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24 décembre 2020 4 24 /12 /décembre /2020 09:50

Une contribution de Daniel Labeyrie

3 - Lo’Jo - Permettez majesté (clip officiel)
Groupe de la scène angevine alliant poésie et musiques de partout.

 

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24 décembre 2020 4 24 /12 /décembre /2020 09:41

Une contribution de Daniel Labeyrie

2 Un groupe phare de la scène d’Istanbul entre psychédélisme et transe orientale.

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24 décembre 2020 4 24 /12 /décembre /2020 09:38

Une contributionde Daniel Labeyrie

I – Dulce Pontes « Alfama » do novo album “Peregrinaçao”
Une interprétation magique d’un fado portugais.

 

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20 décembre 2020 7 20 /12 /décembre /2020 09:39

Une contribution de Daniel Labeyrie

Le hibou du Moutier
Il prodiguait les hosties
Le pain bénit, l’Eucharistie,
Aux petits oiseaux du moutier
Georges BRASSENS

    Permettez, chères sœurs, je me présente : je suis un modeste hibou moyen-duc, mon plumage est fauve, mes deux aigrettes se dressent sur mon chef, je me porte plutôt bien malgré mon grand âge. J’habite dans une sapinière du plateau où il fait bon vivre malgré un climat rigoureux et cette maudite burle qui me glace le sang au temps d’hiver.

    Je ne ressemble ni au hibou grand-duc aux yeux sévères et austères ni aux insignifiants petits ducs qui s’égosillent dans les platanes de Barjac les nuits de canicule.
    Cette année, j’ai envie de fêter Noël en compagnie des saintes dames du Moutier, les chères diaconesses de Reuilly qui portent l’Evangile autant dans leurs paroles que dans leurs actes. Chères sœurs, n’ayez crainte, je ne suis pas un rapace anticlérical, je ne bouffe pas du curé ou de de la nonne à tous mes repas, je me contente de rats gris, de surmulots ventripotents, de souris faméliques ou de sveltes musaraignes. 

    Ces derniers temps, figurez-vous, j’ai comme l’impression que le moral des humains n’est guère au beau fixe, la désespérance a pignon sur cœur. Je ne vois plus que leurs yeux car ils portent tous des masques, en ville comme à la campagne. Ils grognent, se calfeutrent, maudissent leurs dirigeants, se réconfortent par des rasades de porto ou des ébats amoureux pendant les heures du couvre-feu. D’autres se crêpent le chignon ou se traitent de tous les noms d’oiseaux, ce que je trouve parfaitement inadmissible.
    A propos de ce couvre-feu, moi, je me dis que c’est très bien, je peux voler sans danger pendant la nuit, vaquer à mes chasses nocturnes sans risquer de me faire écrabouiller par une ouature, oui une ouature comme l‘écrivait Raymond Queneau.

    Ce soir, c’est Noël mais que sont devenues l’effervescence et la joie de la Nativité ? Voilà des semaines que je n’entends plus guère la lyre ; quant aux cantiques, cela fait belle lurette que les anges se cachent au-delà des nuages, désespérés par ce silence assourdissant dans les temples, les églises, les synagogues, les mosquées. L’humanité broie du noir, ce qui n’empêche pas les armes de crépiter et des vies de s’arrêter dans des flots de sang, ici comme ailleurs sur la planète.

    Allez les frangines, ne laissez pas la chappe de silence assombrir ce Noël 2020. J’ai convié une multitude d’oiseaux pour cette veillée de Noël en compagnie d’une petite trentaine de personnes. 
    Il n’est pas interdit à la gent ailée d’être présente à cette occasion : pas de dérogation obligatoire pour nous. Le dieu des oiseaux nous laisse en totale liberté. Croyez, chères nonnes, que nous n’occasionnerons pas le moindre trouble à l’ordre public dans votre saint lieu.

J’ai convié la chouette hulotte, cousine un peu mégère, une effraie noctambule, deux mésanges bleues ravissantes, une corneille noire tracassière, un rouge-gorge solitaire, une troupe de moineaux braillards à qui j’ai recommandé la discrétion, un merle moqueur qui siffle » Le temps des cerises », un goéland désargenté, un coq de bruyère goguenard, cent sansonnets de la chorale des érables du Mazet, un insignifiant roitelet qui a du coffre malgré sa petite taille et un grand corbeau anticlérical qui m’a promis de ne pas croasser « A bas la calotte ». Le grand-duc, morose et hautain, a décliné l’invitation.
Je suggère à Sœur Samuel de venir à cheval pour nous escorter lorsque sonnera la cloche.
Nous ne connaissons pas le moindre chant religieux mais nous chantons des hymnes à la nature, à la beauté du monde et à la vie. Je vous suggère de répéter le chant de la création de Saint-François qui était un brave type. Lisez aussi un poème de Rumi, après tout, tous les chemins conduisent à l’Eternel.
Nous les oiseaux, sommes ouverts à toutes les traditions, nous dérangeons peut-être l’ordre établi mais nous sommes libres comme l’air.
Les petits oiseaux se poseront sur les épaules des trente privilégiés.
Quant aux grands oiseaux, ils seront alignés sur le dossier des bancs, à distance respectable les uns des autres.

J’assume toute la responsabilité de cette soirée et je ferai en sorte qui n’y ait pas le moindre dérapage de la part de mes confrères qui ont reçu toutes les recommandations.

Chères nonnes, pardon pour la familiarité, comptez sur notre ponctualité légendaire. Tout se passera merveilleusement bien et à l’heure sonnante de minuit, lorsque l’Enfant – Dieu poussera son premier cri, d’un bec unanime, nous chanterons en chœur malgré la discordance de nos voix.
Vive Noël 2020 !!!
 
PS : A l’occasion, durant les nuits froides d’hiver, je hululerai mes cantilènes sur la plus haute branche du hêtre pour bercer vos rêves de paradis céleste.


