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6 novembre 2024 3 06 /11 /novembre /2024 19:02

Une  contribution de Daniel Labeyrie

Il n’avait jamais vu l’ombre d’un bûcheron
Ce grand chêne fier sur son tronc
Georges BRASSENS


     Solitaire, certes il le fut, ce grand chêne qui vécut loin des chemins forestiers, loin des futaies sombres habitées par des sangliers austères et bagarreurs mais aussi par des chevreuils délicats.
 Sur son menu petit lopin, à quelques mètres de la maison, il vécut quasiment cinq décennies, grandit au fil des ans et des saisons sans la moindre anicroche. Ce n’est pas son voisin, le figuier de Lomagne, qui l’importuna. Autour de lui, les lauriers l’entouraient d’une couronne protectrice. Quelques pruniers sauvages eurent de courtes existences dans la haie voisine, ce qui ravit les piverts et les pics épeiches toujours prêts à se sustenter dans les troncs desséchés ou pourris. Les noisetiers sauvages le respectaient, tout en jouissant de son ombre les jours de canicule.
Les sautes d’humeur météorologiques, les bourrasques hivernales, les orages automnaux le malmenèrent, mais le bougre tint bon, faisant face à ces caprices saisonniers avec la volonté farouche de « faire de vieux os », d’atteindre l’âge canonique de cent ans, ce qui pour un chêne est un signe de prime jeunesse et de vigueur.
Les fauvettes printanières avaient à cœur de s’égosiller dans son houppier et la hulotte ululait avec ravissement sur sa branche favorite, sous le regard placide de la lune.
Natif d’une forêt du Pays-Basque, il fut planté par un ami des arbres qui l’hydrata régulièrement avec de bonnes doses d’arrosages lorsque la sècheresse faisait rage.
Il se plut dans son nouvel habitat, prospéra au fil des ans, accepta, du bout des branches, un élagage respectueux lorsqu’il atteignit l’âge de trente ans.
Tout allait bien pour lui, sa longévité paraissait assurée pour des siècles et des siècles. Il semblait logique que l’humain qui le planta rendît l’âme quelques dizaines d’années, voire quelques siècles avant lui.
« Amère destinée », une méchante tempête d’octobre le déracina, sans coup férir. Le malheureux s’abattit sur ses voisins, sur un pan de mur de la maison. Son feuillage aux couleurs automnales se répandit en milliers de feuilles sur le sol détrempé, ultime offrande du géant vaincu.
Une entreprise d’élagage le débita, le tronçonna en moultes bûches et bûchettes, ses branches et son feuillage furent broyés. De brouettées en brouettées, tout fut rentré, rangé précautionneusement. Ce bois sèchera durant deux années, avant de de se consumer dans un ballet de flammes au cœur de la cheminée durant les longues soirées d’hiver.
Les punaises et les mouches se sentiront ragaillardies par la douce chaleur d’une flambée dans la cheminée, tandis que quelques humains rendront grâce à feu le grand chêne dont l’âme se promène peut-être dans quelque forêt avant de renaître dans l’humus nourricier.
A ses pieds des dizaines de rejetons assureront courageusement la descendance 

 

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