Le titre du "post" est de la blogueuse.
Une contribution de Laurent Caudine
Ce texte est paru dans la revue basque "Hau". Voir lien tout en bas.
« Je suis d´un autre pays que le vôtre, d´un autre quartier, d´une autre solitude.
Je m´invente aujourd´hui des chemins de traverse. Je ne suis plus de chez vous. J´attends des mutants. »
Léo ferré « La solitude »
TÉLÉPHONIE MOBILE ET COLONISATION DES ESPRITS
Cette époque
Il y a quelques années, cela ne fait pas si longtemps, du côté du Somport, une lutte contre un tunnel, en vallée du Louron ; une bataille contre une ligne Très Haute Tension et ici en Soule, un combat contre un gazoduc. Il y a un peu plus de vingt ans, il n’y a pas si longtemps et pourtant, il y a mille ans. Il y a mille ans, parce que dans le contexte de l’économie actuelle tout est vieux très vite, tout s’oublie et on parle de traditions, maintenant, pour des pratiques qui ont seulement vingt ans d’âge. Nous sommes enkystés dans un temps économique qui appauvrit et assèche un autre temps lié aux valeurs de la nature, de la culture et de l’humanité.
A cette époque si extraordinairement lointaine, donc, pas d’ordinateur ou presque, pas de portable, pas d’internet… on envoie des fax pour prévenir la presse d’un blocage de chantier, on écoute la radio pour avoir les nouvelles du front, on publie des gazettes d’information, on rédige des tracts pratiquement à la main. J’ai un peu plus de 20 ans. François Mitterrand est président de la République. On parle de l’ALENA, (Un genre de TAFTA avant l’heure) cet accord qui lie le Canada les Etats-Unis et le Mexique et instaure une zone de libre échange entre ces pays et dont je découvrirai les secrets un peu plus tard en lisant les communiqués de l’EZLN (Armée Zapatiste de Iibération nationale au Mexique).
A cette époque et déjà avant, on raille ces écolos qui critiquent la bagnole. Comment peut-on critiquer la bagnole ? Comment peut-on remettre en question une si merveilleuse invention qui, paraît-il, nous a fait « gagner notre liberté ». Rien que ça. A 20 ans je m’étonne que le monde soit tel qu’il est, c’est-à-dire, une sorte de grosse machine que l’on dit démocratique mais qui n’est pour moi qu’un monolithe façon mille-feuilles, un ensemble culturel et social qui ne laisse aucune place au doute. « Il faut accepter l’idée que négation ne signifie pas néant, et que lorsque le miroir ne nous renvoie pas notre image, cela ne prouve pas qu’il n’y ait rien à regarder » nous dit Pierre Clastres dans son livre « La société contre l’Etat ». Malheureusement, Narcisse, épaté, se regarde dans l’eau de la fontaine. Ce système est le bon puisque l’on vit dedans, que l’on ne voit plus que lui et que l’on ne voit plus que soi-même. Aujourd’hui, l’humain est un Narcisse. Il se regarde et ne regarde autour de lui, de plus en plus, que ce qui procède de sa « création » et rejette tout ce qui n’entre pas dans le cadre de cette création. En démiurge plénipotentiaire, il veut décider de manière autoritaire de l’avenir, du présent et même parfois du passé. Il impose un monde à notre regard comme le fait n’importe quelle religion. Mais là, pas de refuge dans un quelconque laïcisme. Aucun athéisme n’est reconnu, aucune apostasie n’est possible. C’est ce système ou la mort (ou éventuellement l’alcoolisme qui est une autre manière de mourir). Les indiens, les artistes, les poètes et tous les « sauvages » dans notre monde (animaux / humains / végétaux) l’ont appris à leurs dépens.