 

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4 décembre 2020 5 04 /12 /décembre /2020 16:16

Une contribution de Daniel Labeyrie

Vinrent cette année-là
Des temps étranges
Guy BEART

Cette année-là, la vingtième d’un siècle à feu et à sang, les humains perdirent la face, l’espérance piétinée sous des flots de sang et de boue n’habitait plus le cœur des humains. Sur un continent, des millions d’arbres furent réduits en poussière après avoir été passés par les flammes. Des foules faméliques s’agglutinaient aux portes des métropoles pendant que des oiseaux par millions brûlaient leurs ailes dans les brasiers incandescents.
On invoquait vainement les dieux des lointaines galaxies : le silence sidéral de leur réponse décourageait le genre humain. La croix, l’étoile, le croissant et le lotus flottaient encore sur les édifices religieux, tels des oriflammes désespérées.
    Les humains décimés par les ravages des virus devinrent la proie des charognards affamés. Des régions entières furent totalement anéanties. Quelques rares enfants rescapés de l’apocalypse subsistaient, ici et là, errant hors des villes désertées.
    Au-dessus de ce désastre, imperturbable, le soleil continuait sa course diurne ; la lune dans sa traversée nocturne regardait tristement sa planète-mère. Pas le moindre poète, pas le moindre rêveur pour converser avec elle. Trop occupés par leur quête de survie, les enfants l’ignoraient.
    Chose étrange, les animaux semblaient s’adapter à la situation. En Aquitaine, la grande forêt landaise conservait encore quelques bouquets d’arbres : pins parasols, chênes-lièges et saules furent les rares espèces à survivre à l’hostilité ambiante. 
Les écureuils jouaient avec innocence sans se soucier des martres qui les chassaient. Les chevreuils n’avaient plus à craindre les balles des chasseurs qui avaient totalement disparu. Les buses, posées au sommet des troncs calcinés, faisaient ripaille des rongeurs qui pullulaient. Les passereaux chantaient à tue-tête : délivrés des piégeurs à la glu, en toute confiance, ils se posaient sur les épaules des enfants hirsutes et déguenillés.
Dans certaines villes, comme Salies-de Béarn, des hordes de sangliers avaient totalement investi les lieux. Les thermes désertés devinrent leur aire de jeux. Les marcassins se prélassaient au soleil sur des transats pendant que les laies mâchaient des roses dans le jardin public. Les mâles jouaient à la lutte sur la place du marché. Les ronds-points étaient gardés par des vieux mâles revêches qui arboraient leurs défenses avec arrogance.

 Dans le temple et l’église, les hirondelles gazouillaient, ce qui faisait sourire la statue de Saint-François d’Assise. La nuit, les chauves-souris volaient en ballets majestueux au-dessus des eaux du Saleys pendant que les chats-huants hululaient sur les cheminées à moitié écroulées. Les fouines avaient éloigné les chats qui furent obligés de goûter à la vie sauvage dans les hangars délabrés des fermes abandonnées. 
Les vaches, livrées à elles-mêmes, couvertes d’aigrettes blanches, ruminaient paisiblement dans les prairies alentour. Les couleuvres se la coulaient douce sur les rochers des ruisseaux. Des milliers de canards, échappés des élevages, recouvrèrent la liberté mais pas question de cancaner dans les piscines, toutes investies par les sangliers. Ils durent se contenter des mares saumâtres dans les villages voisins.
Dans les campagnes, quelques dizaines d’enfants, s’accommodaient comme ils pouvaient de l’inconfort de la vie sauvage. Ils pêchaient dans les ruisseaux de rares poissons qu’ils consommaient crus, cueillaient des herbes et des baies sauvages. En aucun cas, ils n’attentaient à la vie animale. Les enfants n’exerçaient pas le moindre pouvoir sur le règne animal, maître de ce nouveau monde. Les garçons se chargeaient de la quête de nourriture, construisaient des cabanes et les filles filaient la laine des moutons pour confectionner des vêtements chauds. Le soir, par temps doux, autour du feu, tout le monde se mettait à danser en chantant des comptines.
C’est ainsi que s’écoulait le temps et les saisons dans ce coin de France relativement épargné par la fureur. Certains soirs de pleine lune l’on percevait une rumeur lointaine comme un galop de cavaliers d’apocalypse.


 

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2 décembre 2020 3 02 /12 /décembre /2020 11:52

Une contribution de Daniel Labeyrie

« En plein décembre
J’ai trouvé la rose
La rose qui me ressemblait
Aux pétales de givre
Non pas la rose d’un été
Non pas la rose d’un bouquet. »
La rose décembre

Ce premier décembre, la journée était grise, triste comme ces jours d’hiver où la mélancolie suit la chute inexorable des feuilles mortes.
Madame Sylvestre, vous n’avez pas attendu le dernier jour de l’an pour filer éternellement à l’anglaise.
Oui, quel coup de massue alors que vous vous prépariez à remonter sur scène dans les jours prochains. Vous nous laissez, là, au bord du chemin, complètement abasourdis par cette triste nouvelle.

C’était toujours un plaisir infini de vous écouter sur les planches de la grande cour du château de Barjac, de vous croiser dans les ruelles sous le soleil de plomb de l’été cévenol. Vigie attentive, vous veilliez sur les jeunes pousses de la chanson avec sollicitude et tendresse.

Toujours fidèle, toujours droite, jamais vous n’avez démérité : voix des sans voix, orfèvre d’un immense collier de chansons essentielles qui nous trottent dans la tête, couplets ciselés loin de la guimauve ambiante. 
« Une sorcière comme les autres » est un hymne incontournable à la condition féminine, un hommage à la mère, aux femmes qui nous ont tous construits physiquement, humainement, affectivement : assurément un chef d’œuvre !
Votre patrimoine discographique recèle des dizaines de joyaux, de perles, sans oublier vos fabulettes qui berçaient les têtes blondes et brunes que nous fûmes.

Des blessures intimes ne vous ont pas ménagée mais votre pudeur, votre discrétion ne les étalaient pas sur la place publique. Nous avons tous « un mur pour pleurer » pour laisser s’épancher un immense chagrin aux grosses larmes, comme des marins à la dérive ayant perdu leur boussole.
En ce début décembre, quelques roses se dressent encore, fières et fraternelles ; un peu de givre les habille : ces roses vous ressemblent. Nous vous les offrons pour en faire un bouquet d’éternité.

