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29 août 2024 4 29 /08 /août /2024 16:48

De la flamboyance au silence

Une contribution de Daniel Labeyrie

    Au terme de longues années de silence, la dame a mis les bouts à Martigues dans une indifférence médiatique quasi-totale.
     Nous ne sommes pas près d’oublier ses concerts où sa voix se déployait dans une majesté bouleversante : nos âmes et nos cœurs en étaient écorchés jusqu’à la fibre.
    De noir vêtue, la chamane nous embarquait dans ses fêlures, dans ses blessures qui résonnaient intensément jusque dans nos frissons. La belle Catherine avait la grâce et la beauté d’un albatros dans la tempête de la vie : nos rafiots chaviraient dans ses messes scéniques où sa voix s’insinuait dans l’intime de nos cellules.
    Avec le groupe Alpes, ses chansons se déroulaient entre rock, pop et fado, dans la démesure d’une liberté totalement assumée.
     Son enfance déchirée lui a donné la force d’une révolte de haut vol, brisant tous les carcans, les corsets mentaux qui nous brisent à petit feu. 
Son chant n’est autre qu’un fado décadenassé, déverrouillé, nous invitant à garder la tête haute, sans se soucier des censeurs de tout poil qui nous étrillent, rognent nos ailes, émiettent nos utopies, mettent à bas la beauté.
Chante, chante, Catherine dans nos mémoires, que ton hymne à la liberté nous porte sur la crête des vagues de l’océan houleux de nos existences.
Aujourd’hui, le silence s’habille encore de ta voix, chère grande Catherine : repose en paix dans l’infini de l’au-delà des étoiles.

 

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10 mai 2024 5 10 /05 /mai /2024 16:53

Henri Gougaud

(1936-2024)

Ou l’enchantement du monde

Une contribution de Daniel Labeyrie 

 

Vous voilà « Cendre et givre » devenu, très cher Henri, au terme d’une vie, au cours de laquelle vous avez contribué à maintenir ensoleillées nos facultés à rêver.

Sans cesse, vous avez glané, aux quatre vents du monde, bu aux sources diverses de l’humanité, vous nourrissant de la parole nourricière des conteurs errants, maîtres de la sagesse humaine.

Vous fûtes un bel arbre de vie dont les racines vinrent puiser cette eau salvatrice de la parole, de la Chine ancienne au Japon, des villages perdus d’Occitanie aux neiges scandinaves, de l’Amérique indienne aux soufis cachés dans les bazars orientaux et les roseraies des jardins persans.

Vous avez ramassé délicatement ces perles de vie, ces bouquets d’espérance, qui font de l’humain un être respectable et les avez faits nôtres : cela pour éloigner la rumeur et l’ignominie de nos temps présents.

Chantons « La matinée » sous la voix de Jean Ferrat et Christine Sèvres, « le monde sera beau… », oui, il pourrait l’être avec quelques éclats d’étoiles dans nos âmes. Surtout, ne laissons pas mourir nos rêves

Buvons à la fontaine de vos chansons, plongeons-nous dans vos recueils de contes, lisons vos romans, notamment « Les sept plumes de l’aigle ».

Dans votre ultime message, monsieur Gougaud vous nous intimez : « J’ai eu pour ambition secrète que mes mots vous délestent des maîtres et des chapelles qui vous empèsent les rêves ».

Oui, Henri, votre mission est accomplie : que les mystères du ciel et de l’au-delà bercent votre grand voyage.

Vous retrouverez, dans une autre dimension, ces maîtres de parole qu’écoutent les oiseaux, les animaux et les humains.

Daniel LABEYRIE

 

Henri Gougaud (1936-2024)

Nous sommes ici-bas plus proches du sommeil des cailloux que de la lumière des anges, mais nous avons dans l’âme un aiguillon constant qui nous pousse à savoir, à connaître, à comprendre, à sortir peu à peu de l’engourdissement. Le chemin est si long que l’on ne peut raisonnablement espérer sa fin. Je crois que nous sommes semblables au grain pourrissant dans la terre. Notre folie est belle, exaltante et terrible. Elle est celle du germe à peine né qui n’a jamais vu le soleil et qui pourtant s’efforce vers lui à travers des épaisseurs de ténèbres apparemment infranchissables.

