8 septembre 2007
6
08
/09
/septembre
/2007
09:56
Le peuple Basque peut s'enorgueullir d'avoir fait vivre jusqu'à aujourd'hui et, je l'espère, pour longtemps encore, l'Euskara, sa langue, la plus ancienne d'Europe.
D'autres records sont moins nobles, ce qui n'empêche pas certains de s'en gargariser.
Je pense particulièrement, puisqu'il se déroule en ce moment même au "Rallye des cimes", dont on ne cesse de nous répéter qu'il est le plus ancien d'Europe.
Au début, c'était l'affaire de quelques copains, deux ou trois militaires (pardon, j'ai dit un gros mot), deux ou trois bergers qui, d'après moi, n'ont rien à gagner, moralement parlant, à fréquenter des militaires. Mais depuis longtemps déjà, le monde du fric a flairé la bonne affaire et ça sponsorise à fond. Au niveau local, c'est comme la coupe du monde de foot ou de rugby ou les soixante ans de Jhonny Halliday , on n'y échappe pas. Même sans lire les journaux, sans regarder les infos à la téloche, sans écouter la radio, on sait que l'on va forcément tomber à un moment ou à un autre sur quelqu'un qui va nous en parler. Sauf à rester blotti dans une grotte en compagnie des Chauves-souris mais justement, c'est par ces endroits là qu'ils vont vroum-vroumer et dépenser pour faire mumuse un carburant dont la combustion nous dérègle le climat planétaire et dont ont nous dit qu'it que raréfié, il coûtera bientôt aussi cher que le champagne!
Quinze jours avant le début des "festivités", doublées d'un salon du 4x4 à Licq Atherey ( ce que c'est que la culture! ), on ne peut entrer dans un Bureau de Poste sans se sentir agressé par l'intimation qui nous est faite de nous intéresser à cet événément. Nous sommes vivement invités à acheter les DVD, les casquettes, les tee-shirts, les enveloppes timbrées, les cartes postales, les porte-clefs qui glorifient notre "Paris-Dakar" (pardon, j'ai encore dit un gros mot ) local. J'ai voulu acheter des timbres hier et je me suis vu demander de "supporter"cette édition du Rallye des Cimes. Pouvez toujours courir --- rouler, voulais-je dire! Plutôt mourir que de "supporter" (anglicisme) ce scandale qui m'insupporte (ça, c'est du Français) depuis tant et tant d'années.
Vous aider à rendre encore plus omniprésente cette non culture du bruit, de la vitesse, de la violence? Vous aider à effrayer les troupeaux , à agrandir les fondrières, à couvrir de boue mélée à la merde de brebis des centaines d'individus qui braillent des encouragements au bord des sentiers, à mettre en danger la flore et la faune, en particulier certains oiseaux fort peu populeux comme le gypaète qui est une espèce très craintive?
A vrai dire, je tremble d'anxiété. Que va-ton me demander de "supporter" la prochaine fois que je vais acheter un timbre? Il n'y a pas si longtemps, c'était une équipe de foot, ou de rugby, je ne sais plus trop parce qu'à part la forme du ballon, je ne connais pas la différence. L'autre jour, je suis passée sous un maillot de joueur au moment où il se décrochait du plafond de la poste et je l'ai reçu sur la tête. Si, je vous jure. Et je n'ai pas trouvé ça supportable du tout.
Au fait, là où il y a écrit la poste, si vous vous occupiez plutôt d'acheminer les lettres correctement et en un temps acceptable, vous savez, comme dans le bon vieux temps jadis, il y a quelques années seulement?
Je fais partie d'une petite équipe qui, il y a un an et demi, a constitué l'association "Le Grand Chardon-Astobelarra". Nous avons dans l'idée de monter une collection de petits livres rassemblant de beaux textes sur l'écologie, si possible en biligue Français -Basque, ou, pourquoi pas le contraire?. Mais, dans un premier temps, nous avons publié "Pensements",le livre de Laurent Caudine, le Vert Souletin qui n'est plus solitaire, dont le texte ci-dessous est extrait. Si vous voulez en savoir + sur le livre et l'association, une adresse : http://lespensements.free.fr/
PS : Au fait---- Hier soir, qui a gagné France-Argentine?
"La Soule c'est le paradis des chasseurs et des 4 x 4. La première fois qu'on est allé en Soule, c'est d'abord ce que l'on a vu : des 4x4 grondants d'où descendaient des
hommes habillés à la Bigeard avec des gros fusils. Alors, on a dit que dans la montagne de Soule, en automne, quand elle est la plus belle, on se croirait à Verdun tellement ça tire." Extrait du
guide du Routard.
