Une contribution de Daniel Labeyrie.
Petites chouettes des campagnes
Au fin plumage moucheté
Qu'êtes-vous devenues ?
Malheureuses victimes trépassées
Du couperet sanglant de notre temps
Où êtes-vous passées ?
En nuits glacées et cieux étoilés
La lune pleure votre absence
Quel lourd silence nous impose l'hiver !
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Petites boules de plumes
Aux yeux de soufre et de mystère
Qu'êtes-vous devenues ?
Messagères de mes rêves
En subtils hululements félins
Où êtes-vous passées ?
Dans vos envols aujourd'hui taris
Comme fontaines et sources abandonnées
Quel désastre dans les jardins de nuit !
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Petites chevêches des campagnes
Chasseresses de l'ombre
Qu'êtes-vous devenues ?
Souveraines des hangars et des cheminées
Gardiennes des arbres creux
Où êtes-vous passées ?
Qui nous dira
Petites chouettes disparues
Pourquoi la lune est orpheline ?
Daniel Labeyrie
Ite missa est
Le sacrifice est consommé
Ite corrida est
Le carnage est achevé
La Cathédrale de Rodin lève les mains
Vers le visage de marbre du Seigneur
L’arène des Romains déroule ses gradins
Jusqu’au bras de fer du tueur
Chasuble ornée d’or et de pierres
Habit pailleté de strass et de lumière
Gestuelle liturgique
Passes hiératiques
Sur l’autel sacré gît un agneau immolé
Pour le salut du monde
Dans le cirque agonise un taureau saccagé
Pour le plaisir qui gronde
Et le granit accueille le sang divin
Et le sable s’imbibe de rouge carmin
Hosanna au Très-Haut des Cieux
Olé au plus vaillant des dieux
Voici le corps de l’ Homme crucifié
Mangez et buvez
Voici la chair de la victime terrassée
Consommez et lampez
Le peuple dévot dans le silence
Se prosterne devant le mystère
Custodi-nos
Les gens du cirque en transe
Trépignent autour du tortionnaire
Taconeos
Les orgues inondent le culte
La fanfare salue le tumulte
De l’église au gradin
Du chrétien au taurin
Le chemin est court et retors
Il va de la mort à la mort
De l’agneau
Au taureau
La Cathédrale de Rodin
Se tord les mains
Les murs des arènes
Transpirent la Géhenne
Custodi-nos
Taconéos
Irène Noël
Aux San Fermines et aux fêtes de Bayonne, dans un océan d'uniformes rouges et blancs, des femmes sont violées et des taureaux torturés.
Ne me parlez pas de la foule en liesse!
Unidos en la lucha!
qui aime beaucoup cette chanson.
Une contribution de Daniel Labeyrie
L'été se glorifie dans la démesure
Renversant la coupe des chagrins
Sur la nappe brûlée des mélancolies
L'été s'invente des vols d'hirondelles
Effleurant la peau claire des gouttes d'eau
Sur l'onde habillée de cris de joie des enfants
L'été se noie dans les vents brûlants
Fripant les feuillages des arbres haletants
Sur les collines hirsutes des bocages
L'été fait taire les oiseaux bavards
Cachés dans l'ombre suffocante des fourrés
Au zénith des jours de canicule
L'été déploie ses rayons solaires
Défiant les pluies océanes
Abandonnées aux lointains horizons
L'été déchaîne les insectes
En sauvages concertos nocturnes
Dans la jungle des herbes folles
L'été se veut maître des lieux
Vouant à la noble paresse
Les désirs de prouesses laborieuses
L'été brouille ses cartes à la faveur des orages
Percutant leurs tams-tams enflammés
Sur la peau éphémère des nuages
Douanier Rousseau, La muse insipirant le poète, 1909 (portrait de Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire).
Certains qui me connaissent ont tenté de lire de la poésie, en vain. Comment lire la poésie, et l’apprécier, puisque tant de gens la fuient parce « qu’ils n’y comprennent rien » ?
Considérez comme faux ce qui suit :
- La poésie ? De jolies phrases qui riment, avec le même nombre de syllabes dans chaque vers !
