Un ami m'annonce tout à l'heure "Je viens de tomber sur un livre de Jean-Pierre Chabrol. Tu connais?"
Alors, tout à coup, grosse bouffée de souvenirs,livrés à lui à la hâte et recopiés ici, bruts de décoffrage.
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Quand j'avais 16 ans (en 69), je l'écoutais à la radio, dans la cuisine de l'appartement parisien, avant de partir au lycée. Remarquable conteur. Remarquable journaliste, remarquable reporter également. Et ce qu'il disait m'allait droit au coeur. J'ai lu "Contes d'outre-temps". Ca me passait partout, comme aurait dit Claude Villers. Puis, je lui ai écrit, je voulais lui demander de nous recevoir, deux copains de Jeunes et Nature et moi.Nous voulions lancer une série d'entretiens avec des auteurs. C'est fou, je m'en veux mais je n'ai pas gardé sa réponse. Il nous disait de venir mais qu'il ne pourrait nous accueillir, sa maison étant en travaux. Il s'était arrangé avec son "secrétaire " qui était d'accord pour nous héberger. Il s'agissait de la famille Fontayne. Le père avait été 20 ans directeur du Théâtre Quotidien de Marseille puis était revenu dans les Cévennes élever des chèvres et organiser des balades avec les ânes.Là, sur les flancs du Mont Lozère, le nom de la troupe était devenue " Théâtre Quotidien des Montagnes", ce qui n'est pas sans ramener au TNP, Théâtre des Nombreux Pâturages, que nous connaissons à Bunus en Pays basque. Nous sommes restés cinq jours pendant les vacances de Pâques. Il faisait plutôt frisquet, pour parler édulcoré.Un soir, Jean- Pierre Chabrol est venu manger, en manches de chemise retroussées alors que nous en étions à regretter amèrement de ne pas avoir pensé à prendre une quatrième couche de chandails. Il était accompagné de Raoul Sangla. Brassens était reparti la veille.Ferrat était passé huit jours plus tôt. Je ne me rappelle plus qui devait arriver le lendemain, Isabelle Aubret peut-être. C'est fou, quand j'y pense maintenant : à l'époque, tout cela nous semblait parfaitement normal, dans l'ordre des choses. Nous n'avions pas la moindre conscience de la chance que nous avions.
Un après-midi, nous étions partis au Mas des Plos et un enfant de la Tribu Fontayne avait trouvé un vieux Mauser du maquis, ce fameux maquis cher à l'auteur. Presque trop beau pour être vrai! Un peu comme si un hypothétique Office du tourisme avait préparé la scène rien que pour nous!
On n'a jamais fait notre entretien. Tout à coup, la tâche nous était apparu comme bien trop lourde pour nos frêles épaules.
On s'est un petit peu accroché avec lui. Il plaçait les naturels bien avant la nature. Et nous, du haut de notre farouche adolescence, ça nous agaçait. Quelques années plus tard, Michel Fontayne nous avait écrit qu'il avait changé d'avis entre temps et nous n'avons pas eu la prétention (heureusement!) à un quelconque moment, d'avoir été à l'origine de ce changement.
Depuis, j'ai presque tout lu de lui de ce qui a été publié pour le grand public, en aimant de plus en plus. Je compte bien dresser la courte liste de ce que je n'ai pas encore lu afin de combler cette lacune.
Une courte citation extraite du premier livre que j'avais lu de lui "Un cycliste a mis pied à terre à côté de moi. Il a tendu l'oreille une minute et, avant de repartir d'une pédale allègre, il a jeté "Ils ne peuvent pas s'entendre. Il lui parle marché commun et productivité. Elle lui parle de l'art de vivre". La courte nouvelle s'appelle "La fille de mai". Et oui, le livre est paru en 1969 ---
Et une autre extraite de ma toute dernière lecture de Jean-Pierre Chabrol "Portes d'embarquement": "Je sirote, je m'ennuie, je me sens sale---J'en ai ma claque de leurs histoires de chasse, de tir, d'hommes chasseurs, d'hommes forts"---
Toujours en phase. Et au bout de trois jours de pluies glacées, heureuse de rendre hommage à ce Cévenol qui commençait l'une de ses nouvelles par "Je suis du pays des pluies heureuses".
Francis Lemarque à la guitare et au chant.
Le site de ses enfants et amis.