 

Henri GOUGAUD

 

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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 10:43

                             De fureur et de cristal

                         Une contribution de Daniel Labeyrie

Sale temps, mon vieux Dan, les Pyrénées sont en tempête, les torrents charrient des pierres dans leurs eaux glacées et chez nous dans nos vallées, nous n’en menons pas large, ça pleure dans les entournures. 
Nous ne sommes vraiment pas très nombreux à te pleurer mais qu’importe, tu nous laisses une flopée de bouquins où ton souffle poétique nous apaise tout en balayant les scories des massacreurs de liberté.
Je viens d’apprendre que tu t’es fait la malle il y a déjà quelques mois, bon sang, je n’ose pas y croire mais ton dernier livre « Tout doit disparaître » sentait non pas le sapin mais fleurait ta dissolution dans le Grand Tout cher au taoïste que tu fus.
Le banc du Champ de Mars (faudra changer ce nom) à Saint-Girons est bien vide : tu aurais plaisir à savoir que les moineaux et les mésanges vont en prendre possession. Leur chant vaut mille fois la logorrhée ambiante que l’on nous sert jusqu’à la lie.
Sacré poète, sacré libertaire, tu n’as pas démérité en pourfendant cette époque pourrie où les dictateurs cravatés mettent la planète à feu et à sang. Si tu voyais le tableau de ces derniers mois, tes cordes vocales et ton palpitant seraient soumis à rude épreuve. 
Cette politicaille, que tu abhorrais, continue à sévir droite dans ses bruits de bottes, massacre sans foi ni loi les moindres oasis, les moindres clairières.
Le bruit et la fureur règnent sans partage mais cher vieux Dan, sache que nous ne courberons pas l’échine ni ne mettrons des muselières à nos chants.
Ciao, vieux frère, plongeons-nous dans les cristaux de ton œuvre, drapés bien au chaud dans l’écrin de tes colères salutaires.

 

 

 

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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 14:25

Gaztain était une vieille jument pottok que j'avais sauvée de l'abattoir il y a longtemps, ignorant qu'elle portait un poulain dans son ventre.
Altxor et sa mère ont vécu ensemble pendant 14 ans, suscitant l'entraide de nombreuses belles personnes que je remercie de tout mon coeur car sans elles, je n'aurais certainement pas pu assumer. 
Gaztain nous a fait l'immense chagrin, à son fils Altxor et à moi-même de quitter ce monde le 8 novembre 2023. 
S'il vous plaît, arrêtez de manger les animaux.
http://jenolekolo.over-blog.com/tag/a...
La musique de cette vidéo est de Gilles Marchal qui n'aura pas eu le temps de rencontrer Gaztain.

 

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11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 16:02
Milesker, merci Sagua.

Milesker, merci Sagua.

Adieu à ma si  douce Gaztain

En ma possession alors, 300 euros, reliquat d’une somme versée par les assurances après une tempête. Cela faisait déjà longtemps que je songeais à sauver un pottok de la boucherie. Puis, la maladie de la langue bleue est arrivée et mon voisin n’a plus eu le droit de mettre parfois ses brebis sur le terrain de la maison. C’était, m’avait-il semblé, le moment de foncer. Surtout ne pas temporiser, ne pas tergiverser. J’ai appelé le maquignon qui m’a dit «Je crois que j’ai ce qu’il te faut, mais viens la voir avant, savoir si elle te convient.» Bien inutile, évidemment que tu me conviendrais, mais il insistait, je suis donc allée faire ta connaissance. Tu étais maigre (on te voyait les côtes), timide, craintive. Je ne connaissais rien de rien aux chevaux et  je n’étais pas craintive, mais tu m’intimidais. Qu’importe, je te voulais et hors de question que je te laisse là, à l’antichambre de la mort. Je t’ai donc «achetée» «au prix du kg de viande» m’a-t-on précisé. La délicatesse de cette société de tiroirs - caisses.

Rien n’était prêt, vraiment rien, mais tu es arrivée trois jours plus tard, toute petite, seule dans un immense camion de transport de «bestiaux» où tu avais l'air complètement perdue. Je te vois encore  entrer sur le terrain où l’herbe était d’une hauteur que tu n’avais jamais vue, quelle joie c’était pour toi comme pour moi!