La rime n’est pas nécessaire. En appui au dictionnaire de rimes, je prends la version CD – Rom d’un dictionnaire. J’y trouve la fonction « recherche phonétique ». Elle me liste tous les mots finissant par un son : facile, Émile ! Quelle belle rime, lorsque bien présente, elle se fond dans le tout, naturellement, ou qu’elle arrive en coup de frein, pour suspendre l’élan. Sinon, son poids mort casse le rythme des vers : une ballerine en snow-boots, tutu et casque lourd pour tenter des entrechats discrets. Il en va de même pour le mètre, le nombre de syllabes : on peut le conserver. Trop rigide cependant, il dessert le souffle. Le souffle ? La respiration, haletante ou profonde, qui, dans nos parlottes habituelles colore tout autant les mots, leur donne épaisseur et force, voilà le filet d’eau dont aucune digue ne doit briser la puissance.
- Les poèmes qu’on ne comprend pas, ce n’est pas de la poésie.
Beaucoup de philosophes ont écrit de mauvais poèmes : Voltaire par exemple. Pourquoi ? Parce qu’avec des rimes de 800 tonnes, il décrit non pas des émotions, mais des idées. Remises en prose, comme un bon exposé philosophique, on y sent des faiblesses. Alors pour faire passer la pilule, hop, on mouline le tout en alexandrins. Ça vous donne un côté vieux sage, croit-on. Que nenni ! Sous les douze pieds moralisateurs se cache un laxatif puissant. Ils emmerdent — je n’ai pas d’autre terme aussi proche de sa vulgarité — tout le monde…
Voltaire écrit : « Demandez aux mourants, dans ce séjour d'effroi /Si c'est l'orgueil qui crie “O ciel, secourez-moi ! O ciel, ayez pitié de l'humaine misère !” /“Tout est bien, dites-vous, et tout est nécessaire.” /Quoi ! l'univers entier, sans ce gouffre infernal/Sans engloutir Lisbonne, eût-il été plus mal ? ».
On le lit bien : « l'humaine misère », voilà une lourdeur de trop, placée ainsi pour la rime, pour le mètre. Dans tout ce texte, matière à une prose en uppercut, l’absence de poésie ailleurs que dans la forme académique rend l’ensemble grandiloquent. Comptez le nombre de fois où en si peu de vers, Voltaire utilise le verbe « être ». Ce verbe terne répété manifeste la fadeur du propos. Au final, on écoute poliment les longueurs que la recherche de la rime et du mètre impose. Faute de raisonnement bien boulonné, car Voltaire se savait sans plus d’arguments que d’autres sur ce point, les « Donc », les « Car » ont cédé la place à des « Ô », des « Ah » surjoués, bidon.
- Qu’y a-t-il à comprendre dans un poème ?
Le minimum. Le poème prononce ce que l’essai, l’exposé, la démonstration, le roman, la nouvelle ne peuvent pas exprimer.
Tout le poème mélange la musicalité et l’émotion. Le poème c’est de l’émotion qui chante. La technique n’a d’autre justificatif que d’y mener.
Ne cherchez pas ce que l’auteur a voulu dire par là, s’il a vécu ou inventé : ressentez l’émotion.
Quand R. M. Rilke écrit « Dansez l’orange », quel mouvement, quel parfum éveille en vous quel sentiment ? Le sentiment enfin atteint, le poème sera lu.
Oui, P. Celan est très hermétique. Si l’on veut « comprendre ». Qu’on se laisse pourtant saisir par l’ambiance, le ton, et alors son monde apparaît. Ensuite, comme les topinambours, on aime ou pas…
Quant à la joliesse, cela dépend du modèle. G. Benn est morbide. Mais son travail cherche un hymne à la beauté au creux des salles de dissection, à la « Morgue ». Le thème, le sujet du poème demeurent parfois inconnus du poète lui-même. L’internet, avec ses milliers de blogues poétiques, montre la facilité à mettre par écrit un bon gros chagrin. « Amour, toujours, pour » contre « sage, volage, mariage ». La poésie ne pourrait donc restituer le bonheur, sans les « Ah », « Ô » et adjectifs de circonstance ? Certes, le mièvre guette. Travailler à écrire le simple, le bonheur : rude et bel exercice. L’exploration de la complexité du simple, de l’étrangeté du banal, guidé par la poésie nous mène au tréfonds de nous-mêmes et du reste.