 

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25 avril 2020 6 25 /04 /avril /2020 09:16
Loreen irribarrea Le sourire des fleurs

Collectif d'habitants de la vallée de Garazi, nous plantons, semons, et partageons des légumes, des aromates, des plantes médicinales et des arbres fruitiers, partout, et pour tout le monde.

Pour l'autonomie alimentaire de chaque personne, de chaque maison, de chaque quartier, de chaque village et puis de ceux d'à côté.
Pour un droit d'accès à la terre pour tous.
Pour le sourire des enfants.
Pour l'abeille, l'oiseau, le ver de terre et tous les autres.
Et pour l'embellie
🎶.

Nous sommes à la recherche de semences et de plants de légumes, de petits arbres fruitiers aussi, de quelques kilos de terre, et de pots (petits et grands).
À déposer à notre local ou à envoyer à notre adresse.

Nous recherchons également, à Saint Jean Pied de Port, un terrain rue de la Citadelle, privé ou public, pour trois familles, et un autre du côté de Mayorga pour deux autres familles.

Et Merci !
.

Garazi eta inguruetako herritar kolektibo bat gira.
Denetan eta denen dako, ereiten, landatzen eta partekatzen ditugu baratzeki, sendabelar, belar aromatiko eta arbol fruitudunak.

Baratzeki eta fruitu autonomia dugu helburu, pertsona, etxe, auzo eta herri bakotxaren dako.
Denek lurraz gozatzeko ahala ukan dezagun !
Haurren irriñoen dako.
Erle, xori, xixare eta beste guzien dako.
Edertasunaren dako
🎶

Baratze partekatu eta herritarren garapena bultzatu nahi dugu. Hortarako, hazi, landare, arbol fruitudun, lur eta poteen bilketa egiten dugu.
Gure lokalera ekartzen ahal dituzue edo gure helbidera bidaltzen ahal dituzue.

Donibane Garazin, terreinu bat sekatzen da Zitadelako karrikan, pribatua edo publikoa, 3 familiren dako. Eta beste bat Mayorga ondoan beste 2 familiren dako.

Milesker !

KOLEKTIKA 💮
Loreen Irribarrre/ Le sourire des Fleurs
9 Rue de la Citadelle
64220 Saint Jean pied de port
Tel :06 41 84 66 80.
kolektika@protonmail.com
Contact par mail ou par message via la page KOLEKTIKA.
💮
.
À partager !

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25 mars 2020 3 25 /03 /mars /2020 13:01
Palingénésie

 Une contribution de Manex Lanatua

Le titre est de la blogueuse

Moi qui ne suis jamais au diapason de la société  " du progrès et des réussites " qui est la notre, je me sens aujourd'hui,étrangement, un peu plus proche d'elle ou ( sans illusion ) elle de moi .

Le confinement obligatoire est une façon "de non être" que jusqu'à présent je ne connaissais pas. Par contre, volontairement se "mettre en marge " ou " s'écarter du troupeau "c'est un choix salutaire pour lequel j'ai opté depuis longtemps.

Le " coronapapirus " (par l'humour, les poètes savent désacraliser le mot pour lui enlever sa puissance négative ) sera je l'espère, l'occasion de se poser les vraies questions et mesurer l'urgence des réponses.

Obligés de s'arrêter et pressés par la peur ,peut être enfin,les gens  s'interrogeront-ils sur la finalité de leur vie,du bien fonde' de leurs actions précipitées et precipitantes,l'aboutissement de leurs entreprises et de leurs possecions?... C'est l'occasion de chercher d'autres voies au bonheur ou du moins ,a un peu " mieux de bonheur".De cette société entamant à pleines dents le bord de ses abîmes j'ose espère cela,mais peut être suis je ,une fois encore ,trop ambitieux ? Trop,influenceé par la clarté aveuglante ,de l'évidence.

Pour ma part ,par un retour a la terre,que je n'ai d'ailleurs jamais quittée et un apprentissage constant du langage et du voyage des oiseaux j'ai par l'insouciance de quelques parfums volatiles approcheé des débuts de reponses. De la nature bienfaisante et des l'herbes de la vie qui ne veulent que notre bien ,j'apprends,je reçois et donne.

Pour ceux qui le peuvent encore ( pour combien de temps ? ) et pour ceux qui ouvrent les yeux de la responsable conscience,tout est dans l'amplitude du coeur.Une fois cette amplitude intégrée et mise en marche,tout devient simple,il suffit de distinguer la beauté cachée des diverses formes de vie. Par exemple,voir dans l'escargot l'éphémère de la maison de nacre de son existence qu'il transporte,a tort, comme un lourd fardeau , ou plus positivement, un papillon dansant tel derviche autour du coeur des fleurs, ou le merle côtoyant la conscience innocente de l'instant présent qu'il doit magnifier, orner son chant de la sagesse devenue intuitive, d'un vieux chef d'orchestre,ou que sais je encore...tout est murmurant et palpitant.

Bref,c'est bien dans cela,dans tout " l'inutile " de l'existence que parlent les sources de la vie.

Avec la douceur de soie paisible, les doigts du créateur effleurant les touches de son piano,du voile de la nuit,dénudant les épaules capricieuses du Behorlegi,le jour se lève.

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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 14:11

Une contribution de Daniel Labeyrie

 

 

La douce sérénade de la désescalade...

Il faut mes frères préparer le jour de clarté...

 

Nous t'avons chanté, déclamé, de feux de camp sous les étoiles en rencontres fraternelles, sur les hauteurs du Larzac, sous les chapiteaux des théâtres ambulants, dans les soirées au coin du feu, dans la cour du château de Barjac il n'y a pas si longtemps, sur le sable frais des plages à l'heure du couchant...

Tu as revisité la Marseillaise devenu grâce à toi un chant fraternel sans fleuve de sang coulant dans les sillons.