J'ai le front comme la proue du Titanic, sauf qu'il n'y a aucun iceberg en vue. Je prends les embruns agrestes dans les naseaux comme un cheval au galop sur une terre vierge, un océan de verdure, qui dure, qui dure. Sous mes bras, dans mon cou, sous mon maillot, l'immense ventilateur élimine la sueur au fur et à mesure, je n'ai pas froid, je n'ai pas faim, je suis bien. À Menditte, je sais que Basabürüa va bientôt montrer sa tête de femme secrète, et je pédale comme un champion pour la rattraper. Mon vélo, un Ocean-Express, VTT de son état, vert et jaune, gonflé à l'énergie musculaire, se grise et me sourit en me disant que la dernière montée de Sainte-Engrâce, on se la fera comme en 97, quand on avait des jambes de sanglier culturiste.
Puis un mugissement faible venu de loin vient rompre l'équilibre fragile du moment. Rien de bien grave, rien d'anormal, mais ma crainte se confirme lorsque ce véhicule, un « tout et rien » moche comme ceux du Paris-Dakar me double en vrombissant tel un animal dressé pour tuer. Au passage, il semble me dire « poussez-vous j'arrive, tremblez braves gens ! » Il pue, il pète à mon passage et vomit sa vitesse juste sous mon nez. ³C'est ça, barre-toi², me dis-je ! Et puis c'est l'avalanche. Deux, quatre, dix, vingt, quarante motos, autos et autres engins excités me doublent en gueulant, en puant, en poussièrant et le paysage jusqu¹alors sensible se métamorphose ; les feuilles se retournent, les herbes se couchent, les oiseaux se terrent, l'air s'abat et s'affaisse dans le fossé, le nez en sang, la gueule ouverte.
C'est le week-end du rallye des cimes.
Je devrais plus souvent me tenir au courant de l'actualité sportive cela me tiendrait à l'écart de ce genre de désagrément. Mais il m'est aussi difficile d'ouvrir la page des sports qu'écouter radio Mendililia plus de trois minutes.
À Sauguis, la dernière voiture se détache ; allez va donc, eh ! Automobile ! À Trois-Villes, je reprends mon souffle, je déconnecte mon apnée, mes oreilles se débouchent, mes yeux caressent paisiblement le décor, ma bouche embrasse les premières collines, et les voitures normales me paraissent presque sympathiques. Je recompose le paysage en même temps que mes sens, je reprends ma route sous mon coude, je m'approprie le bitume en zigzaguant entre les lignes blanches, je joue du pied avec les longues herbes qui bordent la route et qui me fouettent les mollets. Ouf ! Ils sont partis. À moi Atarratze, à moi Basabürüa, à moi Santa-Grazi !
Le 7 septembre 2001
Laurent Caudine.
D'autres records sont moins nobles, ce qui n'empêche pas certains de s'en gargariser.
Je pense particulièrement, puisqu'il se déroule en ce moment même au "Rallye des cimes", dont on ne cesse de nous répéter qu'il est le plus ancien d'Europe.
Au début, c'était l'affaire de quelques copains, deux ou trois militaires (pardon, j'ai dit un gros mot), deux ou trois bergers qui, d'après moi, n'ont rien à gagner, moralement parlant, à fréquenter des militaires. Mais depuis longtemps déjà, le monde du fric a flairé la bonne affaire et ça sponsorise à fond. Au niveau local, c'est comme la coupe du monde de foot ou de rugby ou les soixante ans de Jhonny Halliday , on n'y échappe pas. Même sans lire les journaux, sans regarder les infos à la téloche, sans écouter la radio, on sait que l'on va forcément tomber à un moment ou à un autre sur quelqu'un qui va nous en parler. Sauf à rester blotti dans une grotte en compagnie des Chauves-souris mais justement, c'est par ces endroits là qu'ils vont vroum-vroumer et dépenser pour faire mumuse un carburant dont la combustion nous dérègle le climat planétaire et dont ont nous dit qu'it que raréfié, il coûtera bientôt aussi cher que le champagne!
Quinze jours avant le début des "festivités", doublées d'un salon du 4x4 à Licq Atherey ( ce que c'est que la culture! ), on ne peut entrer dans un Bureau de Poste sans se sentir agressé par l'intimation qui nous est faite de nous intéresser à cet événément. Nous sommes vivement invités à acheter les DVD, les casquettes, les tee-shirts, les enveloppes timbrées, les cartes postales, les porte-clefs qui glorifient notre "Paris-Dakar" (pardon, j'ai encore dit un gros mot ) local. J'ai voulu acheter des timbres hier et je me suis vu demander de "supporter"cette édition du Rallye des Cimes. Pouvez toujours courir --- rouler, voulais-je dire! Plutôt mourir que de "supporter" (anglicisme) ce scandale qui m'insupporte (ça, c'est du Français) depuis tant et tant d'années.
