Cet article, de Gérard Roy, est à paraître prochainement dans "La feuille verte", le journal d'EELV Franche-Comté.
Il me semble qu'il y a longtemps qu'on n'a pas parlé de nos amis les chasseurs. Mais voilà que cette stupide engeance vient de se rappeler à notre souvenir ému.
On le sait, dans la hiérarchie des crétins à fusil, la palme revient sans conteste aux sauvaginiers, c'est-à-dire aux chasseurs d'oiseaux sauvages - de terre, de mer, de marais. Ils sont particulièrement nombreux et excités dans le Médoc, ainsi que dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie, où ils ont fait, entre autres, main basse sur la baie de Somme. Ces braves gens sont très malheureux et se sentent incompris car - le croiriez-vous ? - il existe des lois, des règlements, des arrêtés qui prétendent les empêcher de s'adonner à leur passion 24 heures sur 24 et 365 jours par an. À l'instar des « motards en colère » (1) qui, parce que « ca heurte [leur] mentalité » (2), refusent l'éventualité de devoir payer pour le stationnement de leurs machines en ville, les sauvaginiers estiment que leur droit imprescriptible de tirer sur tout ce qui a des ailes ne saurait souffrir aucune contrainte légale - ça contrarierait leur primitive « mentalité ».
Cette année, ils étaient censés raccrocher leur pétoire le 31 janvier, date de fermeture de la chasse au gibier d'eau. C'était mal les connaître : devant une aussi insupportable atteinte à ce qu'ils nomment leur « juste cause » et « le ras-le-bol de dizaines de milliers de chasseurs qui ne demandent qu'à en découdre », ils ont annoncé qu'ils flingueraient l'oie sauvage et le canard siffleur jusqu'au 16 février - pourquoi pas jusqu'au 14 juillet ?...
Que croyez-vous qu'il arriva ? Si vous répondez que la force publique est mobilisée, qu'on prend des mesures préventives pour dissuader ces braconniers et que force reste à la loi, c'est que vous êtes décidément d'une déconcertante naïveté. Car non seulement il n'en est rien, mais en outre le fringant Philippe Martin, ci-devant ministre PS de l'Écologie (je pouffe...), a décidé de leur accorder une dérogation : croyant sans doute ménager la chèvre et le chou - en l'occurrence l'oie cendrée et le tartarin -, celui qu'EÉLV, bouche en cœur, a couvert de louanges lors de sa nomination à la place de la pôvrette Delphine (oubliant qu'il était un fervent partisan de la chasse et de la tauromachie) a... repoussé au 10 février la date de clôture de la chasse à l'oie sauvage ! Et attendez, ce n'est pas tout ! Comme un député UMP du Nord pleurnichait que les chasseurs de gibier d'eau étaient « obligés d'arrêter leur passion le 31 janvier », M. Martin, drapé dans sa dignité offensée, lui a rétorqué que les « dix jours supplémentaires accordés aux chasseurs », c'était quand même autre chose que le rien du tout concédé précédemment par la droite et a conclu : « Vous, vous n'avez jamais rien fait pour les chasseurs ! » Et toc !
Bref, dans ce domaine comme dans d'autres, la gauche fait pire que la droite... et elle s'en vante ! (3)
Toujours dans la riante région NPdC, une gigantesque tuerie de renards se prépare dans le département du Nord, du 17 au 23 février. Sans aucune justification sanitaire ou scientifique, chasseurs, piégeurs et déterreurs vont détruire, par simple loisir, jour et nuit, tous les renards qu’ils pourront choper : ça s'appelle les Ch'tis fox days, et ça promet d'être un beau carnage. Si vous pensez qu'il y a encore quelque chose à faire contre la connerie et la barbarie, vous pouvez toujours écrire au Préfet de la région en question et signer la pétition lancée entre autres par l'ASPAS et la LPO (vous trouverez sans peine tous les détails sur le net).
Mais changeons de région : la secte des nuisibles adorateurs de la cartouche fait parler d'elle chez nous aussi, et tout particulièrement en Haute-Saône. Depuis l'été dernier, c'est un véritable scandale qui secoue la Fédération des chasseurs du département. Dans une réserve gérée par la dite Fédération à Noroy-le-Bourg, près de Vesoul, ont été exterminés entre 2010 et 2013, des animaux appartenant à des espèces protégées : chats sauvages, buses variables, autours des palombes, chouettes hulottes, en tout plus d'une centaine de sales bestioles qui faisaient rien qu'à s'en prendre aux gentils faisans et lapins de garenne lâchés dans la nature, les veilles d'ouverture de la chasse, par des nemrods à juste titre indignés par tant de sanguinaire cruauté. D'où l'emploi par ces derniers, pour venir à bout des voyous, de toute une panoplie de fusils, de pièges, d'appâts empoisonnés (au stade actuel de l'enquête, il semble néanmoins que n'aient été utilisés ni AK-47, ni bombe à fragmentation). Un juge d'instruction de Vesoul a déjà mis en examen plusieurs personnes pour « destruction d'espèces protégées en bande organisée » : parmi elles, quatre étudiants qui avaient été rémunérés pour faire le boulot, mais aussi divers cadres de la Fédération, dont le président.
« Cette affaire porte un préjudice considérable à l'image du monde fédéral et de la chasse en général », estime dans un communiqué la Fédération nationale des Chasseurs. Je me marre : comme s'il y avait besoin de ça pour « porter préjudice » à « l'image » d'un million de pithécanthropes qui s'arrogent le droit, au nom de leur « passion », de s'approprier les campagnes aux risques et périls des autres utilisateurs de la nature (4) !...
Un dernier mot : si j'habitais la « grande région » Sud-Ouest, il est évident qu'aux prochaines Européennes, je ne pourrais en aucune façon voter pour une liste conduite par un « écolo » qui appelle à flinguer les loups (même en Suisse) ! Décidément, plutôt que se lancer en politique, Bové aurait dû continuer à démolir des McDo...
Gérard Roy
1 Ils me plaisent bien, ceux-là aussi...
2 Déclaration authentique d'un de leurs représentants !
3 J'en connais quelques-uns à qui cela doit rappeler l'attitude d'un socialiste jurassien, devenu député, parce qu'il était le suppléant de Dominique Voynet, quand celle-ci a été nommée ministre de l'Environnement, et qui s'est sans vergogne vautré dans le lobbying pro-chasse.
4 Et s'il vous plaît, évitez-moi le sempiternel « argument » selon lequel il y a plus important et plus urgent que la question de la chasse (idem pour la tauromachie).