Sur les papiers, tu  te nommais Pottoka. Je t'ai appelée plusieurs fois en te donnant ce nom, tu n'as pas tourné la tête. Au bout de trois jours, j'ai décidé de te nommer Gaztain car tu avais la belle couleur chaude de la châtaigne. Trois jours encore et lorsque je t'appelais Gaztain, tu commençais à tourner la tête. 

Tu n’étais pas là depuis 15 jours qu’un berger de passage me dit «Elle est pleine, mais je ne sais te dire quand sera la mise-bas." Le choc, t'imaginer à l'abattoir avec ton petit dans le ventre!

Habituée à la montagne, tu méprisais tout ce que nous appelons le confort, mais j’ai aménagé quand-même un tout petit abri dans un vieux poulailler et un ami y a installé deux râteliers. En attendant que tout cela soit prêt, ma fille et moi te portions, là où tu te trouvais, le foin acheté à la coopérative dans de grands seaux et, souvent sous un parapluie, nous attendions que tu aies fini ton repas.

Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain

Puis, Altxor est né, ma fille l’a découvert debout à côté de toi tôt un matin de février, propre, bien coiffé et apprêté comme s’il sortait de chez l’esthéticienne. Comme tu étais fière, comme tu le protégeais! Lorsque nous approchions de vous, nous avons vu un milan royal s’envoler avec le placenta et c’était bon de se sentir ainsi intégrée dans la nature. Mais tout à coup, je réalisais l’ampleur de la charge qui m’incombait, manquant de place, manquant d’argent, manquant de connaissances, de compétences. Alors, je te l’avoue maintenant ma Gaztain, j’ai tenté de donner ton fils à des particuliers en qui j'avais confiance, à des clubs hippiques, (le vendre, j’aurais eu honte) je préférais le voir heureux ailleurs que malheureux chez moi. Mais personne n’a voulu l'accueillir, malgré sa beauté. Je ne suis tombée que sur des excuses «J’voudrais bien, mais j’peux pas parce que etc». Il est donc resté là, avec toi. Vous n’avez été séparés que quelques semaines lorsqu’il m’a fallu l’envoyer à la montagne dans un troupeau pour qu’il y apprenne les codes équins. Tu étais si triste, loin de lui ! Je te parlais de lui tous les jours en disant «ton fils». Et puis deux jours avant son retour, j’ai dit «Altxor». Tu as tourné la tête et tu l’as cherché en hennissant. Je regrettais  de t’avoir donné cette fausse joie! Mais deux jours plus tard, quelle fête pour vous deux! Ma si brave Gaztain, toi à qui , avant que je te connaisse, on avait tant retiré d’enfants pour les envoyer à l’abattoir ! Et puis, j'ai honte aussi de cette pensée fugitive qui m'a traversé l'esprit  deux ou trois fois :" Quels boulets dans ma vie, quelle idée j'ai eu d'aller chercher cette jument!" Mais mon regard croisait le tien et je te demandais pardon.

Si j’ai été obligée de l’envoyer ainsi loin de toi quelques temps, c’est que ton beau gosse de fils tournait mal. La maman gâteau que tu étais ne pouvait pas lui enseigner les règles de la vie en société, et moi, prise au dépourvu, totalement inexpérimentée, vivant par ailleurs des choses très lourdes, j’étais bien incapable de m’imposer auprès de lui. Comme un adolescent humain, il cherchait des limites que personne ne lui indiquait Peu de temps auparavant, j’avais confié son éducation à quelqu’un en qui je pensais pouvoir mettre ma confiance, il l’a maltraité et le pauvre Altxor est devenu dangereux, il ne pouvait plus supporter que quiconque s’approche de lui, il était comme fou. J’ai eu si peur de ne pouvoir le «récupérer», lui apporter la sérénité et pourtant son comportement s’est amélioré lentement mais sûrement (merci Véro, merci Julie). Et aujourd’hui, c’est un amour, très fougueux, certes, mais un amour.

