Benjamin Hicaubert / Biarritz
Nul doute que Yann Arthus-Bertrand (YAB) connaisse bien les projets de Monsieur Rousset pour l'Aquitaine, et même y adhère. Sa démarche est représentative de la
tendance actuelle qui consiste à réduire, en Pays Basque comme ailleurs, le combat écologiste au dérèglement climatique. Ainsi le TGV serait écologique ! Il fonctionne à l'électricité qui est
produite par le nucléaire. Et le nucléaire, ce serait écologique aussi puisque ça ne rejette pas de CO2. Ainsi, le projet est «YABocompatible» donc la planète est sauvée. Son raisonnement
s'arrête malheureusement là. Et aux écologistes «extrémistes» qui critiquent le nucléaire, il répond : «On ne peut pas s'en passer [du nucléaire] et le problème des déchets n'est pas si
grave.» YAB, Nice Matin, 29 mai 2010.
La question que l'on est en droit de se poser est donc : YAB est-il sincère dans sa démarche ?
Les entreprises les plus polluantes, il «travaille» avec elles pour les rendre «vertueuses» et en échange de rémunérations indécentes, il verdit leur image et
leur fait une pub d'enfer. Les deux parties sont gagnantes. Mais la nature et nous-mêmes sommes perdants. Il aide ainsi beaucoup d'entreprises à soigner leur image, la liste des sponsors est
longue (Air France, Apple, Groupe Suez, Groupe PPR...). Il compte même la BNP comme membre du conseil d'administration de son entreprise, l'association GoodPlanet. Et puis l'argent tout de
même, ça impose le respect :
«Planete-terra.fr : Comment gérez vous le fait de devoir vous associer avec un grand groupe comme Pinault-Printemps-Redoute qui appartient à l'industrie du
luxe, laquelle n'est pas forcément toujours très cohérente en matière de développement durable ? Yann Arthus-Bertrand : Je le gère très bien. Quand quelqu'un est assez généreux pour vous
donner 10 millions d'euros pour faire un film, je le respecte.»
Oui, Yann Arthus-Bertrand respecte ses contrats. Le Qatar a participé financièrement à son film Home (pas moins de 8 % du budget total). En échange ? YAB
soutient l'organisation de la coupe du monde de football au Qatar. De gigantesques stades climatisés en plein désert ? Mais attention, le tout 100 % compensé carbone grâce à son
association.
«Green is green» diraient certains...
Le transport et la compensation carbone : une véritable «indulgence» des temps modernes.
«J'ai par exemple refusé de signer une pétition contre la Formule 1. Pourquoi s'en prendre aux pilotes de Formule 1 plus qu'à d'autres ? Je crois au contraire
que, pour surmonter la crise écologique, nous devons tous travailler les uns avec les autres. Sans amour et sans solidarité, nous ne parviendrons à rien !» Yann Arthus-Bertrand, L'Express, 10
novembre 2008.
Ainsi, en moins de temps qu'il ne nous en faut pour le dire, tout et tout le monde est devenu écolo et non-violent. Ah, les colliers de fleurs autour du cou des
pilotes de bolide, c'est écolo en diable !
Yann roule en 4x4 en ville et se déplace souvent en hélico. Mais il a le droit car grâce à son argent il peut s'acheter une bonne conscience en faisant planter
des arbres par les enfants des écoles ou par des ouvriers sous-payés en divers pays du monde, ou en envoyant des panneaux solaires en Afrique afin que les habitants prennent bien sur eux la
honte d'abattre des arbres pour se chauffer et cuisiner. Et tout cela compense quand même bien la pollution qu'il produit en se décarcassant pour que moi, nous, vous, compreniez enfin que
nous sommes coupables face à la planète et aux générations futures. Non ? Merci, YAB, notre sauveur !
Le gouvernement et sa politique... écologique
«Le président Sarkozy devrait être fier de ce qu'il a fait. Il a fait pour l'écologie des choses formidables. Et le Grenelle 2, il y a énormément de mesures
très importantes qui vont être faites et c'est pas idéal mais sans doute que les écolos, on a trop tendance à râler et à être jamais contents, à pas dire : ça c'est bien !», Yann
Arthus-Bertrand, TV mag, 15 juin 2010.
Ah, ces râleurs d'écolo qui ne veulent pas reconnaître les avancées extraordinaires de notre gouvernement en matière d'écologie !
Partisan du capitalisme vert et de la croissance verte, Yann Arthus-Bertrand ne souhaite pas tant changer le système que le verdir. Pas question de remettre en
cause le capitalisme, de toute façon, tout ça, il n'y comprend pas grand-chose et ne s'intéresse pas à la politique.
Hervé Kempf, journaliste du Monde : «Hugo Chavez dit que le capitalisme est la cause du changement climatique. Qu'en pensez-vous ?» (16 décembre 2009). Yann
Arthus-Bertrand : «Je pense que ce discours est fini pour moi. On va pas y arriver comme ça. C'est pas en montant les gens contre les autres qu'on va y arriver [...]. C'est pas un débat qui
m'intéresse. Je m'intéresse pas trop à la politique.»
YAB est-il partisan d'un vrai changement de mode vie ?
Pas pour nous ! Il résume bien à lui seul (mais en compagnie de son ami Hulot), le principe qui consiste à «changer le pansement» et non «penser le changement».
Tout peut être écologique : il suffit d'une bonne couche de peinture verte (entendez en marketing, publicité, communication).
Tournage d'un film sous la bénédiction de Monseigneur Alain Rousset
Monsieur YAB, nous ne vous invitons pas à survoler l'Aquitaine et le Pays Basque avec votre hélico polluant. Mais nous voulons bien discuter avec vous autour
d'un verre d'irulegi ou de patxaran. Pour cela, nous sommes prêts à nous renseigner sur les horaires de train et à vous les transmettre.