A cette époque, je ne sais pas encore que Bernard Charbonneau a écrit L’Hommauto. Déjà, en 1967, une critique acerbe de la bagnole. Dans ce livre, Bernard Charbonneau nous explique comment, petit à petit, nous en sommes venus à penser la société de, par et pour l’automobile. Nous ne pouvons plus penser autrement car, en un rien de temps, nous nous sommes adaptés à elle et nous sommes devenus automobile. Dans un coin de notre cerveau, il y un parking occupé à jamais et quand je parle d’occupation, je parle d’occupation et même de colonisation.
Il y a quelque temps de cela, je regardais le parking d’un hypermarché. J’observais les bagnoles rangées les unes à côté des autres. Tout à coup, j’eus l’impression qu’elles discutaient entre elles. Elles faisaient brusquement partie d’un monde qu’on ne contrôlait pas. Elles prenaient plus d’espace que le supermarché lui-même. Elles étaient portées jusque-là par des artères d’asphalte, pour alimenter la grande surface, elle-même un genre de coeur artificiel. Elles nous regardaient et riaient de nous. D’un rire sarcastique, elles semblaient nous remercier de fabriquer un monde pour elles, dans lequel elles étaient les reines et nous de tourner autour en ignorant que ce monde nous observait et que d’une certaine manière, c’étaient elles et elles seules qui profitaient du progrès technique.
A cette époque, je ne sais pas encore que Jacques Ellul avait publié en 1988 un essai qui s’appelait Le bluff technologique et quelques autres ouvrages concernant notre rapport à la technique. J’ai 20 ans et je ne sais pas grand-chose. Malgré cela, j’irai tout de même promener mon inculture dans les isoloirs des messes électorales. Et comme me dira un ancien instituteur de l’école primaire, me voyant sortir d’un bureau de vote : « voilà, Laurent, c’est comme ça qu’il faut s’exprimer »… sous-entendu, ce n’est pas en faisant le zouave du côté de Bosmendieta à Larrau, en bloquant des machines qui oeuvrent pour un projet dit « d’utilité publique ». On tolère tout à fait l’allégeance aveugle à un système et à ses friandises industrielles que l’on gobe sans réfléchir, mais on ne s’étonne pas qu’un inculte passe la porte d’un isoloir pour mettre un bulletin dans l’urne. L’urne et le bénitier… « a voté », au nom du père, du fils et du simple d’esprit… la mairie et l’église… il y aurait peut-être un parallèle à faire entre le taux d’abstention qui augmente et les églises qui se vident. L’urne et le bénitier comme deux frères en perdition. Perdition sur laquelle repose pourtant, selon moi, l’espoir de repenser le monde au-delà des habitudes institutionnalisées.
On peut remonter un peu plus loin. Né en 1970 je ne suis pour rien dans la construction de la première centrale nucléaire en France qui commencera sa production à Chinon en 1963. J’ai le droit de vote 18 ans plus tard, en 1988, c’est-à-dire exactement 2 ans après le drame de Tchernobyl. Et là, j’ai envie de demander autour de moi, aux plus anciens, comment ils ont éprouvé ces passages ; la bagnole, le nucléaire, la valeur travail, les hypermarchés… leur a-t-on réellement laissé le choix du système dans lequel nous vivons actuellement et ont-ils été réellement partie prenante et de quelles manières ? Je regarde autour de moi, dubitatif, un mode de vie que je n’ai pas choisi, auquel j’ai la sensation de n’avoir aucune prise. Un monde dans lequel il faut néanmoins vivre et pour lequel je me sens parfois tellement étranger.
Et moi, comment ai-je éprouvé ces passages, comment les ai-je vécus ?
Combien de milliers d’années de forêts libres et sauvages ?
