Une contribution de Daniel Labeyrie.
Celui qui se lève tard ne voit pas le lézard
en train de se brosser les dents … proverbe massaï
Quand bise souffle, quand les frimas s'accrochent à la moindre brindille, vous jouez les invisibles , terrés, cachés dans les lézardes, les fissures des vieux murs , modestes hibernants calfeutrés dans des minuscules repaires totalement inaccessibles à vos ennemis de tout poil.
Lézards des murailles,sans faire montre de la moindre arrogance, vous êtes des hédonistes: vous savez deviner à distance la moindre apparition ne serait-ce que brève d'un rayon de soleil pour vous prélasser afin de réchauffer votre sang froid:
en dignes princes du farniente, vous passez des heures à ensoleiller votre fine cuirasse .
A la moindre alerte, vous prenez la poudre d'escampette pour vous faufiler dans la première cachette venue. Etonnamment silencieux, vos courses- poursuites font de vous des espiègles farceurs , incapables de la moindre agressivité à l'égard du genre humain.
Gare à la mouche imprudente, gare au ver de terre égaré sur votre territoire, gare au criquet des jours de canicule, gare à l'araignée échappée de la remise : toutes ces bestioles finissent dans votre petite gueule allongée.
A la moindre averse , au moindre roulement de tonnerre, vous désertez les terrasses, les toits brûlants, les éboulis, les pans de murs des masures, les dalles effondrées pour vous insinuer dans d'infimes abris connus de vous seuls.
Petits reptiles sauriens, chez vous il n'y a pas de lézard, il n'y a pas le moindre problème, votre devise: la vie au soleil, c'est-à-dire faire le lézard , paresser...
Parfois les enfants se jouent de vous, vous mènent une vie impossible, vous attrapant par le bout de la queue dans des éclats de rires déconcertants.
Vos chutes vertigineuses du haut des toitures, vos bagarres infernales n'ont jamais fait peur à la moindre mouche mais la couleuvre verte et jaune vous regarde d'un drôle d'œil !
Elle sait attendre le moment propice pour vous estourbir : cruelle destinée pour des petits cousins
du crocodile.
Nous n'avons de cesse d'admirer votre remontée rapide des murs, alpinistes chevronnés, vous atteignez en quelques secondes le faîtage des maisons où votre liberté se décline
au rythme solaire de la belle saison.
Parfois vous vous risquez à vous introduire dans la cuisine, voire une chambre . Cette curiosité est toujours intéressée car le moindre moucheron , le moindre cloporte sera happé
en un fragment de seconde : comment vous remercier de votre visite ?
Petits princes des murailles, courez, lézardez, continuez d'enchanter nos étés !