L’élargissement de l’A63 a provoqué une onde de choc sur sa portion Bidart-Biriatou. Une saignée béante révèle au grand jour certaines erreurs commises lors du choix du tracé autoroutier et au-delà, met l’accent sur la fuite en avant dans laquelle la Côte basque est engagée. C’est l’une des tares originelles de l’A 63 tenue d’assumer la double fonction d’autoroute de liaison grande distance et de desserte locale dans une zone où l’urbanisme n’a cessé de s’intensifier sans la moindre anticipation, le coût des péages ayant subi une courbe analogue.
Le coût de l’élargissement à trois voies de l’A63 dépasse largement celui d’un énorme chantier de BTP aussi onéreux soit-il. Il a pris les proportions d’un massacre dans sa partie sud (entre les péages de Biarritz et Biriatou) le summum étant atteint sur la portion Guethary-Saint-Jean-de-Luz et une partie d’Urrugne.
Là où l’autoroute de la Côte Basque sur sa lancée vers la péninsule ibérique, côtoie au plus près l’ex-RN 10, l’ancienne route des vacances en Espagne empruntée par des millions de Français et Européens du nord jusqu’à la fin des années 70. C’est l’une des tares originelles de l’A 63 tenue d’assumer la double fonction d’autoroute de liaison grande distance et de desserte locale dans une zone où l’urbanisme n’a cessé de s’intensifier sans la moindre anticipation, le coût des péages ayant subi une courbe analogue.
Il aura fallu la déforestation “sauvage” des maigres espaces séparant A 63 et ex-RN 10 au premier trimestre 2015, pour que le saccage crève les yeux. En réalité il date du début des années 70, lorsque coups de crayons et assauts de pelleteuses déterminèrent son profil, sous l’égide de l’ACOBA (Autoroute de la Côte Basque) laquelle passa le relais aux ASF (Autoroutes du Sud de la France) et Vinci Autoroutes.
Arrachés du jour au lendemain
Fortes de leur expérience sans trop de remous au nord de Biarritz, pelles et débroussailleuses ont “décapé” les terres bordant l’A63 (dans l’emprise ASF tout de même) sans l’ombre d’une concertation avec les communes riveraines ni la moindre communication auprès des utilisateurs.
Arbres et arbustes ont disparu du jour au lendemain, à l’exception de quelques frêles exemplaires entourant une tente abandonnée par un campeur parti sans laisser d’adresse…
Les flux non-stop de circulation sur goudron et béton sont une plaie béante, la palme de l’horreur revenant à la portion Guethary-Saint-Jeande- Luz et une partie d’Urrugne. Un choc ! Le 15 juin, les responsables des travaux ont reconnu avoir “mal discerné” lors d’une réunion publique en mairie d’Urrugne, sous la pression du collectif Aux arbres citoyens!. Créé le 7 mai par une poignée de riverains de Guethary, sa pétition pour le reboisement a déjà recueilli 8.000 signatures. Il exige la mise en place d’un “paravent efficace”, à base d’espèces exclusivement persistantes, d’une hauteur minimale de 3 à 5 mètres, plantées à 5 mètres maximum de distance.
Les opérateurs ont promis de s’exécuter de même qu’au niveau des pare-bruits, toujours grande source d’inquiétude, thème dont l’association Lurra Zain a, entre autres, fait son cheval de bataille. On peut espérer que le regard des usagers de l’A63 et de l’ex- RN 10 en bordure desquelles le mal est déjà fait, ne s’arrêtera pas là, mais prendra la pleine mesure de l’urbanisation galopante de toute la frange côtière engagée dans une fuite en avant sans fin.
La France défigurée
En dépit des apparences, Guéthary (traversée par 1 km d’autoroute) fut la commune la plus pénalisée par l’A63. 25 hectares d’emprise pour une superficie globale de 142 hectares, dont 75% en zone de bruit du fait de l’A63, de l’ex- RN 10 et de la voie ferrée qui saignent la commune ! Deux autres tracés à l’est (vers Ahetze) auraient pu l’épargner mais “on” choisit le pire pour le village. Guethary fit corps autour de son maire, Solange Beaudon-Larchus (peu soutenue par ses pairs notons-le), farouchement opposée à la percée de la seule colline du village à deux pas de son église. Elle voulait un tunnel comme elle l’expliqua dans l’émission TV “La France défigurée” du 24 février 1974. Epaulée par l’association écolo “Jeunes et Nature” et son jeune président Pierre Lebaillif, c’est au prix d’une manif courageuse que l’élue obtint une tranchée couverte d’une petite centaine de mètres… inaugurée en grande pompe en 1978. Ce fut sa revanche.
Jusqu’où ira-t-on ?
Le contournement de Saint-Jean-de-Luz qui devait faciliter l’accès aux plages datait de 1972. Rares furent ceux qui avaient envisagé l’explosion du fret routier France-Espagne passé de 500 camions/jour à 9.000 aujourd’hui ? C’était pourtant l’époque où la Mission interministérielle pour l’Aménagement de la Côte Aquitaine (elle intégrait la Côte basque et la Basse vallée de l’Adour, 1967-1992) dont la mission était de mettre en cohérence le développement économique régional (via le tourisme en particulier) et les équipements structurants.
Lors de la présentation du schéma provisoire d’aménagement en janvier 1974 à Pau, il y eut au moins un élu du littoral pour regretter que “coincé entre l’A 63 et la côte, le paysage soit voué à l’invasion des ZUP et des lotissements pavillonnaires”. Il ne croyait pas si bien dire !
Jusqu’où ira-t-on dans l’incohérence ? Le maire de Guethary est l’un des (rares) élus de la Communauté d’agglomération du sud de la Côte basque à poser la question, qui vaut pour toute la côte : “L’économie reste le parent pauvre, on fait surtout de l’habitat avec pour horizon proche de fortes augmentations de population. En réalité on génère du service mais pas d’économie productive”.