Pour autant, hier, aujourd’hui, rien n’est à même de faire plier ce sentiment que je suis avant tout un être de la nature, un de ces animaux sauvages qui gênent tellement la société policée, l’humanité organisée. Proche de l’animal, je reconnais en moi cet instinct - celui-ci ne faisant point l’inhumanité quoi qu’on en dise - qui remonte au début de la vie, des premières bactéries jusqu’aux formes complexes d’aujourd’hui. Combien de milliers d’années de forêts libres et sauvages pour obtenir la couche de terre arable sur laquelle nous faisons paître nos animaux et sur laquelle nous plantons nos légumes et nos céréales ? Combien de millions d’années pour que le monde façonne les couleurs de la petite libellule bleue, pour voir se former les dessins du Papillon vitrail ? Quelque chose de la nature, que je reconnais, qui me reconnaît et à quoi je souhaite accorder ma confiance continue de guider mon existence. Trop proche de l’instinct pour bien « réussir », mais bien assez pour me méfier de tout ce que le système peut engendrer dans nos vies en matière de gadgets superflus et de modes de vie qui - quoi qu’on en dise - sont provisoires.
Et enfin… le téléphone portable
Depuis quelques années le téléphone portable est arrivé dans nos vies. En France, le premier « mobile » est apparu en 1992. Et aujourd’hui, il semble devenir la norme. A telle enseigne que, à l’image de la bagnole, il nous transforme. Et pour la première fois, j’ai l’impression de vivre en direct les changements de comportement que cette technologie provoque et d’être en capacité de les analyser.
Moi qui suis friand de tout cela, finalement, drogué que je suis moi-même à la société de consommation, j’aurais dû m’emparer de cet instrument incroyable. Moi qui ai tellement aimé Star Trek, la série de science-fiction que je regardais quand j’étais enfant, j’aurais pu me prendre pour le capitaine Kirk. J’avais là la chance inespérée de croire que ma bagnole était le fameux vaisseau intergalactique, l’Interprise, que j’étais le capitaine Kirk avec son communicateur en main et que j’allais être un explorateur du monde contemporain. Eh bien non ! Au fond de moi, à l’écoute de mon instinct, à l’écoute d’une voix qui a porté l’humanité jusqu’à nous depuis des millions d’années, je résiste. Ou disons, pour être plus modeste, quelque chose clignote quelque part en moi. Quelque chose, qui se revendique des arbres, des hommes préhistoriques, des étoiles, de ce qui a amené jusqu’à nous, patiemment, le fonctionnement de l’œil, le cœur, la respiration, la circulation sanguine, le vol de l’hirondelle, le bec du pygargue, la photosynthèse, la chimie du cerveau et du corps humain en général ; quelque chose au fond de moi me dit de m’arrêter, d’observer, de m’observer. Et je me retrouve dans une situation inédite de ma vie où je regarde autour de moi cette pression technologique qui m’encercle et qui m’attire dans son vortex pour imprimer en moi ces nouvelles habitudes culturelles, ces nouveaux gestes au nom de la religion « progrès ». Et moi qui n’ai jamais aimé l’obéissance, percevant tout ce qu’il y a d’autoritaire dans les technologies, je regarde cela en essayant de faire preuve de lucidité. Quand je parle de lucidité, je parle de celle du monde sauvage qui, comme je le disais tout à l’heure, a mis des millions d’années à parvenir jusqu’à nous et dont quelques particules magiciennes continuent de m’habiter, en dépit des miettes de ce temps mécanique et prétentieux qui correspond à la période industrielle que nous vivons actuellement.
Dans ma tour de vigie, j’observe…
Soyons clair, peu ou prou, je suis comme tout le monde, contaminé et colonisé. Je me définis moi-même comme un homme drogué à un modèle de société qui ne sait pas poser ses propres limites. Je sais que j’ai du mal à poser moi-même les miennes. L’auto-limitation est un exercice tellement difficile dans une société qui apprend tôt à l’enfant un certain aspect de la richesse, une certaine théorie du bonheur associée à des valeurs de consommation, d’accumulation, de complexification.
