dans ce jardin sauvage pour prélever une bouture du rosier jaune sur laquelle il veillera religieusement pour qu'un jour de printemps il puisse se pencher au petit matin sur une rose de mai chère à son cœur.
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