 

 

Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain

Mais restait le problème du manque de surface, avec un terrain exposé au nord dans un pays pluvieux. En 2010, un appel a été lancé dans le quotidien régional ( merci Monsieur Crusson) afin de trouver un terrain à louer pour que le sol et la végétation d'ici puissent se reconstituer. Pas de terrain mais une quinzaine de personnes ont écrit pour envoyer de l'argent. Douze d'entre elles sont depuis d'une indéfectible fidélité. Qu'elles reçoivent tous nos (Gaztain, Altxor et moi)  remerciements car sans elle, rien n'aurait été possible. A force de chercher, en 2013, il a été trouvé une lande pentue à une douzaine de km d'ici.  Ma Gaztain, avant de vous lâcher là-bas, ton fils et toi , tu ne le sais pas, mais avec quelques amis , nous montions chaque mois d'Avril rafistoler les clôtures de bric et de broc pour vous empêcher d'aller voir chez le voisin ( mais cela vous est quand-même arrivé plus d'une fois et il a fallu vous courir après, tu étais la plus difficile à attraper, coquine!), dégager les sentiers bloqués par les arbres tombés pendant l'hiver. Nous pouvons les remercier , ces personnes qui se sont réunies autour de vous deux, ma Gaztain.  Quand j'arrivais pour vous voir, plus d'une fois par semaine pendant cinq mois, je mettais mes mains en porte-voix  et je vous appelais depuis la route. Quel bonheur de vous voir de si loin tourner la tête, dévaler la pente et arriver avant moi au portail! Mais ces deux dernières années, tu traînais la jambe, tu montais moins haut, tu descendais plus lentement, ton fils ne s'éloignait pas de toi et il venait vers moi en réglant son pas sur le tien, en s'arrêtant pour t'attendre. D'ailleurs, quand depuis quelques années, il fallait que je t'administre quelques soins, il venait se coller contre toi, il posait sa tête sur ton cou et sa gorge émettait un grondement sourd qui me bouleversait. Comment aurait-il pu mieux te dire  qu'il était là pour toi comme tu l'avais toujours été pour lui?  

Tu sais que toi, lui et moi nous devons remercier aussi chaleureusement tous ceux qui nous accompagnaient dans votre transhumance en mai et en septembre, à pied et par les collines. Mais en 2022, à la transhumance de retour, tu étais si fatiguée, tu avais l'air si triste, que cette année, vous avez voyagé en van!  Tu te souviens, je vous disais que vous vous embourgeoisiez. Et nous pouvons aussi remercier chaleureusement à cette occasion  Leila qui se reconnaîtra. Et ta véto aimée, Véro qui te redonnait du peps à chaque  retour d'estive.

Ces deux dernières années, sécheresse oblige, l'approvisionnement en eau dans votre estive a été un réel problème. Je tremblais tellement à l'idée que tu te casses une jambe en descendant au ruisseau qui de surcroît, ne coulait presque plus!  Gaztain, remercions aussi l'amie qui nous a procuré une cuve et celui qui l'a transportée. C'est fou les gens que tu as pu rassembler autour de  toi et de ton fils!  Et si quelques-uns(es) ont eu parfois un peu peur d'Altxor, toi,  tu as toujours attendri tout le monde. Tu étais si émouvante!

 

 

Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain

Tu te souviens ma belle jument, mardi dernier, le 7 novembre  en soirée, alors que tu t' étais un tout petit peu éloignée de ton fils, je t'ai donné cinq châtaignes qui dormaient au fond de ma poche en te disant de ne pas faire de bruit en les mangeant pour que le lascar  ne vienne pas en  réclamer. Je t'ai prise par le cou, j'aimais tellement ton odeur, tes yeux étaient si doux et ton regard si bon! Tu me laissais te parler dans l'oreille, j'étais si heureuse de ta présence, c'était un si doux moment!