Je pense et j’écris là comme un pauvre humain embrigadé, d’une part et acculé d’autre part. Mais j’écris comme un être insécable. Je suis conscient que « je » est en grande partie cette fabrication que les aléas de l’histoire ont conduit jusqu’ici. Je voudrais pourtant que mon « je » n’en démorde pas et c’est pour cela que parfois, « je » s’essaie à retrouver en lui-même la nature de son exactitude (ou l’exactitude de sa nature), au travers de l’art, de la nature, de la culture. Il s’agit là d’une propension naturelle de l’être qui s’obstine à aller en quête de soi. « Je est un autre », disait Arthur Rimbaud. Mais qu’importe. Qu’importe aussi que l’autre soit aussi un je, si cela est le fruit d’un syncrétisme. Tout comme il ne faudrait pas avoir peur de rejoindre le néant, s’il était notre vraie nature. Il est encore temps de parler de Narcisse et de casser le miroir.
Mais revenons au mobile. Ce n’est qu’un exemple totalement subjectif. Ce que j’exprime correspond à mon parcours individuel. Je connais des gens qui n’ont pas de voiture, d’autres qui n’ont pas de télévision, d’autres qui n’ont pas d’ordinateur pour diverses raisons. Personnellement, je n’ai pas de téléphone portable. Au travers du mobile, c’est l’ensemble du processus technologique qu’il est question, celui qui nous dévisse de nous-mêmes pour nous inciter à être un valet de l’ensemble du système. Une bonne partie du progrès technologique n’est pas une demande du peuple. C’est un processus généré par le marché qui oriente tous nos faits et gestes et qui nous conduit, en général, à nous lever le matin pour des raisons extrêmement discutables. Alors depuis quelques années, je pratique un exercice intéressant d’observation. Pour la première fois, je me sens comme dans une tour de vigie d’où j’observe au loin la progression de cette technologie - le mobile - qui se rapproche de moi. Comme je disais plus haut, je suis né avec la télévision, la bagnole et le nucléaire. Je n’ai vu arriver l’ordinateur personnel que lorsqu’il s’est retrouvé sur mon bureau et je ne me suis pas posé plus de questions que cela. Des bras ont pourtant un jour soulevé le carton ; des jambes ont déplacé ce corps qui est le mien, jusque devant le magasin, et ramené ce corps et ce carton, jusqu’à ma maison. Je me demande bien quelle est cette mécanique invisible au dedans de moi et au dehors qui a décidé un beau jour que mes jambes bougeraient jusqu’à une de ces boutiques où est envitriné le monde des bagnoles, de la télé et de la téléphonie mobile etc…
En 2013 j’ai écrit un roman qui s’appelle Matin vert. Dans ce roman, j’incarne un personnage, Florian, que j’ai doté de plusieurs traumatismes identitaires. Florian se cherche dans le territoire, dans la famille, dans la culture, dans le cosmos… Puis, il y a ce moment où il se voit dans le miroir et ne voit plus Narcisse. Il se voit comme s’il voyait soudain quelqu’un d’autre, ou comme s’il se voyait comme l’on voit quelqu’un d’autre. Extrait :
Il passa devant un miroir et sursauta. Il ne se reconnut pas. Son visage était émacié et sombre. Ses cheveux et sa barbe avaient poussé. Il était crasseux. Il s’approcha. A la faible lumière de la fenêtre, son visage apparut en clair-obscur comme dans une peinture de Rembrandt. Qui es-tu ? se demanda-t-il. Il caressa sa barbe, sa peau, toucha son front et sentit l’os du crâne. Il visualisa le cerveau et imagina la formidable complexité qui le faisait penser et vivre. Et puis, soudain, il se demanda qui il était dans ce corps et qui prenait vraiment les décisions dans cette masse de chair, de sang et d’os. Suis-je ma pensée ? Qui suis-je dans ce corps si je ne suis pas que ce corps ? Comme dans une mise en abîme, les images s’incrustaient les unes dans les autres et il commença à avoir le vertige.
Il s’adossa au mur. Ses yeux s’ouvrirent. Il était à la fois sonné et réveillé par une stupeur inconnue.
Il posa la paume de sa main droite sur son avant- bras pour sentir le sang circuler, la chaleur de la chair.