Vous aider à rendre encore plus omniprésente cette non culture du bruit, de la vitesse, de la violence? Vous aider à effrayer les troupeaux , à agrandir les fondrières, à couvrir de boue mélée à la merde de brebis des centaines d'individus qui braillent des encouragements au bord des sentiers, à mettre en danger la flore et la faune, en particulier certains oiseaux fort peu populeux comme le gypaète qui est une espèce très craintive?
A vrai dire, je tremble d'anxiété. Que va-ton me demander de "supporter" la prochaine fois que je vais acheter un timbre? Il n'y a pas si longtemps, c'était une équipe de foot, ou de rugby, je ne sais plus trop parce qu'à part la forme du ballon, je ne connais pas la différence. L'autre jour, je suis passée sous un maillot de joueur au moment où il se décrochait du plafond de la poste et je l'ai reçu sur la tête. Si, je vous jure. Et je n'ai pas trouvé ça supportable du tout.
Au fait, là où il y a écrit la poste, si vous vous occupiez plutôt d'acheminer les lettres correctement et en un temps acceptable, vous savez, comme dans le bon vieux temps jadis, il y a quelques années seulement?
Je fais partie d'une petite équipe qui, il y a un an et demi, a constitué l'association "Le Grand Chardon-Astobelarra". Nous avons dans l'idée de monter une collection de petits livres rassemblant de beaux textes sur l'écologie, si possible en biligue Français -Basque, ou, pourquoi pas le contraire?. Mais, dans un premier temps, nous avons publié "Pensements",le livre de Laurent Caudine, le Vert Souletin qui n'est plus solitaire, dont le texte ci-dessous est extrait. Si vous voulez en savoir + sur le livre et l'association, une adresse : http://lespensements.free.fr/
PS : Au fait---- Hier soir, qui a gagné France-Argentine?
LE RALLYE DECIME
"La Soule c'est le paradis des chasseurs et des 4 x 4. La première fois qu'on est allé en Soule, c'est d'abord ce que l'on a vu : des 4x4 grondants d'où descendaient des
hommes habillés à la Bigeard avec des gros fusils. Alors, on a dit que dans la montagne de Soule, en automne, quand elle est la plus belle, on se croirait à Verdun tellement ça tire." Extrait du
guide du Routard.J'ai le front comme la proue du Titanic, sauf qu'il n'y a aucun iceberg en vue. Je prends les embruns agrestes dans les naseaux comme un cheval au galop sur une terre vierge, un océan de verdure, qui dure, qui dure. Sous mes bras, dans mon cou, sous mon maillot, l'immense ventilateur élimine la sueur au fur et à mesure, je n'ai pas froid, je n'ai pas faim, je suis bien. À Menditte, je sais que Basabürüa va bientôt montrer sa tête de femme secrète, et je pédale comme un champion pour la rattraper. Mon vélo, un Ocean-Express, VTT de son état, vert et jaune, gonflé à l'énergie musculaire, se grise et me sourit en me disant que la dernière montée de Sainte-Engrâce, on se la fera comme en 97, quand on avait des jambes de sanglier culturiste.
Puis un mugissement faible venu de loin vient rompre l'équilibre fragile du moment. Rien de bien grave, rien d'anormal, mais ma crainte se confirme lorsque ce véhicule, un « tout et rien » moche comme ceux du Paris-Dakar me double en vrombissant tel un animal dressé pour tuer. Au passage, il semble me dire « poussez-vous j'arrive, tremblez braves gens ! » Il pue, il pète à mon passage et vomit sa vitesse juste sous mon nez. ³C'est ça, barre-toi², me dis-je ! Et puis c'est l'avalanche. Deux, quatre, dix, vingt, quarante motos, autos et autres engins excités me doublent en gueulant, en puant, en poussièrant et le paysage jusqu¹alors sensible se métamorphose ; les feuilles se retournent, les herbes se couchent, les oiseaux se terrent, l'air s'abat et s'affaisse dans le fossé, le nez en sang, la gueule ouverte.
C'est le week-end du rallye des cimes.
Je devrais plus souvent me tenir au courant de l'actualité sportive cela me tiendrait à l'écart de ce genre de désagrément. Mais il m'est aussi difficile d'ouvrir la page des sports qu'écouter radio Mendililia plus de trois minutes.
À Sauguis, la dernière voiture se détache ; allez va donc, eh ! Automobile ! À Trois-Villes, je reprends mon souffle, je déconnecte mon apnée, mes oreilles se débouchent, mes yeux caressent paisiblement le décor, ma bouche embrasse les premières collines, et les voitures normales me paraissent presque sympathiques. Je recompose le paysage en même temps que mes sens, je reprends ma route sous mon coude, je m'approprie le bitume en zigzaguant entre les lignes blanches, je joue du pied avec les longues herbes qui bordent la route et qui me fouettent les mollets. Ouf ! Ils sont partis. À moi Atarratze, à moi Basabürüa, à moi Santa-Grazi !
Le 7 septembre 2001
Laurent Caudine.