Et pourtant, mercredi matin, 8 novembre maudit, en allant chercher un ami  chez lui, au pied de la forêt d'Irati, j'entendais sur Radio Irulegi Gabi Durruty qui parlait d'un voyage dans la région de Tras Os Montes, au Portugal. Il disait à quel point les gens de cette région étaient en train de planter des châtaigniers,  de reconstituer des châtaigneraies. Et je l'entendais marteler ton nom: Gaztain Gaztain, Gaztain. Ce que j'ignorais, c'est qu'à peu près au même moment, Altxor courait en hennissant, ce qui était tout à fait inhabituel,  le long de la haie qui longe le chemin vicinal où passait ma fille avec notre chienne. Ce qui a suivi me donne à penser qu'il venait chercher du secours mais comment Itziar aurait -elle pu se douter, comprendre? On se console maintenant un peu en se disant que de toute manière, il était déjà certainement trop tard et qu'il était impossible de faire quoi que ce soit pour te sauver. Un peu plus d'une heure plus tard, c'est Marc, bouleversé au-delà du possible, qui découvrait ton corps couché dans le ruisseau Zuritz qui traverse le terrain de la maison. On a cru que tu avais glissé, que tu t'étais noyée. Mais aucune trace que tu t'étais débattue. Alors mon amie Véro et d'autres personnes me disent : "En allant boire, c'était  imprévisible, elle a fait une crise cardiaque ou un AVC, elle est tombée et était déjà morte quand elle a  touché l'eau, elle ne s'est pas vu mourir". Mais Altxor, lui, je ne sais pas s'il a compris, mais il a vu. Il s'est planté près de toi en hennissant. Il ne voulait pas te quitter.  Et quand vendredi matin un tracteur est venu t' extraire  du ruisseau, il l'a suivi, toujours en hennissant. Je n'avais  pas le courage de le faire moi-même, alors le voisin présent a posé sur toi une bâche. Ton fils venait gratter, il pensait te retrouver. J'ai posé  des bûches sur le pourtour de la bâche et des branchages par-dessus. Depuis, il se traîne comme une âme en peine, son regard est vide, il marche difficilement. Quelqu'un me dit "Ca va lui passer". Tu imagines, ma Gaztain, si on disait cela d' un homme qui a toujours vécu avec sa mère et qui vient de la perdre! Tout à l'heure, l'équarrisseur est venu enlever ton corps. Je préfère épargner à ceux et celles qui me lisent ce que cela a pu être pour Altxor et pour moi. Il est des visions qui ne peuvent jamais s'effacer. J'aurais tant voulu que tu retournes à la montagne, qu'un voisin puisse te porter sur une placette à vautours, ces vautours que tu as vus ou sentis si souvent passer au-dessus de vous deux! Mais voilà, il paraît qu'un nouveau diktat sorti de je ne sais où, interdit aux humains cette pratique  en ce qui concerne les chevaux! On ne va pas chercher à savoir pourquoi, hein, Gaztain? On sait que c'est injuste et on en restera là.

 

 

Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain
Adieu à ma si  douce Gaztain

Certes, tu étais douce, craintive, pas  du tout   désireuse de contacts avec le genre humain, tu avais dû en voir des vertes et des pas du tout mûres. Ta peur des bâtons et des manches d'outils était éloquente, et je n'ai jamais réussi à t'en débarrasser.   Mais tu étais quand-même une sacrée coquine, plus calme, plus patiente, plus réfléchie que ton bouillonnant de fils, tu étais la première à repérer la grosse bêtise à faire, et lui te suivait. Il y a des lustres, j'ai élevé durant quelques années des chèvres alpines, ton comportement parfois me rappelait celui de l'une d'elle: tu avais envie d'aller quelque part ou d'une gourmandise quelconque. Tu t'installais devant moi qui étais en train de bricoler et tu me fixais avec un regard à faire fondre un rocher. Et tu le faisais fondre, le rocher que je m'étais promis d'être. 

Gaztain, ma belle châtaigne, je te demande de me pardonner tous mes manquements, mes erreurs, tout ce que j'ai mal fait envers ton fils et toi, tout ce que j'aurais pu faire de bien et de bon et que je n'ai pas fait.  Sans toi, il va falloir réorganiser notre vie, trouver deux brebis Manex pour tenir compagnie à Altxor, abandonner l'estive, chercher un petit terrain à louer plus près, mieux clos (les brebis auraient vite fait de passer chez le voisin en ce lieu où vous passiez l'été, Altxor et toi) , pour qu'il reste deux ou trois mois avec ses deux copines , peut-être agrandir l'abri, que sais -je  encore. Trouver le terrain va être un vrai défi, quelque chose de presque impossible. Mais comme il le faut absolument, je me mets en tête que ce doit impérativement être possible, donc que ce sera possible. Parce que, tu sais, Gaztain, que les moqueurs se moquent, je m'en moque, mais j'ai la sensation que ton garçon, tu me l'as confié et que je n'ai pas le droit de te décevoir. Si seulement tu pouvais le voir m'écouter quand je lui dis ça dans l'oreille!