 

Sacré Graeme, baladin aux pieds nus, quelle vie ! Elle est loin ton enfance à Wellington en Nouvelle-Zélande où tu partageais la tarte aux pommes avec ta maman et ton vieux papa. Tu as trimé comme un forçat sur le rafiot qui t'a mené en France, tu as charrié la terre dans les vignobles de Bourgogne puis trente six métiers, parfois un peu beaucoup de misère avant de prendre la guitare pour notre plus grand bonheur.

C'est Colette Magny et Mouloudji qui t'ont mis sur les rails de la chanson à l'aube de la quarantaine.

 

Parfaite harmonie entre ton chant et ta vie, pas de complaisance avec les ors do showbiz, tu menais ta barque en homme libre. A l'heure du succès, tu n'as pas hésité à prendre la route des Indes, de l'Éthiopie, de Madagascar pour te frotter à la réalité du monde nourrissant ton âme des richesses intérieures des peuples visités.

Tu maniais la houe dans les jardins d'Auroville, cultivais ton jardin dans l'île de la Réunion où tu séjournas durant quelques années. L'intensité de ta vie spirituelle nourrissait tes ballades dans un respect de tout être vivant, avec toujours cette soif de justice sans jamais jeter l'anathème.

 

Cohen, Dylan, Guthrie et bien d'autres folksingers ont été adaptés en français avec une extrême justesse. Nous n'oublierons pas « Suzanne », « Petites boîtes », « Le trimardeur », « L'étranger », « Emmène-moi, le magnifique et bouleversant « Message » du moine vietnamien Thich Nhat Hanh et tant d'autres pépites.

 

Cher Graeme, te voilà dans la mémoire des étoiles, troubadour céleste, chante-nous encore ta Marseillaise et que les maîtres du monde tendent l'oreille car il y a urgence, extrême urgence !

 

Daniel LABEYRIE

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12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 18:00
 
Une contribution de Laurent Caudine

Entre l’humain sauvage (l’animal que nous sommes à l’origine) et le presse agrume (l’idéal utile et ultime du système capitaliste), quelle place pour celle et celui qui cherche librement sa place dans l’univers ?

Quel retour au calme ?

Pour être un homo economicus, nul besoin de réfléchir. Faire ce que dit le système, être le système. En ce moment, par exemple, il suffit de regarder le tour de France... ces petits rendez-vous à date fixe rassurent la foule. Roland Garros, le foot, le vélo... La banquise fond, les forêts brûlent, on va droit au mur mais il faut continuer de croire que tout va bien. Macron ne s’y est pas trompé. En répondant aux questions des badauds sur la route du tour, il a dit qu’il fallait que tout le monde se calme. Ok papa !

Papa s’est montré de manière ostensible lors de la coupe du monde de foot féminine. On l’a vu dans les tribunes. Il avait des airs de César aux jeux du cirque ; il semblait impérieux... impérial, même... c’était touchant. Ce championnat de foot n’a-t-il pas été porté là à dessein, et n’a-t-il pas été fortement médiatisé pour calmer la tension sociale consécutive à la révolte des gilets jaunes et autres rassemblements ?

Macron a des airs de Porfirio Diaz dans le film Viva Zapata d’Elia Kazan, quand, au début du film, les paysans viennent se plaindre auprès du dictateur qu’on leur a volé leurs terres : « Mes enfants, pourquoi êtes-vous venus me voir ? » demande le dictateur. « Qui a volé vos terres ?... Mes enfants, quand on porte des accusations il faut avoir des faits précis » ... /... « Mes enfants, le tribunal tranchera » ... / ... « Maintenant mes enfants, j’ai d’autres questions à régler ».

« Le citoyen d’une dictature revient au stade du bébé : langé, nourri et tenu au berceau par une force omniprésente, qui sait tout, qui peut tout, a tous les droits sur lui, pour son propre bien » dit Virginie Despentes dans son livre King Kong théorie.

J’essaie de me calmer de ma propre initiative. J’essaie de trouver le calme, de la nature bien sûr. Pas celui de papa qui est une anesthésie générale. J’essaie de voir comment je peux tourner le dos au système, mais je me rends bien compte qu’une part de moi est le système. Je suis partagé. Il y a en moi de l’homo economicus... et il y a en moi de l’animal sauvage.

Les infos à la télé, la radio ; ça commence toujours par les catastrophes, les meurtres, les désastres, les guerres. Mais les concepteurs de journaux télévisés ne veulent pas laisser l’info à l’état brut. Alors ça finit toujours gentiment par la culture, le sport, le tourisme, la météo... C’est un joli conte, la vie, où l’on est heureux à la fin, où l’on se marie et où l’on a beaucoup d’enfants. On s’est habitué à ce cycle qui nous affole un peu au début (pas trop quand même) et nous rendort totalement à la fin de la boucle. On en reste muet, impuissant et léthargique. Plus on s’habitue à ce mutisme, à ce cynisme et plus cette impuissance devient la normalité. Et puis... papa est là pour veiller sur nous. Les infos, aujourd’hui, dans ce que l’on nomme couramment « démocratie » nous laissent pantelants et hagards.

Alors qu’est-ce qui me retient à cette civilisation ?

Retour à la solitude

Je n’aime pas le sentiment d’être un animal sauvage et conscient à la fois, c’est dichotomique. Et ça fait une drôle de salade en moi. Je voudrais être entier, mais je crois, que depuis longtemps, personne ne sait vraiment ce qu’est « être entier ». Enfin, moi, je suis en morceaux. Je le confesse volontiers dans un élan de lucidité. Quelquefois, essayer de me rapprocher de la racine, essayer d’être radical et lucide. Essayer le regroupement. Mais à ma racine, c’est l’animal sauvage. Et finalement là où je me sens le mieux, là où je me sens moi- même, c’est quand je tourne le dos à la civilisation, que je regarde à l’intérieur, là où tout est gratuit, là où le temps et l’espace fonctionnent pour eux-mêmes. C’est là que je ressource mon

sens de la liberté, de l’individu, mon espoir de la décolonisation. Car il faut le dire... l’humanité ne s’arrête pas aux 2000 ans de notre culture judéo-chrétienne ni aux 150 ans de notre ère industrielle et il est censé couler et vibrer dans nos cellules bien d’autres choses qui ne sont pas à renier. Pourtant je ne peux pas dire non plus que je ne profite pas de la civilisation. Aller chez le docteur, profiter de la chimie qui calme mes allergies. Prendre la voiture. Entrer dans une librairie. Mettre un vinyle sur ma platine. Coucher les mots sur l’écran comme je le fais à l’instant. Aller au cinéma, regarder des séries sur mon ordinateur...

