Pépé, c'est le monsieur à la croix. Entre 1914 et 1978, pendant une courte pause dans l'horreur des tranchées.
« L’immeuble du Boulevard Berthier avait été choisi d’abord parce qu’il avait plusieurs issues sur des rues différentes, ensuite parce que le concierge, Monsieur Thoma, était de toute confiance. Je ne comptais tout de même pas révéler à celui-ci ma véritable personnalité mais j’y fus obligé. En effet, quand mes meubles arrivèrent, ils portaient des étiquettes à mon nom car ils sortaient d’un garde-meubles où ils étaient depuis juillet 40. Après que mon appartement eut été, en juin, perquisitionné par les Allemands, j’avais en effet demandé à l’un de mes parents de le déménager et de mettre le mobilier en garde-meubles. D’où les étiquettes que le concierge remarqua aussitôt. Je lui dis alors la vérité. Il en fut très fier et devint, pour ma famille et pour moi, jusqu’à la libération de Paris, le plus dévoué des anges gardiens. »
"Le temps des vérités"
Général Henri Navarre http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Navarre
Editions Plon 1979.
Mon grand-père, Henri Thoma, était né en 1887. Il est passé sur l'autre rive lorsque j'avais onze ans. Mais il ne m'a jamais vraiment quittée. Je le sens toujours près de moi. J'imagine qu'il en est un peu de même pour mon frère, Richard, et pour Françoise, ma cousine.
De lui, j'ai le souvenir d'un homme,
- le premier féministe de ma vie qui se réjouissait d'avoir enfanté deux filles et pas de garçon, donc pas de cher à canon.
- le premier pacifiste de ma vie qui me disait "Dans les tranchées, en face, les p'tits gars, ils étaient comme nous, ils n'avaient rien demandé, ils pensaient à leur mère, à leur femme, à leurs gosses"
- le premier esprit ouvert de ma vie, membre du PCF et catholique pratiquant
- le premier citoyen du monde de ma vie qui se réjouissait de m'amener à pied faire des courses en un Levallois-Perret alors extrêmement populaire et pas mal "algérien", ( et oui!) pendant la guerre d'Algérie et qui, sortait en hiver de l'immeuble, traversait la cour et allait porter un grand bol de café bien chaud à l'Africain qui balayait le caniveau, pendant que moi, enfoncée dans le fauteuil de cuir de la loge, je lisais "Le grand Duduche" dans "Pilote".
-le premier écolo de ma vie, qui aurait voulu voir disparaître toute arme de la Terre, protégeait et parlait aux oiseaux, aux arbres, aux ruisseaux, rêvait de ses fleurs de Stains ou d'Epineuse.
Merci à vous, mes grands-parents chéris, d'avoir été de si beaux humains.
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