Il palpa les muscles en essayant de suivre le sillage des tendons.
Il bougea ses doigts et les regarda se déployer comme un oiseau qui replie et ouvre ses ailes.
Il sentit l’air, chargé de particules nouvelles, entrer dans ses poumons et en picoter les alvéoles. Il posa sa main contre son cœur, à l’affût des pulsations régulières. Quelle volonté de vie, quelle force se trouvait là, tapies dans chacune de ses cellules et qui veillaient sur cette matière, chaque seconde, lorsque son esprit était ailleurs, lorsqu’il dormait, même lorsqu’il était occupé à faire quelque chose qui n’avait rien à voir avec son corps ?
Pourquoi vous dis-je cela ? Tout simplement parce que, attaché à la liberté, je sens bien que, ne voyant plus qu’un Narcisse dans le miroir, nous détruisons une partie de nous qui est probablement plus « nous » qu’on le pense.
Vivre avec son temps
Un jour, un copain me dit : « il faut vivre avec son temps. »
Mais de quel temps parlait-il ?
Le temps du jardinier qui regarde le ciel, qui attend le printemps, la pluie, la saison des semis ?
Le temps des artistes qui créent en désordre, les pieds enfoncés dans une liberté intemporelle ?
Le temps de l’artisan qui crève parce que son savoir-faire est méprisé au nom de cette économie qui emploie des mots aussi péremptoires que rentabilité, compétitivité, puissance, concurrence ?
Le temps de cette industrie qui murmure l’idée audacieuse qu’elle pourrait bien se passer de cette vie qui se trouve en nous et à l’extérieur de nous et réinventer son propre monde ?
A-t-on encore la liberté de vivre dans le temps et l’espace que nous voulons ?
Personnellement, j’aurais envie de répondre que je veux vivre avec le temps que je choisis en toute liberté, avec mes frères humains, mes frères et mes sœurs les plantes, les arbres, les montagnes, les animaux sauvages, ma mère la terre…
Et je me souviens.
Le soir, lorsque j’ai des difficultés à m’endormir, c’est à mon potager que je pense. Je fais voler mon esprit qui glisse d’arbre en arbre ; ceux que j’ai plantés autour de ma maison, ceux que mon père et mon grand-père ont plantés, ceux qui ont poussé avant que nous arrivions. De mon sommeil, lorsque j’entends la pluie, je sens la nature qui s’épanche et je sais que ça lui fait du bien. Alors ça me fait du bien.
Je me souviens des soleils de printemps, le corps engourdi par quelques longs mois de froideur.
Je me souviens d’une chaude pluie d’été et de l’eau qui lubrifiait un baiser, une nuit, au beau milieu d’une rue.
Je me souviens avoir ramassé des pommes de terre, courbé en deux, à genou et les mottes que j’écrasais dans mes mains me revenaient en effluves de sous-bois et de moisissures.
Je me souviens d’un chien que j’ai serré fort, en espérant qu’il ne meure jamais ou en espérant le faire entrer en moi pour qu’il continue de vivre.
Je me souviens d’un instant de transe à mélanger des couleurs sur une toile et attendre le moment ou le tableau s’ouvrirait vers un monde magique.
Alors, je sens tout ce qu’il y a de vain et d’éphémère dans ce petit monde qui fait des gorges chaudes de ses prouesses techniques… et tout ce qu’il y a de profond et de durable dans ma relation avec la nature sauvage et avec la culture sauvage, ajouterais-je. Est-il tellement offusquant de sentir en soi la chose sauvage ? Est-il si étonnant de sentir sa famille au milieu des arbres, des grenouilles et des oiseaux de nuit ?