Qui a construit ma solitude ? La vie ? Le destin ? la société ? l’éducation ? Je suis seul et parfois je suis davantage seul. Je rejoins des copains, des copines, des groupes. On se retrouve sur de petites îles, mais chacun a-t-il vraiment conscience du lieu où il habite ? Ces jours-ci j’ai encore été renvoyé à ma solitude et à mon animal sauvage à cause du syndicat ELB, branche basque de la confédération paysanne. Leur mépris de la vie sauvage m’a sauté à la figure. Alors, rester chez moi au milieu des arbres, des poules, de ma chienne, de mon chat, de mes livres. J’ai mal à mon ours, mon loup hurle à la mort. Je me sens insulté, nié, trahi, humilié, attaqué. On met le feu ici, partout ; on décanille de l’animal sauvage, ici, partout ; on insulte mes frères, on méprise mes sœurs, ici, partout. Je me retourne autant que possible. J’entre dans la bricole ; du bois à couper, à fendre, à empiler. Vivre au rythme de la terre en observant l’humus se former. Planter. A mains nues me battre avec les ronces, les orties ; ampoules dans les mains, tiques, bras zébrés de griffures, mal au dos, au genou. Sentir mon corps dans le corps de la nature et sentir la nature dans mon corps. Sentir mon sang chauffer, mon cœur tambouriner dans ma poitrine, sentir sous ma main la main de la terre. Je bouquine, ce qui est le jardinage de l’esprit. J’écris comme je plante des arbres, et je plante comme j’écris. Dans la nature je suis dans une fréquence vibratoire qui correspond à mon identité profonde. Je suis un animal sauvage, je suis moi.

Il suffit que je voie le monde autour de moi pour remarquer que je ne suis pas d’ici. En même temps, je me demande quand même ce qui me pousse à survivre. Si je ne suis pas d’ici, d’où suis-je ? Qui donc m’a désappris à vivre ? Je n’arrive pas à vivre seul. Qui m’apprendra à vivre seul avec les autres ? J’essaie de faire le tri. Je me demande, avec l’unique recours de mon instinct, ce qui est naturel dans ce que je fais et donc indispensable à ma vie et ce qui est la création du système humain. Je fais le tri et je fais des choix, écartelé entre l’animal sauvage et l’homo economicus. Parfois j’ai la sensation d’être le tri et le choix d’une force invisible et imprévisible qui m’entraîne comme un morceau de bois sec tombé dans une rivière et balloté par le courant.

L’humain a décidé qu’il avait une place à part. Nous sommes indispensables. Nous pianotons sur des ordinateurs, nous fabriquons des avions, des armes, des bagnoles, des téléphones portables... nous nous émerveillons de nous-mêmes. Nous avons quitté un monde que nous disons terrible, voué aux lois de la nature, pour en rejoindre un autre, voué au marché, aux machines, à l’industrie. On est contents, apparemment, assez satisfaits, dans l’ensemble. On croit avoir gagné au change. Je n’en suis pas certain.

« Gagner sa vie »

Il faut « gagner sa vie » dit-on. L’animal sauvage contre le Dieu humain, le grand impétrant. Je mâchouille les mots « gagner sa vie » et leur injonction indiscutable. Je mâchouille, je salive et je crache cette puanteur gluante. Je suis un humain, et non un vulgaire animal sauvage et on ne m’a pas donné la vie. Il ne faut pas rêver n’est-ce pas ? Je ne sais qui, un ministre, un maître, un roi, un président, un pape, un Dieu m’a mis au monde. Je ne suis pas l’enfant de la vie, je n’ai pas jailli du ventre d’une femme, mais de celui de Macron où d’un autre grand de ce monde. Je me disais que c’était un don, la vie. Mais non, il faut rembourser, il faut payer, il faut la gagner. La vie est dorénavant vendue en supermarché et qui songerait à remettre cela en cause ?

Vous me la baillez belle à surfer sur la mythologie du berger, du pastoralisme qui justifieraient la disparition d’une espèce sauvage. Alors que je sais très bien ce qui se passe. Vous êtes comme tout le monde. Vous devez rembourser. Vous devez gagner votre vie comme tout le monde. Vous conspuez la mondialisation par le trou de devant et lui prêtez allégeance par celui de derrière. Vous êtes bien décevants. Pour l’instant, nous voilà bloqués sur cette idée, à justifier l’injustifiable comme le font les tueurs des abattoirs, les fabricants d’armes et ceux qui usinent des joujoux en plastique - qui font la joie de nos enfants - mais qui se retrouvent en perles au fond de la fosse des Mariannes. Comme le font les défenseurs de la corrida qui vont chercher des raisons culturelles pour justifier des séances de torture. Vous défilez maintenant auprès de la FNSEA et pour montrer quand même que pour vous, l’écologie ça compte, vous causez d’agroécologie ce qui fait très joli dans le journal Laborari. Agroécologie sans animaux sauvages, s’il vous plaît, et sans arbre, après avoir préalablement mis le feu un peu partout dans la nature.

Impossible cohabitation ?