Si vous voulez lire de la poésie, laissez-vous guider par l’émotion, même fugace, même infime, même confuse. Les assonances, les glissements de son et de sens, les images concrètes et le flou du rêve, tout vient la servir. Oui, un soldat peut dormir la nuque baignant dans un frais cresson bleu. Non, à ce moment du « Dormeur du Val », l’herbe n’est plus verte. Si cela vous désarçonne, alors prenez les poèmes calmement, en imaginant ce qu’ils lâchent mot à mot. Laissez vous aller à la rêverie : « cela me rappelle, on dirait un peu comme quand... ». Très vite, cette lecture s’imposera, et vous entrerez dans les poèmes, car déjà eux vous attendront en vous.
Ensuite, après bien des lignes, dont les vôtres, car le beau est fécond, vous discernerez le cliché standard, ce vêtement trop usé, aussi facilement qu’entre deux couscous, vous saurez celui qui vient de la cantine et de son fer blanc. Vous serez déçu par l’arnaque des « chevaliers de la rime dans les cités du crime » : ils ont des choses à déclarer, mais doivent tout apprendre de la langue, et oublier comment la démagogie les a poussés au premier plan. Vous verrez les soudures où l’auteur a peiné ; vous compatirez, parfois émerveillé, d’autres fois notant le procédé : on ne sait jamais ce qui peut servir. Vous admirerez — car vous les verrez — et le travail fait par l’un pour parvenir, après des années de gammes, à une spontanéité criant sa vérité du jour, et la façon dont un autre rivette des mots lentement choisis, et la maîtrise de la grammaire que cet autre possède pour la contraindre à exprimer ce qu’il veut. Vous verrez lequel a du talent et de la maestria, tout en sachant vous laisser faire, vous laisser guider vers le plaisir.
La première fois que, relisant pour la dixième fois peut-être une strophe, vous sentirez vos yeux s’humecter sans savoir d’où cela vient, ou bien qu’une phrase nouvelle s’installera en vous avec l’aisance d’une évidence, ou bien que la sonorité d’une strophe suffira au-delà du sens des mots à rénover totalement ce que ces mots peuvent exprimer, alors vous aurez appris à lire la poésie.
Puis une fois tous les dix ans, ou dix fois par jour, quand un bouleversement vous saisira, vous aurez à la main ou en mémoire, la légende de cet arrêt sur image : ce sera de la poésie. Vous serez heureux de rejoindre ce genre de station de bus, cette page avec ses mystérieuses petites lignes dites des vers, véhicule plus ou moins cahotant, mais en route vers Cythère : « Invitation au voyage ».
Parvenu à ce point, vous entendrez ne serait-ce que parfois, les poèmes muets enfouis dans un brin d’herbe, un regard, un lampadaire et trois ratons laveurs. L'essorage de la machine à laver vous dictera une rythmique, les noms de ce qui tombe sous vos yeux, un abécédaire. Là, entre les choses de la vie, vous percevrez la silhouette vague d'un poème à naître. Avec plus ou moins de réussite, je suis prêt à parier que, dans les replis du quotidien ou la saillie d’un satori, vous tenterez de trouver les mots de ces textes encore silencieux pour les mener au jour.
Vous aurez alors appris à lire et à écrire la poésie.
