Dans les corrales de Dax, quelques taureaux apeurés, avant la séance de torture qui les conduira à une mort somme toute libératrice. Comble du sordide, le public peut venir les voir là pendant une journée moyenant un euro l'entrée. Et c'est gratuit pour les enfants.
Photo: Isabelle Louvier Journal Sud-Ouest.
Une contribution de babel.
Monsieur le Ministre, il est temps.
Il est temps de refuser que notre société soit une matriochka d’humiliations, de souffrances et de violences.
En inscrivant la corrida au Patrimoine immatériel, vous inscrivez nos instincts de prédateurs comme piliers de notre monde, comme ciment de notre société.
C’était une journée d’août comme en attend le Sud entre Perpignan et Marseille. Des affiches annonçaient une fête « votive », je ne sais à quel vœu ni à quel saint d’été, elle était vouée. Le vœu d’une saison prospère ? Un lâcher de toros était annoncé. Nous revînmes au village le soir suivant, avec ma fille, à la fraîche, après la furie. La veille, des bêtes avaient été stockées dans la chaleur de bétaillères obscures et oppressantes, puis jetées en plein soleil, poussées vers une foule protégée par de hautes barrières, rendue vindicative par l’alcool, le soleil, et parfois la vengeance sur une année à se sentir au bureau, à l’usine, comme un bœuf mené à l’abattoir avec lequel on s’amuse avant et pendant l’agonie. Sur le sol de la rue, nous avons lu avec ma fille les traces comme en laissent des taulards dans les cachots, des griffures sur la pierre. Ici, une rayure profonde partait du rebord du trottoir, un éclat manquait à la rigole, et une longue traînée claire la terminait sur le bitume. Partout, le gris foncé était piqueté de marques de glissades, signes de l’angoisse, de la peur, de la sauvagerie. Portrait exact de ce que les foules humaines souffrent dans le quotidien, avant de s’en décharger en passant pour une fois de l’autre côté, mais avec des toros, pour avoir la conscience tranquille.
Avez-vous lu l’alphabet de la douleur sur le bitume, dans les traces des chevilles parfois foulées des bêtes ? Y Avez-vous reconnu la grammaire de toutes les souffrances inutiles dans nos chemins quotidiens ?
Je l’ai lu.
Et j’ai frémi en pensant aux arènes, au métro, à ce que notre culture peut générer de mort et de violence, entre nous, et en la défoulant sur des toros ô combien symboliques des foules humaines quotidiennes…
Cet immonde n’est pas mon monde.
Le babel du Talon Rouge.