L'opinion - Tribune Libre
02/02/2011
Jenofa Cuisset / militante écologiste
Dans un article paru le 29 janvier, Le Journal du Pays Basque relate une interpellation du ministre de l'Agriculture par un représentant de la FNSEA lors de sa visite à Saint-Pée-sur-Nivelle.
Le mot «interpellation» est peut-être un peu fort lorsque l'on sait que le gouvernement et la FNSEA défendent les mêmes intérêts, ceux du fric tout-puissant, qui impliquent la disparition des plus petits paysans, de ceux qui travaillent le plus proprement et de la manière la plus correcte envers la nature, les animaux d'élevage et les consommateurs.
Mais passons sur ces généralités. Il paraît que ces Messieurs de la FNSEA sont préoccupés par la «réintroduction du vautour fauve, de l'ours et du loup dans les Pyrénées, qui met en danger leurs élevages».
Alors, là, c'est du très grand n'importe quoi ! Si la FNSEA avait le courage de se regarder elle-même au fond des yeux, elle se rendrait compte de l'énorme part de responsabilité qu'elle porte dans l'anéantissement de la société paysanne, s'étant vautrée depuis si longtemps dans le lit malodorant des lobbies chimiques et industriels. Mais elle n'a pas ce courage. Et préfère se choisir des boucs émissaires qu'elle livre à la vindicte populaire, toujours prête à l'hallali. Les Français qui ont voté Sarkozy et le regrettent, s'en prennent aujourd'hui aux Roms, aux jeunes, aux vieux, aux Arabes, aux enseignants, aux fonctionnaires en général, aux 35 heures, à la gauche qui n'a pas su les protéger de la droite, à la droite qui ne saura pas les protéger de la gauche, la liste est sans fin. La FNSEA, elle, s'en est trouvé deux de taille, des boucs émissaires : la nature et ceux qui la défendent, personnages encombrants généralement regroupés sous le vocable d'écologistes. Ces gens-là, un jour ou l'autre, la FNSEA n'hésitera pas à nous déclarer que si la pollution existe, que si la nature disparaît, c'est à cause d'eux ! Et je ne peux m'empêcher de penser à un petit dessin de Wolinski dans les années 70, où un personnage disait à l'autre : «L'écologie, ce ne serait pas ça qui produit la pollution, des fois ?».
Alors, bien entendu, sur des bases aussi faussées, la FNSEA raconte absolument n'importe quoi, et le fait sans la moindre vergogne, avec une arrogance qui veut tout ignorer de ce qui n'est pas elle.
1) Les charognards et les grands prédateurs ne présentent aucun danger pour les élevages, bien au contraire. Ils peuvent aider, ils aident les paysans dans plusieurs domaines : nettoyage de la montagne, apport touristique maîtrisé, revalorisation d'image d'une profession souvent et de plus en plus souvent montrée du doigt, hélas bien souvent à juste raison, etc.
2) Il n'est nullement question de réintroductions dans les Pyrénées.
a) En ce qui concerne les vautours fauves, certes la population était au plus bas dans les années 1970. Mais les associations de défense de la nature, en liaison avec les paysans, ont su lui redonner de la vigueur. Non seulement le vautour fauve n'a jamais été réintroduit dans les Pyrénées, mais nos montagnes ont fourni les individus nécessaires à la réintroduction dans d'autres chaînes de montagnes, dans l'Hexagone et ailleurs.
b) Il n'a jamais été question de réintroduire le loup ni dans les Pyrénées ni où que ce soit en France. Le loup, depuis plusieurs années, revient naturellement dans des territoires qui sont les siens, tout comme ils sont aux humains qui y vivent mais qui oublient parfois de les respecter.
c) Une réintroduction ne commençant qu'à partir du moment où il n'y a plus de présence d'une espèce, on ne peut parler de réintroduction en ce qui concerne l'ours dans les Pyrénées. Il s'agit plus exactement d'un renforcement de population. Et ce n'est pas un individu annoncé cette année par le ministère qui va faire basculer définitivement le monde de l'élevage dans le chaos sans espoir de retour. Allez, soyons sérieux ! Et au passage, débarrassons-nous aussi de ces idées fausses selon lesquelles les ours slovènes ne seraient pas de la même espèce que ceux des Pyrénées, qu'ils seraient plus carnivores et habitués à des reliefs différents. Tout ceci est faux et archifaux.
Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage.
Quand on veut se débarrasser de l'ours, on dit qu'il est étranger (après avoir presque totalement décimé les autochtones, cherchez l'erreur).
Quand on veut se débarrasser des humains aussi, d'ailleurs.
Je ne peux m'empêcher d'y voir comme une tout à fait sinistre similitude.