Une contribution de Daniel Labeyrie
Au col de la Croix Morand, les troupeaux ont regagné les estives, le vent souffle, furieux, orageux : son « môme éternel » s’est fait encamarder, faucher en plein cœur de mai. Les perce-neiges font la gueule, les vaches donneraient bien de la corne à la grande faucheuse qui ne ménage personne.
Notre Auvergnat rebelle, toujours dans l’errance, l’éternel voyageur qui ne s’en laissait conter par personne, a jeté son balluchon dans les fossés du néant.
Fier, rebelle, fragile, Murat a toujours pris les chemins de traverse, sans crainte des griffures des ronciers de la vie qui ne l’ont guère ménagé. Le petit garçon qui gardait son troupeau sur les pâtures austères, faisait les foins, mangeait de la bonne vache enragée, celle qui fait de vous un bel humain, a bien rempli sa fonction d’artiste libre.
Le chanteur n’a jamais eu peur de se cogner aux murs de la bienséance, de la médiocrité ambiante. Artiste rigoureux, il a publié des albums avec une régularité de métronome : parfois, il s’est égaré artistiquement, mais peu importe, de multiples pépites se cachent dans son œuvre parfois un peu hétéroclite.
Sa voix caressante, sensuelle rime bien avec nos mélancolies.
Parfois blues, parfois rock, parfois pop, Murat a toujours fait ce qu’il voulait, menant une carrière exigeante, jetant l’anathème aux médias tel un poète toujours rétif à l’ordre établi.
Rimbaldien, baudelairien, irrévérencieux, nous l’aimions comme il était notre ermite du Mont Sans-Souci : qu’il repose over and over dans sa terre auvergnate dont il s’est toujours réclamé.
Oui, Jean-Louis, « Tout est éphémère, la vie, la terre, les choses vues qui nous ont plu, les papillons, l’hiver, les loups, les cerfs… Je ne sais plus… »
Daniel LABEYRIE