Une contribution de Bernard Caussade
Un petit filet d’eau qui jaillit en douceur au pied de la montagne. Un petit pichet gris, fer blanc doublé d’étain pour cueillir à la source une pinte glacée pour boisson anisée. Mon père dégustait au retour du travail , mais sans modération, le pastis fabriqué au fond de son refuge, à l’abri des regards, des aigreurs de ma mère, c’était un autre temps où les régulations du temps et des humeurs se faisaient au foyer. Mon père était cireur de chaussures et de bottes fabriquées en usine. Les horaires étaient souples en périodes d’été, il commençait plus tôt quand il faisait trop chaud et rentrait de bonne heure... pour finir sa journée à l’ombre de ma mère. Ma grand-mère, là-haut, régulait sa journée en fonction des labeurs, animaux à sortir ou bien à protéger des ardeurs du soleil, à l’abri dans l’étable. Elle était couturière et guidait sa Singer, manuelle et sans fil, pas d’électricité. En fin de matinée, le facteur en tournée s’arrêtait un instant café ou bien vin blanc, visite journalière et halte régulière, présence, sans contrainte, de service public. Et puis, le soir venu, presqu’à la nuit tombée, mon grand-père arrivait, fourbu et poussiéreux, maçon tailleur de pierre… eau fraîche pour les mains, le visage et les pieds, petit verre de vin gardé dans un placard au fond de la souillarde.
C’était un univers sans écran cathodique et les régulations du temps et des humeurs se faisaient au foyer… j’ai souvent l’impression que les gens vont trop vite sans soucis du passé, ignorant leur histoire. Profitez de la vie, profitez de l’été… et puis… bonne journée.