Et puis mon coeur me crie de te couvrir de mercis. Merci de m'avoir rendue un peu meilleure, merci pour la joie qui m'irradiait lorsque je te voyais heureuse (même lors de vos quelques escapades qui me créaient tant de soucis), merci pour toute cette chaîne de solidarité et d'amitié humaines qui s'est créée autour de toi, merci pour ces belles journées de transhumance, merci pour ces improbables rencontres qui ont existé grâce à toi, merci pour toutes les belles choses qui en sont nées. Le 26 novembre prochain, les associations Su aski et Erleak  vont planter des arbres, dont une trentaine de châtaigniers, à la maison du pottok originel de Bidarray , alors je te raconte: durant la sécheresse de 2022, je commençais à me désespérer de ne pas trouver de foin pour votre hiver et j'ai passé un appel sur facebook. Le jour-même, Monsieur Laforet que je ne connaissais pas m'écrivait pour me demander de l'appeler le lendemain. C'était pour me dire qu'il connaissait une solution. Et voilà, d'échanges en échanges, nous allons en arriver à cette journée de plantations  qui n'aurait pas existé sans vous, sans toi. Merci aussi pour ça. A la pause de midi, ce jour là, je parlerai de vous deux, je te le promets.

 

Adieu à ma si  douce Gaztain

Voilà, Gaztain, maintenant, je dois te laisser partir. Mais tu ne sortiras jamais de mon coeur.

Au revoir, ma belle. Je t'aime si fort!

 

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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 16:52

Hubert REEVES

(1932-2023)

Une contribution de Daniel Labeyrie

 

Bon voyage dans les galaxies

 

Le banc de bois du jardin de Malicorne est désormais bien vide : l’ami des étoiles, des cieux lointains, l’enfant des galaxies, le fraternel des arbres et des animaux s’en est allé pour l’éternité.

Dans le fracas des désastres, loin du bruit et des fureurs guerrières des humains, le monsieur s’est éclipsé dans la discrétion, en toute simplicité.

Il aura semé, à la volée, des poussières d’étoiles, retissant le lien qui nous unit aux espaces interstellaires dans son langage fleurant bon le Québec.

Jamais il ne pactisa avec les porteurs de fusils, il défendit l’oiseau désespéré, la fouine pourchassée, le renard mutilé et tant d’autres animaux injustement mal aimés.

Il saluait et vénérait les arbres avec une ferveur de sage. Il en planta, semant ainsi des graines d’espérance.

Désormais, son âme légère pourra voyager avec patience dans l’azur où l’espace et le temps se confondent.

 

Daniel LABEYRIE

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20 août 2023 7 20 /08 /août /2023 07:51

Une contribution de Daniel Labeyrie

 

Discret il le fut, exigeant tout autant, le poète s’en est allé vers ce pays blanc où toutes les couleurs se confondent dans le mystère des mystères.

Poète essentiel, sans jamais la moindre compromission avec le système et les académies, il garda la tête haute avec cette simplicité de terrien droit dans ses bottes.

Son œuvre conséquente est à lire et à relire car elle nous parle de notre relation à la terre, au cosmos, aux autres civilisations sans céder à la facilité des conventions et des modes.

Ce « clochard transcendantal », « écumeur de rivages », ce « nomade intellectuel », natif de la côte ouest de l’Ecosse, vécut plusieurs années à Pau, rendit hommage aux Pyrénées, à la Côte Atlantique puis s’installa en Bretagne, à Trébeurden.

Il inventa la notion de « géopoétique », reliant les paysages aux vivants qu’ils soient humains, animaux, végétaux et minéraux.

Homme libre, il explora les quatre coins de la planète avec une prédilection pour l’Orient, l’Amérique Indienne, les rivages sauvages de l’extrême ouest. Il se nourrissait de la Beat Génération, des maîtres japonais du haïku, des excentriques de la littérature, s’émerveillait de tout, d’un simple dessin d’enfant ou d’un galet difforme découvert sur une plage.

Cher Ken, repose en paix dans la blancheur des vagues atlantiques, dans l’éclat fugace d’un rayon de soleil sur une goutte d’eau.

 

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19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 10:17

Une contribution de Daniel Labeyrie

 

De griffes et de tendresse

 

Artiste balayé, presque oublié, honteusement ignoré des médias, Tachan s’est barré pour l’éternité dans un silence assourdissant.

Ce n’était ni le fauve ni l’enragé que certains se plaisaient à railler.