Ce que j’aime chez l’animal sauvage c’est de voir qu’il n’est pas lié à ces croyances. Agnostique, croyant, athée, droite, gauche, centre ; c’est une affaire d’humain. L’animal sauvage, lui, rien. L’ours est un ours ; il va où la vie et le vent le mènent et se fiche éperdument des croyances des éleveurs de moutons qui établissent des frontières et des hiérarchies (qui peut aller ici et là, qui peut vivre ou mourir) et se fiche même de ceux qui réfléchissent à savoir s’ils sont athées, croyants ou agnostiques, de gauche, de droite ou du centre. Il est un inutile, un réprouvé, il n’est pas sommé de « gagner sa vie » dans le cadre de la religion capitaliste obligatoire ; mais de facto il n’a plus sa place. Rien ne l’indique, rien ne l’indique pas non plus, mais quand l’ours passe près de Larrau, il y a, du côté de son oreille gauche, un point qui pourrait bien être le centre de l’univers. La création est là. La beauté s’empile en molécules, peut-être dans un simple poil d’ours ou celui d’un agneau qui passe la porte de l’abattoir de Mauléon Licharre, quelques jours avant Pâques. En tout cas, à ce moment-là, du système économique, l’univers n’en n’a rien à faire et je le comprends. Il a fallu Galilée, Copernic, Giordano Bruno pour que nous comprenions que nous étions perdus dans l’univers, mais qui nous expliquera que nous sommes perdus sur terre ? Qui nous enlèvera cette idée que nous sommes trouvés, que nous avons tout compris sur nous et sur tout ? Prétentieux que nous sommes, imbéciles, narcisses qui nous regardons dans l’eau d’un bac à merde et qui arrivons quand même à voir une espèce supérieure, de celle qui décrète un beau jour que l’ours et le pastoralisme ne peuvent pas cohabiter (que l’animal sauvage et l’humain « civilisé » ne peuvent vivre ensemble, disons-le clairement). D’une certaine manière je pourrais aussi revendiquer cette assertion et conclure - selon ma grille de lecture d’ours mal léché qui pense et qui cause - à la disparition du pastoralisme. Je n’en ferai rien.

Et Léo Ferré chantait :

Cela dit en vers de huit pieds
A seule fin de prendre date
Je lâche mon humanité
ET JE M'EN VAIS A QUATRE PATTES

« On est chez nous »

Peut-être faudrait-il se décaler, regarder le monde sous un autre angle pour se voir vraiment tels que nous sommes. Vincent Message avec son livre Défaite des maîtres et possesseurs nous y invite, dans un monde renversé. « C’est notre monde, à quelques détails près : les hommes ne sont plus maîtres et possesseurs de la nature. De nouveaux venus leur

font connaître le sort qu’ils réservaient auparavant aux animaux ». L’auteur fait dire à Malo : « Qui veut être le maître se perd ; qui veut par-dessus tout compter au nombre des possesseurs ne se maintiendra qu’en dépossédant tous les jours tous les autres ». Il faudrait parler de colonisation. Comment les humains ont investi tous les espaces, mis des populations en esclavage, comment ils continuent de le faire. Comment ils colonisent les espaces naturels et sauvages à l’extérieur d’eux-mêmes, et les détruisent, mais aussi à l’intérieur de leurs corps et de leurs têtes. Il faudrait parler d’antispécisme... racisme, spécisme, même combat. Car ici, partout, on relève le même vocabulaire, pour les humains comme pour les animaux... il faut les mettre dans des réserves, il faut les parquer, les enfermer, il faut les chasser, on est chez nous, ils ne sont pas d’ici (les ours slovènes) ; jusqu’à reprendre la théorie du Grand remplacement, quand un élu local déclare, dans une tribune libre au journal Mediabask (N°218 du 9 mai 2019), qu’un projet serait en cours pour remplacer l’homme par l’animal... sauvage, bien entendu.

Cyrille Gallion écrit dans Le monde libertaire n° 1809 : « ... Nous sommes formatés pour accepter l’Etat, la propriété privée dès notre plus tendre enfance, mais également le fait que l’humain « civilisé », parce qu’il se prétend intelligent, a sans aucun questionnement la prétention de s’installer où il veut, comme il veut et d’utiliser le reste de la vie et du minéral comme il veut. Il y a des espèces qui ont des territoires, il n’est pas sûr que l’humain ontologiquement soit de celles-ci. »

Ni caméra, ni usine, ni abattoir...

En lisant le bouquin de Vincent Message, je ne peux m’empêcher de penser à l’épisode de l’abattoir de Mauléon Licharre. Quelques semaines avant de voir les images de l’association L214, j’avais revu le film de Charlie Chaplin Les temps modernes. Les images de l’association L214 et celles de Charlot qui court après la chaîne se sont superposées dans mon esprit. Charlot et les ouvriers de l’usine sont dépassés pareillement par la chaîne qui doit avancer inexorablement. Bras mécaniques, jambes de robots, corps arrachés à l’existence qui balancent de droite à gauche et de gauche à droite, gestes insensés, marionnettes dégingandées, huis-clos lugubre, course contre le temps, contre la vie ; l’horreur du système industriel me saute aux yeux. Cet abattoir, censé être une création voulue d’un milieu agricole plutôt proche d’une agriculture paysanne et même labellisée bio, se révèle être une usine dans laquelle les humains et les animaux sont réduits à l’état d’objet, soumis aux « cadences infernales », à l’exercice de la rentabilité. Au tout début du film de Chaplin, une image, quasi subliminale, apparaît à l’écran. Un troupeau de moutons déboule fébrilement. Les images qui arrivent juste après montrent un groupe de travailleurs qui avance dans la même direction, avec la même agitation et entrent dans une usine. Avant de voir les images de l’association L214, je pensais que Chaplin avait voulu identifier les ouvriers à la servilité et à la docilité d’un troupeau de moutons. Aujourd’hui je me dis que, peut-être, Chaplin a voulu nous dire que dans le système industriel tout finissait au même niveau... l’objet manufacturé, les travailleurs, tout ce qui entrait dans l’usine était réduit à la mesure d’une marchandise et comme dans le film Soleil vert, les hommes finiraient eux-mêmes broyés par les machines et consommés par eux-mêmes. Dans les premières minutes du film, on s’aperçoit que le patron (qui lit des revues de BD et fait des puzzles dans son bureau) surveille les travailleurs par écrans interposés. Ces caméras, dans les abattoirs, que réclament aujourd’hui de nombreuses associations... Ni caméra, ni usine, ni abattoir... le système industriel a montré qu’il était inadapté, car contrôlé par des forces qui n’ont pas les yeux de l’humanité ni ceux de la nature.

