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6 mai 2019 1 06 /05 /mai /2019 14:00

Une contribution de Daniel Labeyrie

L'horloger

 

à Monsieur D.

 

La fine farine

Des années

Tombée des horloges

 

Allain LEPREST

 

La farine de Leprest et la neige des ans se sont conjuguées pour couronner la chevelure de l'horloger...

L'artisan a pignon sur rue depuis si longtemps qu'on n'ose plus compter le passage inexorable des ans.

Tout près de la cathédrale de Bayonne, le maître des toquantes règne dignement dans sa forêt d'aiguilles et de tics-tacs. Cette petite musique l'accompagne avec une fidélité qui parfois s'arrête à la capitulation des piles usées ou à l'essoufflement des aiguilles.

 

De modestes réveils fabriqués dans de lointains pays pour des salaires de misères, d'esthétiques réveille-matins montés dans des ateliers de villes provinciales voisinent avec des carillons aux sonneries cristallines. De rares coucous chantent parfois le printemps en plein hiver. D'austères comtoises laissent leur balancier battre le rythme du temps avec détachement.

Finalement cette symphonie de tics-tacs ne s'arrête guère même après la fermeture de la boutique. Pendant la nuit, ça continue de titacquer avec une fidélité qui ne pourrait être brisée qu'à la faveur d'un cataclysme.

 

Tic... Tac... Tic... Tac... L'horloger savoure le bonheur du tic-tac. N'allez pas croire que règne la moindre complaisance chez ce monsieur qui répare l'âme des réveils et des pendules détictacqués. Quand ce petit bruit s'arrête, c'est la panique chez les humains, il faut vite aller voir l'horloger qui change la pile où établit un diagnostique pour les horloges, les pendules et les montres de valeur.

 

Avant d'aller au labeur, le monsieur fait une petite escale dans la cathédrale pour une prière, un Pater et un Ave, car un jour, sonnera l'heure où il faudra tirer le rideau, à l'heure fatidique où notre toquante ne fera plus tic-tac. La silence éternel n'aura nul besoin de compter les heures car en éternité nous aurons tout le temps.

 

Mais nous n'en sommes pas là, l'horlogerie regorge de lumière et le dieu Chronos aime bien le joli son du tic-tac. Notre cœur aussi émet ce battement rassurant, il suffit de poser sa main sur la poitrine pour l'écouter.

 

L'horloger n'a pas l'intention de quitter cette innombrable famille qui pose sur les étagères de la vitrine. Ce serait la désespérance dans la boutique : le tic-tac régulier deviendrait une cacophonie infernale, ce serait le désordre total, nous assisterions à un concert de musique concrète qui ravagerait nos oreilles, percerait nos tympans, nous ferait fuir à toutes jambes vers la forêt la plus proche pour savourer le chant des oiseaux.

 

Longue vie au maître des carillons, des montres, des réveils, des pendules, des coucous et des horloges, que le tictac et le ding, ding, dong rythment longtemps le passage des jours à l'ombre de l'austère bourdon de la cathédrale.

 

 

 

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commentaires

Z
Deux très beau textes, un vrai bonheur à lire et écouter .
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