« Demain, la machine sera considérée comme une personne »…
Dans le Journal du dimanche du 19 juillet, je lis un article concernant le français Yann Lecun qui dirige Fair, le laboratoire de recherche sur l’intelligence artificielle de facebook. Le titre est : « demain, la machine sera considérée comme une personne »… « l’un des objectifs sera de « permettre un " dialogue naturel " entre l’homme et l’ordinateur » explique-t-on dans l’article. Il ne faut pas aller plus loin pour comprendre les projets du monde économique : détruire en nous les liens qui nous lient à la nature et à notre nature. Elever la machine et lui conférer une humanité fantasmée puis rabaisser l’humanité de l’état naturel au rang de la machine et fabriquer ainsi un monde à la mesure de l’économie marchande qui pourra fonctionner en autarcie, dégagée des imprévus du vivant, de la latitude de vivre libre dans la nature. La photographie qui illustre l’article montre l’intérieur d’une voiture où l’on aperçoit un homme qui approche son index d’un écran tactile. Il a deux montres au poignet. Je parierais que l'une d'elle est une Rolex, une de ces montres, dit-on, qu’il faudrait avoir quand on a réussi sa vie.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »
Pouvons-nous juste un instant essayer de ne pas confondre progrès, intelligence, bien-être, bonheur ? A ce sujet, je pense qu’il est intéressant de se pencher deux minutes là-dessus. On parle de création en faisant référence à telle oeuvre artistique, à telle invention technologique. Mais ne faudrait-il pas rappeler que dans l’absolu, personne ne crée rien, mais transforme juste les éléments qu’il a sous la main pour les recombiner, reproduire et / ou interpréter une réalité ? L’artiste utilise les lois physiques de la nature et les ingrédients qui lui sont proposés, mais il ne sort rien du néant et ne peut que composer avec ces lois. Une femme enceinte ne crée pas. Elle accueille dans sa vie, dans son corps, un processus incroyable qui agit en nous depuis des milliers d’années bien avant les toutes premières découvertes, le feu, la roue, avant l’homme de cro-magnon (on parle souvent d’invention, à propos du feu et de la roue, ce qui est une grosse vantardise. Le Grand Robert de la langue française propose comme définition au mot « inventer » : « Créer ou découvrir quelque chose de nouveau »).
Si on a pris conscience aujourd’hui des processus chimiques et biologiques qui agissent dans la nature, il faut bien admettre qu’ils sont animés sous le contrôle d’une force inconnue. Nous ne créons pas la vie ; à la limite, parfois, nous pouvons permettre son apparition et faciliter son existence. Mais nous ne pouvons vivre, créer, imaginer qu’à la condition de respecter et admettre modestement la présence de cette force qui nous dépasse.
Les scientifiques « découvrent », comme on le dit couramment. Ils soulèvent le voile, en quelque sorte, sur des lois auxquelles on ne peut rien changer. Car les lois qui président au fonctionnement des atomes, tout ce que nous nommons la mécanique quantique, la théorie de la gravitation, les lois de Kepler, n’ont pas attendu les recherches de nos scientifiques pour agir dans l’univers.
Lorsque l’on parle d’intelligence n’oublie-t-on pas de dire que dans l’absolu, c’est l’intelligence qui est intelligente ? Cette auto-proclamation, « Nous sommes intelligents » n’a-t-elle pas quelque chose de ridicule ? Et il y a là encore du Narcisse béat. Comme si les questions essentielles étaient celles-ci : savoir si l’être humain est supérieur au restant de la nature ; savoir si nous avons une place spécifique dans l’univers ; faire la preuve que nous pouvons faire mieux que ce qui existe déjà ; prendre notre indépendance et pourquoi pas, in fine, nous passer de tout ce que nous considérons indigne de cette intelligence autoproclamée. L’humain juge ce qu’il a autour de lui comme s’il se trouvait au sommet ou au centre, comme s’il avait dans l’univers une position à part qui lui permettrait de disposer de tout et de regarder tout, comme s’il était une cause et une conséquence de quelque chose parmi les phénomènes de l’univers. Pourtant, l’histoire des sciences démontre qu’il a été constamment contrarié sur ce point. L’humain est un animal, comme l’a démontré Darwin qui a aussi instillé le doute (euphémisme) sur l’idée que nous serions une création de Dieu. Nous avons des capacités cognitives très complexes ; mais complexe ne veut pas dire supérieur, ni même intelligent. La terre n’est pas au centre de l’univers. Le soleil n’est pas au centre de l’univers. Ce dernier est infini et un autre scientifique, Giordano Bruno a même été supprimé pour avoir avancé cette hypothèse. Et probablement découvrirons-nous bientôt que nous autres, humains, ne sommes pas le centre de la terre, en attendant qu’une nouvelle révolution copernicienne nous le démontre. Sinon la terre se chargera de nous le rappeler.