Une chose m’intrigue et ça pourrait faire l’objet d’une petite enquête pour un prochain Hau. Comment en est-on arrivés à mettre en place une usine qui tue des animaux à la chaîne dans ce petit canton de Mauléon ? A la demande de qui ? Qui a été maître d’œuvre de cette horreur ?

Racisme, spécisme...

Une BD est intéressante à plus d’un titre, il s’agit de Tintin au Congo. Il est habituel de dénoncer le racisme de cette bande dessinée... mais elle est aussi une horreur spéciste. Dans cet album, Tintin abat à la page 16 une vingtaine d’antilopes, à la page 17 il tue un chimpanzé pour le dépouiller de sa peau. A la page 24 il apprivoise un lion (parce que bien sûr, l’humain et l’animal sauvage ont cela en commun qu’ils doivent être conduits vers la civilisation). Page 31 il tue un serpent. Page 33 on assiste à un massacre de crocodile, page 34 c’est un boa qui fait les frais de l’acharnement notre reporter belge tandis qu’à la page 37 il s’en prend à un léopard. Page 41 il tire sur un éléphant et récupère les deux défenses. Notons quand même que page 55 il PHOTOGRAPHIE des girafes ! bigre ! il y a du progrès. Mais ça recommence de plus belle page 56 où il perfore le dos d’un rhinocéros pour y introduire une cartouche de dynamite et le fait exploser. Page 58 il assomme un buffle à l’aide d’une grosse pierre projetée par une fronde géante. Et la BD se termine par cette réflexion d’un autochtone béat et admiratif qui dit « Dire qu’en Europe, tous les petits Blancs y en être comme Tintin ».

Dans un entretien diffusé sur France Culture le 21 juillet 1993, Hergé revenait sur la genèse de Tintin au Congo : « ...Tintin a été le miroir de ce que la plupart des gens pensaient du temps de la Russie bolchevique. Quant à l’idée colonialiste, pratiquement tout le monde a été colonialiste. Cela ne posait pas de problème, le Blanc avait été créé pour apporter la civilisation aux autres. Tintin n’était pas raciste mais il était colonialiste comme tout le monde l’était à l’époque. » "

Alors nous, aujourd’hui, qui sommes-nous que nous ne le sachions pas ?

article du 1er janvier 1877 de « la Comédie »

Liberté, autonomie, émancipation...

Hartza ! Pourquoi ai-je autant d’empathie pour toi et pourquoi, eux, dégorgent-t-ils d’autant de haine ? Il y a longtemps, l’Europe était couverte de forêts et d’animaux sauvages. Humains et ours partageaient les mêmes territoires, les mêmes proies, les mêmes cavernes, les mêmes peurs. Tu étais un compagnon, un parent, un ancêtre, un double, un dieu, une divinité tutélaire. Puis prélats et clercs décidèrent de ton extermination. Ce n’est pas seulement l’ours qui était visé mais tout un ensemble de croyances, « une politique générale d’éradication des cultes païens, spécialement ceux qui se tournaient vers les forces de la nature » nous dit Michel Pastoureau dans son livre L’ours : Histoire d’un roi déchu. C’est aussi des milliers d’arbres qui furent abattus « des pierres déplacées ou maçonnées, des sources détournées ou transformées en fontaine, des lieux sacrés convertis en chapelles ». Tu t’es réfugié dans les montagnes, Hartza, mon frère, mais encore et toujours on te pourchasse.

Depuis le paléolithique jusqu’à aujourd’hui, c’est une longue chaîne de diverses coercitions qui a formaté le monde dans lequel nous vivons. Diabolisation de la nature sauvage, des femmes, de la sexualité au profit de l’homme blanc catholique qui apporte le progrès, la civilisation et la vérité. Dans ma quête d’identité, je me demande parfois comment serait notre société contemporaine, quel rapport à l’autre, à soi-même, au cosmos, à la terre, à l’eau, à l’air, aux animaux si le respect des libertés et des différences avait prévalu.

Dans son livre « Sorcières La puissance des femmes invaincues » Mona Chollet se demande : « Qui est ce Diable dont le spectre, à partir du XIV siècle, s’est mis à grandir aux yeux des hommes de pouvoir européens derrière chaque guérisseuse, chaque magicienne, chaque femme un peu trop audacieuse ou remuante, jusqu’à faire d’elles une menace mortelle pour la société ? Et si le diable, c’était l’autonomie ? » L’autonomie, oui, et la liberté de vaquer dans un monde libre. Si autrefois l’Eglise veillait au grain, aujourd’hui le capitalisme mondial l’a vaillamment remplacée en bloquant tous les processus d’émancipation des espèces dans la nature.

En faisant référence à Carolyn Merchant et son livre The death of Nature, Mona Chollet écrit : « Ayant cessé d’être perçue comme un giron nourricier, la nature devient une force désordonnée et sauvage qu’il s’agit de dompter. Et il en va de même des femmes... celles-ci sont dites plus proches de la nature que les hommes et plus passionnées qu’eux sexuellement. » ... / ... la femme qui causait du désordre, comme la nature chaotique, devait être placée sous contrôle. »

L’artiste, l’humain libertaire et l’animal sauvage sont pareillement inspirés par le désordre primordial. Ils poussent en liberté et meurent arrachés par quelques donneurs d’ordre. Ils nous disent, je suis une (mauvaise) herbe et je vous emmerde. Je suis un ours, un loup et je n’ai que la liberté en tête.

Romain Gary dans Lettre à l’éléphant écrit : « Il y a des gens qui, bien sûr, affirment que vous ne servez à rien, que vous ruinez les récoltes dans un pays où sévit la famine, que l’humanité a déjà assez de problèmes de survie dont elle doit s’occuper sans aller encore se charger de celui des éléphants. En fait, ils soutiennent que vous êtes un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre.

