Une contribution de Daniel Labeyrie
C'est le plus doux des animaux
Il est caressé par les anges.
Poème d'enfant anonyme
Moi qui pensais vivre tranquille jusqu'à la date de Pâques où le risque est grand de me retrouver sous forme de gigot sur la table pascale avant la dégustation d'un gigantesque œuf en chocolat : oui, aujourd'hui, je suis menacé de mort !
Vous êtes étonnés, mais je vous assure que bon nombre de mes congénères trépassent au moment de la naissance du Sauveur car la nouvelle mode de l'agneau de Noël est en train de se répandre de la ville jusqu'au fin fond des campagnes.
Au secours Saint-François d'Assise, vous qui fûtes l'ami des animaux, intervenez ! De grâce ! J'aimerais tant m'installer sur la paille douce de la crèche tout près de ce bébé merveilleux au regard lumineux.
Il fait si bon dans cette étable où le bœuf et l'âne vous soufflent sur le visage avec tant de bienveillance.
Marie, la maman, pourrait me caresser l'échine et je bêlerai tout doucement une berceuse pour Jésus naissant : je suis sûr qu'il serait très content et qu'il ferait de beaux rêves.
Oui, c'est vrai , moi aussi, je suis en train de rêver dans ce monde où le bonheur se fait parfois un peu rare, oui, ça tire, ça bombarde, je ne comprends vraiment pas les humains qui perdent leur temps à se faire la guerre.
Moi, je suis un petit agneau de quelques semaines, je suis né dans une prairie où je me suis mis à téter ma mère tout de suite après ma naissance. J'aime faire le fou avec mes copains, nous jouons dans l'herbe tendre comme des enfants dans la cour d'une école. Mon Dieu ! Quel bonheur de vivre
libre !
Aujourd'hui, j'ai peur, j'ai très peur, j'ai l'impression que ma dernière heure va arriver d'un instant à l'autre, je sens que je vais être sacrifié ! Pour cela, il vous suffirait de changer de menu : mangez de la dinde ou bien mangez une bonne garbure, après la messe de minuit, ça réchauffe.
Laissez-moi vivre au moins jusqu'au printemps, je voudrais voir les flocons de neige tomber sur ma toison et, surtout, je voudrais aussi tellement voir les enfants rendre visite au messager d'amour né dans une misérable étable et contempler leur regard émerveillé.
Je compte sur le berger pour me porter sur ses épaules puis il me déposera délicatement près du berceau, ce sera pour moi un bonheur absolument extraordinaire.
En attendant, je viens de bêler, de pleurer toutes les larmes de mon corps devant la porte d'une maîtresse d'école chargée de distribuer des colis d'agneau de Noël.
Que son frère me laisse la vie sauve ! Que cette dame cesse cette activité commerciale tachée de sang !
Oui, maîtresse au grand cœur, je te promets de brouter toutes les mauvaises herbes de ton jardin et de ton verger, je suis même prêt à mâcher les orties qui poussent au bord du ruisseau.
L'agneau de Noël a vraiment sa place dans la crèche pour veiller sur un ange.
Daniel LABEYRIE
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