21 octobre 2008
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A Trois-Etots, dans l'Oise, (en 1960) la liberté et la paix, loin des braillements des stades.
Cette histoire de Marseillaise sifflée! Un rien du tout, un truc pas grave monté en épingle par les médias et le pouvoir pour détourner l'attention des choses importantes. Vieille technique que Nicolas Sarkozy a su faire accéder au statut de grand art.
Aujourd'hui, ici, il pleut. Impossible de bricoler dehors. A l'intérieur, le ménage est à faire, c'est certain, mais le chantier est de taille (un peu style nettoyage des écuries d'Augias) et je me traîne une bonne grosse flemme. Alors, je me suis pas mal répandue en commentaires sur les blogs des copains: deux lignes de Renaud par ci, quelques strophes de Le Forestier par là, un texte de Gustave Nadaud ou de Gaston Couté autre part.
Et ensuite---- que dire du sujet sur mon propre blog? Et est-ce vraiment indispensable d'en parler?
Je vais seulement faire remonter à la surface quelques souvenirs très forts de mon enfance et de mon adolescence, des souvenirs de ma maman.
Tout d'abord, à Paris, les jours de match de rugby, devant la télé des grands-parents (papa n'en voulait pas à la maison), quand les braillements commençaient à fuser dans les tribunes et que les téléspectateurs se mettaient à vociférer, à se trémousser sur leur siège en faisant de grands gestes saccadés --- tu te souviens maman? Toi et moi, nous mettions notre manteau et nous partions faire à pied deux ou trois fois le tour du pâté de maison, avec un petit détour par le square. Nous rentrions quand le calme était revenu, que les sportifs en salle avaient repris figure humaine..
Un peu plus tard, je devais avoir douze ou treize ans, te souviens-tu que quelqu'un t'avait fait cadeau de deux billets pour le concert des Choeurs de l'armée rouge? L'armée, rouge ou pas, ça ne t'enthousiasmait pas, loin de là. Mais tu aimais ces belles voix et nous nous étions rendues toutes les deux au Concert de la Place de Versailles, à Paris. Le Palais des Congrès était plein à craquer. Nous avons été les deux seules personnes à rester délibérément assises lorsque ont été entonnés la Marseillaise et l'Hymne Soviétique.
Et, tu te rappelles? Le jour de l'arrivée à Paris de la marche des paysans du Larzac, quand dans la foule un jeune homme a crié tout près de toi "A bas l'armée du Capital!", tu lui as répondu "Pourquoi seulement celle du capital?
Plus tard encore, je venais d'avoir vingt et un ans, nous sortions de l'Hopital de Bayonne où nous étions allées voir papa qui n'avait plus que quelques mois à vivre. Avant de prendre le train pour rentrer à la maison, nous avons fait un petit tour à la Foire de printemps pour visiter le stand de "Jeunes et Nature" que tenaient mes copains. Alors que nous étions sur le stand, une fanfare militaire est passée dans la travée, jouant je ne sais plus quoi. Tous les visiteurs regardaient, certains applaudissaient . Tu as dit "On tourne le dos?" et c'est ce que nous avons tous fait sur le stand jusquà ce que les képis et les trompettes aient disparu au loin..
Et en Mai 74, au retour de la marche vers la forêt des Arbailles pour empêcher la destruction du site par un vaste complexte touristique, quand, épuisée par la première randonnée en montagne de ta vie (tu étais née en 1913, tout de même!), tu étais si agacée par les déclarations hyper militaristes d'un jeune homme qui marchait derrière toi, que, voulant lui répondre, tu t'es retournée, tu as glissé et que tu t'es blessée?
Voilà. Tu n'agissais pas ainsi pour les mêmes raisons que ceux qui ont sifflé la Marseillaise il y a quelques jours. Je te vois encore nous accueillir avec impatience, papa et moi, dans l'appartement de Paris, un soir où nous étions allés écouter une conférence de Jean Toulat, qui venait de publier "Les Grévistes de la guerre", un livre à la gloire de l'objection de conscience. Mais en agissant ainsi aujourd'hui, je me demande ce que tu risquerais, quels noms d'oiseaux te seraient adressés. Remarque, je t'imagine assez bien répondant que nous sommes tous des "sauvageons" et de la "racaille". Tu avais le sens de la solidarité plus développé que celui de la moyenne des gens.
Tu sais, maman, depuis que tu es passée sur l'autre rive, on n'a pas beaucoup avancé. Les orgueils nationaux de tout crin sont bien gravés dans les esprits et dans les épidermes, comme dans du marbre. Les soldats ne sont toujours pas troubadours et les hommes ne vivent toujours pas d'amour.
Mais moi, je ne te l'ai jamais dit, je suis bigrement heureuse et fière d'être ta fille!