Puisque c'est la saison des plantations, nous allons encore parler des arbres.
Il y a quelques années, avec deux ou trois copains, j'avais débattu tranquillement de quelques idées fausses les concernant (pas les copains, les arbres).
Je viens de retrouver ces échanges. Je vous les livre ci-dessous, pêle-mêle et bruts de décoffrage.
On peut vouloir garder un arbre le plus longtemps possible au mieux de sa forme, quand il est le plus grand, sans branches sèches, sans cavités
Mais un arbre est comme un être vivant. Il naît, se développe, puis commence à s'étioler et meurt, comme nous. Tout cela à un rythme plus ou moins rapide selon l'espèce et selon les conditions du milieu, les aléas climatiques.
Pour beaucoup d'humains, un arbre mort ou même une branche morte, ça fait "sale", ça ne fait pas "entretenu", ça ne fait pas "parc", mais en vérité, un arbre ou une partie d'arbre mort est un lieu grouillant de vie. Comme le dit l'ASPAS, "L'arbre mort, c'est la vie". S'il reste encore en Pays Basque des Rosalie des Alpes qui ont quasiment disparu partout ailleurs, c'est parce que nous avons des hêtres morts ou en dépérissement, debout ou à terre, que tout n'est pas systématiquement ramassé et "nettoyé". S'il reste encore quelques "colonies" de chouettes chevêches, c'est très souvent là où existent toujours quelques vergers avec des arbres creux , etc, etc.
C'est comme les gens qui font la guerre systématique au lierre. C'est vrai que le lierre peut venir à bout d'un arbre, mais tout dépend de l'état de l'arbre, de son âge, etc. Et vu de plus "haut", si le lierre pousse là, ce n'est pas un hasard et il créé un autre milieu, un autre équilibre. Les chouettes hulottes aiment les chênes « lierrés » et on en voit de plusieurs fois centenaires (des chênes, pas des hulottes), qui sont en pleine forme sous leur manteau de lierre aux feuilles vernissées.
L'ONF, après de très nombreuses et graves errances dont pas mal subsistent encore tout de même, a pris l'habitude, sous la pression de ces « foutus emmerdeurs d'écolos », de conserver un certain pourcentage de bois mort dans les forêts qu'il entretient et exploite.
Certaines espèces, les saules en particulier, peuvent être recépées en "têtards", en "trognes" ou en "têtes de saule". C'est beau (enfin, moi, je trouve) et ça plaît un max à nombre d'espèces animales.
Le caractère nuisible pour les arbres du lierre (Hedera helix ) est aujourd'hui nié grâce aux recherches de biologistes de Bialowieza (Parc National de la mythique forêt polonaise à caractère primaire) . En effet, les cas d'arbres pour lesquels Hedera helix semblait nocif sont des individus tous déjà atteint par un oïdium ou autre ravageur (quasi-) invisible, le lierre n'étant qu'un facteur aggravant dans ce cas. Dans cette forêt extraordinaire dans laquelle AUCUNE intervention humaine ne se fait depuis de nombreux siècles, les Turdidés (grives et merles) favorisent grandement Hedera helix en consommant les baies et déposant leurs fientes avec les graines (aux pouvoirs germinatifs accrus après le passage dans l'estomac de l'oiseau) sur des futurs supports de cette liane épiphyte ...
Les très vieux arbres de chez nous, bien qu'ayant été étêtés régulièrement par nos traditionnelles pratiques agro-sylvo-pastorales, sont les seuls gîtes pour toutes cette faune dont parle Jenofa mais aussi pour des lichens corticoles dont les exigences demandent ce type de ligneux, une guilde de champignons pionniers, des coléoptères de toute chitine (le genre Quercus (= chêne) arrive en tête des arbres qui accueille la plus grande richesse spécifique en invertébrés dont un grand nombres spécifiques et aux vieux individus en particuliers, nombre sont devenus très rares, d'autres ont disparu. Un individus de chêne peut abriter jusqu'à 900 espèces de coléoptères et 200 d'insectes gallicoles, sans compter les hétérocères (papillons de nuit) dont les chenilles se nourrissent exclusivement de ses feuilles, chenille qui à leur tour servent de fourrage aux rares chauves-souris citées ci-après. Aussi, dans les diverses cavités creusées à la fois par les insectes et les Picidés (pics) logent - hormis ces pics (6 espèces chez nous), la rare chouette de Tengmalm et d'autres nocturnes, nombres de passereaux, une douzaine d'espèces de chauves-souris (dont les rares murin de Bechstein et la barbastelle), les Léridés (loir, lérot et muscardin), écureuil et autre martre, etc.
Les forêts à caractères primaires, disparues de l'Europe de l'Ouest suite au déboisement progressif initié au Néolithique, ont comme exemple en Europe la forêt polonaise prénommée. Celle-ci donne une très bonne idée de ce qu'était nos paysages post-glaciaires, avant l'apparition de l'élevage et de l'agriculture. La diversité des essences est importante et toutes les strates sont représentées et les boisements sont mixtes (ormes - tilleul - chêne - aulne - frêne - épicéa - charme... dont les proportions changent d'une station à l'autre en fonction des conditions édaphiques et hydriques). Malgré la pauvreté du sol (essentiellement sableux !), les plus grands spécimens européens sont dans cette forêt : épicéa 53 mètres, chêne et tilleul dépassant 40 mètres. Les circonférences sont aussi impressionnantes, sans communes mesures avec nos contrées, aux conditions climatiques et pédologiques pourtant plus riches !!! Mais l'information principale qu'apporte Bialowieza est que tous les organismes vivants vivent très bien dans cette forêt, qu'elle se porte très bien malgré des ravageurs périphériques des boisements exogènes intensifs apparus dans les années 80, que les populations animales se portent bien, herbivores (cerfs, chevreuils, daims, élans, sangliers, castors), comme carnivores (loups, lynx, loutre), que la qualité des bois est exceptionnelle et sans équivalent. Chablis, chandelles et volis partout, de toutes les tailles et toutes les formes : sur la dendromasse (biomasse en bois), environ 40 % est du bois mort ! Ceci explique la présence unique en Europe d'insectes connus chez nous par nos naturalistes du XVIII ème siècle et aujourd'hui disparus.
Nos trognes ou arbres têtards, qu'ils soient chêne, hêtre ou frêne sont de forts enjeux pour notre patrimoine naturel puisqu'ils sont les ultimes refuges pour cette faune, jadis dans nos grandes forêts "vierges" européennes. Les LAISSER TRANQUILLES sans AUCUNE INTERVENTION est la meilleur des gestions que l'on peut en faire de nos vieillards arborescents.