Un beau soir de Septembre 2006, j’accueillais pour la première fois chez moi Alain Bauguil et son « Théâtre chez l’habitant ».
Au programme, ce soir là « Ennemonde et autres caractères », de Jean Giono, pour moi l’écrivain parmi les écrivains, celui dont je me nourris depuis mon adolescence, le plus vital d’entre tous. Et c’est une hétérotextuelle, voire même obsédée textuelle qui vous parle.
Cette année, le mercredi 5 Septembre au soir, je recommence, avec cette fois encore, un texte de Giono « Le piéton de Marseille », extrait de Noé. «Il n’y avait pas d’arche. Mais non ! Il n’y avait pas de bateau de cent, de trois cents ou de mille coudées, de cent, de trois cents ou de mille enjambées, d’aucune mesure matérielle. Il y avait le cœur de Noé. Un point c’est tout. Comme il y a le cœur de tout homme, un point c’est tout. »
Vous trouverez ci-dessous quelques lignes qui parlent de l’écrivain Giono et quelques autres lignes qui parlent du livre « Noé ».
Je vous rappelle le principe du « Théâtre chez l’habitant ». A 20 h, le spectacle grâce à Alain Bauguil. Ensuite, tous ensemble, on mange et on boit ce que chacun(e) apporté. L’entrée est au prix de 10 euros.
Pour des questions évidentes d’organisation, j’aurais besoin d’avoir aux alentours du 15 Août une idée approximative du nombre de participants. Ceci dit, si vous pouviez me faire savoir dès maintenant si je dois vous réserver une ou plusieurs places ( attention ! Elles sont comptées !---une trentaine--- mieux vaut se décider tôt ), ce n’en serait évidemment que mieux et je vous en serais reconnaissante. Je suis, bien entendu, à votre entière disposition pour tout renseignement dont vous pourriez avoir besoin.
A bientôt, donc.
jenolekolo@gmail.com
Alain Bauguil comme à la maison, avec ses amis écrivains...
(texte écrit
après la soirée de septembre 2006)
“Les routes
font prudemment le tour du Haut Pays. Certaines fermes sont à dix ou vingt kilomètres de leur voisin le plus proche ; souvent, c’est un homme seul qui devrait faire ces kilomètres pour rencontrer
un homme seul…” Le ton est donné.
Théâtre citoyen
Nous vivons là l’une des nombreuses soirées de “Théâtre chez l’habitant”, théâtre citoyen s’il en est, un vrai bijou proposé par Alain Bauguil, acteur et metteur en scène de théâtre. Seul sur cette “scène” qui n’en est pas une, sous la lumière discrète de deux petits projecteurs dont il se demande s’ils ne sont déjà pas de trop, il permet à Ennemonde de continuer à vivre dans les esprits et dans les coeurs. Cette femme, personnage truculent et tragique, née en 1968 sous la plume de l’auteur et deux ans avant sa mort, abrite en son sein tout ce qu’il a vécu, tout ce qu’il a souffert, tout ce qu’il a compris, tout ce qu’on lui a pris, tout ce qu’il a donné. Car Giono, qui avait connu les tranchées de 14-18, avait cru toucher le fond. Et pourtant, avec les horreurs de la guerre suivante, il s’était vu contraint à la prison à deux reprises, pour une “raison” et son exact contraire. De quoi rendre aigri, ce qu’il ne fut jamais.
“L’homme est sans remède. Il est bien entendu que, le sachant, je pense à mille remèdes”. En Ennemonde et ses “autres caractères”, il a mis cet humour qui surprenait toujours chez cet homme, vu par beaucoup comme un ermite, et toute la puissance tellurique qui l’habitait, lui qui déclarait : “la vérité objective n’existe pas, ce qui compte c’est d’être enchanté”. Attention ! Que l’on ne s 'y trompe pas. Il ne s’agit pas là d’une histoire pittoresque, d’une galéjade aux relents de Canebière, accent forcé à la clef. À des milliers de kilomètres de ce régionalisme factice, l’oeuvre exprime à merveille ce que déclarait Giono : “l’écrivain qui a le mieux décrit cette Provence, c’est Shakespeare”.
Provocation majeure… “Nous sommes des hommes, tout simplement, avec des femmes, avant d’être des Provençaux ; par conséquent n’importe qui peut nous décrire, et quand Shakespeare décrit des passions dans ses drames, il décrit les passions provençales.”
Pendant une heure et quarante minutes, ce petit coin de Basse Navarre, ce soir-là, est relié à cet universel, à cette permanence. Car Alain Bauguil sert Giono à la perfection, comme on sert quand on aime, avec émerveillement, tendresse et humilité, de sa haute stature et de sa voix forte. Voilà déjà longtemps qu’il a découvert Giono, avec ses Ecrits pacifistes dont la superbe Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, si cruellement visionnaire en ces temps d’agonie de la civilisation paysanne qui cherche encore des ours-émissaires.
Performance
Mais l’acteur ne se met pas au service que du seul fils de Jean le Bleu
Ce sont les hôtes du théâtre chez l’habitant qui choisissent. Passant de l’un à l’autre, il interprète seul leurs oeuvres et met aussi en scène sa prestation. Chaque soir, il lui faut entrer en lui-même pour réinvestir à nouveau l’univers si singulier de chacune de ces personnalités, sans rien perdre de ce qu’il y a d’universel en elles, sans rien gâcher non plus de leur lucidité chaleureuse, de leur générosité éloignée de toute mièvrerie.
“Quand on a connu cette aventure du théâtre chez l’habitant, on s’ennuie dans le théâtre conventionnel” dit-il. Sans doute, mais cela ne retire rien à l’exploit. Ce soir-là , aucun rideau ne s’est levé, aucun, donc, ne s’est refermé. Ni dans la salle, ni dans les têtes, ni dans les coeurs. Quelques adresses ont été échangées. Quand Alain Bauguil reviendra-t-il en Pays Basque ?
Chez qui, au service de quel texte et de quel(le) auteur(e) ?