En bref, s’agenouiller devant toutes les nouvelles divinités de ce panthéon qu’on nous emballe dans un grand sac appelé « progrès » est probablement une très mauvaise idée. L’Homme debout, celui qui s’est relevé, celui qui a vu son corps se dresser pour voir plus loin, pour que les énergies cosmiques traversent sa colonne vertébrale et irradient l’ensemble de son corps se verrait-il ainsi racrapoté et soumis à un objet que l’on appelle smartphone ? Ne devrions-nous pas rester méfiant, et regarder ce qui recouvre, notamment, cette soudaine attirance envers le sans-fil, et le « mobile » ?
https://www.youtube.com/watch?v=nTnz_Bn6wO0
"Mauvaises ondes" - Nocivité des Ondes Portables (Projet CoMoBio - Documentaire France 3)
www.youtube.com/watch?v=uQVzC-LohX8
« Les secrets inavouables de nos téléphones portables » (Cash investigation - Documentaire France 2)
http://www.dailymotion.com/video/x2111gr_ondes-science-et-manigances_tv
« Ondes science et Manigances », documentaire de Jean Heches - http://ondesscienceetmanigances.fr/
POUR ALLER PLUS LOIN :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=453
http://www.jacques-ellul.org/
https://www.youtube.com/watch?v=_XK29a8yPXU Emission sur Radio Courtoisie avec le Dr. Dominique Belpomme - Les dangers des ondes electromagnetiques
Didier Daenincks « Mortel Smartphone » roman. Editions Osaka
Pièces et main d’oeuvre « Le téléphone portable, gadget de destruction massive » essai. Editions L’Echappée.
Bernard Charbonneau « L’hommauto ». Editions Denoël.
Jacques Elul « Le bluff technologique ». Editions Pluriel.
En écrivant ce texte je lisais aussi « Antispécisme - réconcilier l'humain, l'animal, la nature » d’Ayméric Caron aux éditions Don Quichotte, un livre salutaire pour réfléchir à notre place dans la nature.
ASSOCIATIONS CONTRE LA PROLIFÉRATION DES ONDES ELECTROMAGNETIQUES :
http://www.robindestoits.org/
http://www.artac.info/
http://www.priartem.fr/
http://www.criirem.org
http://next-up.org/
[1] Sources : http://www.citizen-nantes.com/2015/08/nos-chers-esclaves-mine-de-rubaya-congo-kinshasa.html
[2] Sources : http://www.larecherche.fr/actualite/technologie/industrie-quete-aimants-neodyme-01-04-2011-88387
[3] sources : Silvia Pérez-Vitoria - manifeste pour un XXIème siècle paysan.
[4] http://www.bafu.admin.ch/elektrosmog/01095/01096/index.html?lang=fr
[5] http://reporterre.net/Comment-les-lobbies-nous-font
/http%3A%2F%2Fekladata.com%2F9eTm4v1se3FpBPUKkFEMNQ16NRI%40168x238.jpg)
Contributeurs / Ekarpen egileak
A lain Bernadet, Allande Etxart, Anne-Marie Lagarde, Aratz Gomez Larrañaga, Aurélien Berlan, B ernard Soubirous, D enis Cassard, Dominika Rekalt, E liane Heguiaphal, Emmanuel Voyer, F abrice...
http://hau.eklablog.com/contributeurs-ekarpen-egileak-p817558