C’est exactement le genre d’arguments qu’utilisent les régimes totalitaires, de Staline à Mao, en passant par Hitler, pour démontrer qu’une société vraiment rationnelle ne peut se permettre le luxe de la liberté individuelle. Les droits de l’homme sont, eux aussi, des espèces d’éléphants. Le droit d’être d’un avis contraire, de penser librement, le droit de résister au pouvoir et de le contester, ce sont là des valeurs qu’on peut très facilement juguler et réprimer au nom du rendement, de l’efficacité, des « intérêts supérieurs » et du rationalisme intégral ».

Utile

J’ai dit plus haut que l’ours souffrait d’un vrai désavantage du fait qu’il n’était pas utile selon les critères humains. Il n’est pas un animal de compagnie, de combat, domestique, d’élevage. Après mille ans de persécution, il n’est plus rien. Il ne nous sert pas, alors il peut disparaître. Nous autres humains, nous sommes d’une espèce supérieure, parait-il, qui se préoccupe de la question de l’utilité. La ministre qui faisait la promotion du Service National Universel ces jours-ci disait que les jeunes devaient comprendre qu’ils étaient « utiles ». La nature a fait de vous un indigent, l’Etat fera de vous un humain. Grâce au service national. Et je me suis demandé, utile, comme quoi ? Comme un presse-agrume ? Le presse-agrume fait une chose que vous ne savez pas faire dans la vie naturelle. Il fait ce que vous ne pourriez pas faire si vous n’aviez pas de presse-agrume. Pourquoi ne pas avoir cette vocation sublime de devenir un presse-agrume ?

Alors me vint une image du livre Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Je l’ai relu pour l’occasion car il ne m’en restait pas grand-chose dans mes souvenirs. Toutefois j’avais en tête cet Epsilon ou ce Delta formaté génétiquement qui ouvre et referme un ascenseur, conditionné par l’enseignement hypnotique à cette unique tâche. Tout le monde, dans la dystopie décrite par l’auteur, avale des comprimés de soma, cette substance qui rend heureux et permet d’accepter docilement n’importe quelle situation et d’accepter sa position dans sa caste. Je me dis que cet Epsilon ou ce Delta est finalement réduit à la fonction utile d’un presse- agrume et je me dis que le presse-agrume est l’idéal utile et ultime du système capitalisme. Lorsque John le sauvage exprime l’horreur que lui inspirent les longues rangées de nains identiques aux établis de montage, Mustapha Menier, Alpha plus et administrateur mondial, lui répond : horrible, oui « Mais combien utile ». Juste faire ce que dit le système, être le système.

Dans les pouponnières, salles de conditionnement Néo-Pavlovien, le directeur explique aux étudiants : « ...les primevères et les paysages ont un défaut grave : ils sont gratuits. L’amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine. On décida d’abolir l’amour de la nature, du moins parmi les basses classes ». Il continue en expliquant le conditionnement des masses à détester la campagne mais simultanément comment ils les conditionnent à raffoler de tous les sports en plein air et font en sorte que ces sports requièrent l’emploi d’appareils compliqués et d’articles manufacturés. En fait, l’auteur en 1931 prévoie l’émergence des enseignes Décathlon, dont le premier magasin ouvrira en 1976. Il prévoit aussi celle du soma avec la société de consommation, la télé, le tour de France, le tournoi de Rolland Garros et la coupe du monde de foot féminine que Macron a su si bien mettre à profit pour redorer son blason.

Je cite à nouveau Romain Gary qui écrivait dans sa Lettre à l’éléphant : « Il n’est pas douteux qu’au nom d’un rationalisme absolu il faudrait vous détruire, afin de nous permettre d’occuper toute la place sur cette planète surpeuplée. Il n’est pas douteux non plus que notre disparition signifiera le commencement d’un monde entièrement fait pour l’homme. Mais laissez-moi vous dire ceci, mon vieil ami : dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’y eût pas non plus place pour l’homme. Tout ce qui restera de nous, ce seront des robots. »

Un dimanche de juillet, un jeudi d’octobre, sentir la solitude. Sentir la solitude c’est sentir la liberté comme sentir la mort, c’est sentir la vie. Etre en vie c’est seulement essayer de goûter la seconde qui passe. Impunément, c’est être un peu voleur et mécréant. En douceur, c’est regarder couler le ruisseau. La feuille sur le ruisseau. Le ruisseau et rien. Tout ce qui a été

fait en dehors du ruisseau, de l’eau, de la feuille d’arbre est surnuméraire. Au fond de l’eau on ne parle pas du G7, de la 5G. Au fond des cieux, on fait ce qui doit être fait de toute éternité ; pas d’injonction d’être utile ou tel. Sur la branche, l’oiseau est un dieu du silence. Il rend à la vacuité sa plus belle oraison. Le poisson ne doit rien à personne. Le papillon vole de sa propre énergie. Il ne sert pas une doctrine aveuglément. L’ours et la mauvaise herbe espèrent en secret, peut-être, inconsciemment, pousser sur nos décombres. Quelquefois j’avoue être rassuré de penser très irrationnellement que dans un coin de l’univers tout est là en germe : l’ours, le tigre du Bengale, le gorille de montagne, la panthère des neiges... que de toute éternité, ils ne craignent rien. On peut les éliminer de la surface de la terre, ils viennent de la source et repartiront à la source. Ce qui est à craindre c’est, aujourd’hui, la beauté humaine qui tremble sur ses certitudes, et la magie du vivant fortement menacée.

Dans le livre Le meilleur des mondes, au chapitre 17, Mustapha Menier dit : « Mais on n’est jamais seul à présent. Nous faisons en sorte que les gens détestent la solitude ; et nous disposons la vie de telle sorte qu’il leur soit à peu près impossible de la connaître jamais ».

En attendant, entre l’humain primitif et le presse-agrume, permettez-moi de goûter à la solitude ou à l’individualisme. Un livre à la main, m’étaler sur le silence ; me sentir poisson, ours, oiseau, quand je le décide ; me sentir vivant et me dire que cela est bien suffisant et que ça vaut peut-être la peine de se retourner.

Eté / automne 2019

 

 
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