Ecorché vif, la tendresse autant que la rage vissé à ses tripes, l’artiste avait totalement disparu des radars et pourtant, nous nous souvenons avec nostalgie de ses tours de chant où il réglait ses comptes avec les chasseurs, la politicaille, la flicaille et les curés.

Il avait vraiment pris parti pour les p’tits lapins et ses coups de griffes devenaient vite caresses mais jamais dans le sens du poil.

Pas rocker pour deux sous, le chanteur se plaisait à écouter Rossini, Beethoven, Schubert et Mozart.

L’insolence, il la cultivait avec talent, l’irrévérence tout autant et l’artiste n’avait pas peur de faire un pied de nez à certains membres de la gent masculine qui exhibent outrancièrement leur virilité.

Ne laissons pas Henri sombrer dans l’oubli, remercions Yves JAMAIT de l’avoir chanté avec talent, respect et conviction.

 

Daniel LABEYRIE

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27 mai 2023 6 27 /05 /mai /2023 10:48

Une contribution de Daniel Labeyrie

Au col de la Croix Morand, les troupeaux ont regagné les estives, le vent souffle, furieux, orageux : son « môme éternel » s’est fait encamarder, faucher en plein cœur de mai. Les perce-neiges font la gueule, les vaches donneraient bien de la corne à la grande faucheuse qui ne ménage personne.
Notre Auvergnat rebelle, toujours dans l’errance, l’éternel voyageur qui ne s’en laissait conter par personne, a jeté son balluchon dans les fossés du néant.
Fier, rebelle, fragile, Murat a toujours pris les chemins de traverse, sans crainte des griffures des ronciers de la vie qui ne l’ont guère ménagé. Le petit garçon qui gardait son troupeau sur les pâtures austères, faisait les foins, mangeait de la bonne vache enragée, celle qui fait de vous un bel humain, a bien rempli sa fonction d’artiste libre. 
Le chanteur n’a jamais eu peur de se cogner aux murs de la bienséance, de la médiocrité ambiante. Artiste rigoureux, il a publié des albums avec une régularité de métronome : parfois, il s’est égaré artistiquement, mais peu importe, de multiples pépites se cachent dans son œuvre parfois un peu hétéroclite. 
Sa voix caressante, sensuelle rime bien avec nos mélancolies.
Parfois blues, parfois rock, parfois pop, Murat a toujours fait ce qu’il voulait, menant une carrière exigeante, jetant l’anathème aux médias tel un poète toujours rétif à l’ordre établi.
Rimbaldien, baudelairien, irrévérencieux, nous l’aimions comme il était notre ermite du Mont Sans-Souci : qu’il repose over and over dans sa terre auvergnate dont il s’est toujours réclamé.
Oui, Jean-Louis, « Tout est éphémère, la vie, la terre, les choses vues qui nous ont plu, les papillons, l’hiver, les loups, les cerfs… Je ne sais plus… »
Daniel LABEYRIE

 

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14 mars 2023 2 14 /03 /mars /2023 10:00

Plus de chapeau pour Mireille 

Une contribution de Daniel Labeyrie

Le fringuant saltimbanque de la vallée d’Aspe a fermé les volets de sa demeure de pierre face aux immuables cimes pyrénéennes encore enneigées.
La misère de ses parents obligés de quitter leur troupeau pour la ville n’a jamais entaché la bonne humeur de leur unique rejeton doué pour la fantaisie et la légèreté.  Des grands music-halls aux petites salles, Marcel Amont eut une carrière avec des hauts et des bas. 
Le coup de balai opéré par l’arrivée des Yé-yés aurait pu le mettre à terre mais notre Béarnais a toujours su rebondir avec la souplesse qu’on lui connaissait.
Le chapeau du  « Mexicain basané » fut un peu lourd mais, comme nous le savons tous « L’amour ça fait passer le temps ».
Septante ans de carrière, bel exploit pour cet éternel jeune homme, humble et souriant mais très lucide sur son époque.
Plusieurs livres à sont actif dont l’ultime, intitulé « Les coulisses de mon métier »
Il enregistra plusieurs albums en langue béarnaise, ne reniant jamais ses origines. Son pote BRASSENS lui offrit « Le chapeau de Mireille » qui lui remit les pieds à l’étrier.
Marcel, bienvenue au paradis des artistes, il y a du beau 
monde. 


 

 

 

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