P.-S. : Désolé de n'avoir pu faire plus court sur un tel sujet…
Le Mondarrain présente sur ses flancs de nombreuses petites tourbières, milieux humides si particuliers, et aujourd’hui menacés. Pour les préserver, le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels (CREN) d’Aquitaine et les communes d’Espelette et d’Itxassou collaborent depuis de nombreuses années. Il s’agit surtout de protéger les tourbières du piétinement par les pottoks et les vaches, tout en leur permettant de s’abreuver à proximité. Des clôtures ont ainsi été efficacement mises en place autour de quelques tourbières depuis plusieurs années. Il faut aujourd’hui en construire de nouvelles, pour assurer la préservation de certaines tourbières qui se dégradent rapidement. Le CREN souhaite mener une action citoyenne, permettant de sensibiliser le public dans un esprit de convivialité, en organisant un chantier de bénévoles autour des tourbières du Mondarrain. Nous vous convions : Au programme : découverte des tourbières, pose de clôtures. Se munir de chaussures de marche, vêtements de pluie, gants de chantier. Prévoir de l’eau et un pique-nique INSCRIPTION OBLIGATOIRE AVANT LE MERCREDI 20 JUILLET, 18 H , Animateur encadrant : Priscille L’HERNAULT, Tangi LE MOAL Rendez-vous : 8 h 30 Pour tout renseignement, et pour les inscriptions préalables, contactez-nous : Téléphone/ fax : 05 59 56 92 97 ou 05 40 39 49 54
Mail : p.lhernault@cren-aquitaine.fr Jeudi 21 juillet 2011
Photo: Richard Cuisset.
Une contribution de Daniel Labeyrie
Il faut que le hasard renverse la fourmi pour qu'elle voit le ciel … Proverbe arabe
Le soleil au zénith,éclaboussait des petits morceaux de rayons à travers les hautes branches du merisier où quelques merles gaillards festoyaient de fruits inaccessibles.
Un bourdon téméraire escaladait les fleurs de l'acanthe tout en fredonnant un discret refrain de baryton.
A l'autre bout du verger, dame fauvette , invisible , s'égosillait pour le plaisir de l'assemblée.
La tablée d'amis des quatre vents devisait de tout et de rien sur la terrasse tout en sirotant quelque doux breuvage.L'amitié se conjuguait au temps présent pour le bonheur de chacun. Madame Céleste trônait en bout de table dégustant un succulent petit vin de messe.
Soudain, venue de je ne sais où , une petite fourmi a chu dans le verre de Céleste : l'insecte se débattait dans le vin de messe mais les six pattes ne suffisaient guère pour aborder la paroi du verre afin d'opérer un sauvetage sous la forme d'une remontée jusqu'à la bordure supérieure.
Comment diable, si j'ose me le permettre, un insecte aussi insignifiant, pourrait-il sortir d'une situation aussi désespérée ?
Le vin non officiellement consacré par le curé du village n'empêcha pas dame fourmi de trouver un certain plaisir à se repaître du divin élixir que l'athée le plus convaincu ne dédaignerait pas non plus.
La fourmi voyait donc le ciel mais l'ivresse aidant, pour elle, l'azur devait se découper dans un univers où les lois de l'harmonie échappent aux règles édictées par les conventions académiques.
Monsieur le curé, dans son église , trouverait ce petit incident totalement ridicule , voire grotesque: seul François d'Assise accorderait une certaine importance à la chute d'une fourmi dans un verre de vin de messe.
Que le Très-Haut , dans son immense miséricorde, pardonne à cette infime bestiole ces petits moments d'ivresse à la faveur de quelques agapes estivales.
Retournant à sa triste réalité, le petit être se débattait dans son breuvage et madame Céleste ne voulait en aucune manière sacrifier son apéritif: que fallait-il faire ? Jeter le contenu c'est-à-dire « jeter le bébé avec l'eau du bain » ? Impossible !
Finalement, l'un des convives, avec la plus extrême délicatesse, la plus profonde concentration, trempa la lame de son couteau dans le verre pour sauver la malheureuse qui fut déposée sur une branchette de jasmin.
Ce drôle de bain ne perturba pas le dimanche ensoleillé de la bande de joyeux
lurons: à l'autre bout de la table personne ne fut au courant de la chose.
Quoiqu'il en soit, la liturgie peut prendre parfois d'autres chemins et l'énivrement d'une fourmi dans un petit océan alcoolisé est bien préférable à la noyade dans un bénitier !
Daniel Labeyrie