D'abord, je vous présente mes excuses. J'avais prévu de longue date de publier sur ce blog un article le soir de la manif à Bayonne pour l'abolition de la corrida, c'est à dire samedi soir.
Cette boucherie ("En Espagne, ils ne mangent pas beaucoup de viande, mais les bouchers sont bien sapés" Coluche) me fait tellement horreur que je mettais dans cet article toute mon énergie, toute
ma volonté. J'avais déjà préparé un long texte, faisant référence à des écrivains que j'aime et qui, ce n'est certainement pas un hasard, vouent ou vouaient de leur vivant, à la corrida un dégoût
non dissimulé. Le texte en question était émaillé de nombreuses illustrations. Il ne restait, samedi soir, qu'à ajouter les impressions de la journée. Mais voilà, l'émotion, l'épuisement, je me
suis pris les pieds dans le tapis--- A une heure du matin, j'ai voulu publier l'article et ---impossible, rien n'apparaissait à l'écran. Plusieurs essais et ---patatras! Mauvaise manip, tout est
effacé, perdu à jamais. Depuis, impossible de publier quoi que ce soit. Monsieur mon blog fait la gueule et la grève.
Ca, c'est un bouquet de jonquilles pour me faire pardonner mon incompétence technique. Elles viennent du jardin d'amis Jurassiens.
Ce soir, à première vue, il veut bien reprendre le travail. Alors, je ne vais pas vous ressortir tout le grand jeu, je n'en ai ni le temps ni le courage mais simplement, vous faire
part de quelques émotions après cet après-midi de manifestation.
Allez, je vais l'avouer tout de go. J'appréhendais un peu les rencontres que j'allais faire cet après-midi là. J'aime les animaux, tous les animaux, les sauvages, les domestiques, les
gros, les minuscules. Je suis attachée à leur dignité, à leur liberté comme je le suis à celles des êtres humains. Seulement voilà, il me semble que parfois, dans les milieux de la
protection animale, on trouve pas mal de gens exaltés, sectaires, pour ne pas dire aigris, vouant une haine hideuse à l'humanité toute entière et, cela arrive souvent, plus
particulièrement aux humains qui n'ont ni la même couleur de peau qu'eux ni la même culture. Ouh la!!!!!!!!!!!!!! Je ne vais pas me faire que des amis, mais tant pis, je joue franc-jeu. Il
faut en prendre le risque, me semble-t-il, parce que les personnes en question rendent un très mauvais service à la cause qu'elles sont censées défendre.
Rien de tel dans les rangs de la manif de samedi. Aucune des personnes, hommes et femmes, jeunes ou moins jeunes, avec qui j'ai eu l'occasion de parler, ne ressemblait au portrait négatif
que je viens de dresser, bien au contraire! En outre, certains, plus courageux que moi, avaient d'abord passé la matinée à Came pour soutenir les militants anti OGM. Allez, je vais me faire des
ennemis dans un autre milieu encore, en précisant que le contraire n'a pas été vrai et que nous n'avons vu aucun combattant anti-OGM venir prêter main forte, ne serait-ce qu'une heure,
aux ennemis de la barbarie tauromachique. Certains manifestants de Bayonne étaient même bouleversés d'avoir entendu le matin-même des représentants d'associations écologistes prendre
fait et cause pour la corrida. Esprit de Théodore Monod, viens à notre secours!

Donc, nous étions un peu plus de 200 personnes à braver la terrible chaleur de cette journée placée au coeur d'un été humide et plutôt frisquet. Un long périple dans les rues de Bayonne avec
force trompettes, banderoles et slogans en Basque, Castillan, Catalan et Français. Pendant que mon amie Dominika arborait fièrement une pancarte "Tortura ez da gure kultura", je tenais non
moins fièrement la banderole en Euskara d'une association abolitionniste Bizkaienne. Tout le long du chemin, des regards interrogateurs ou amusés, des gestes et des paroles
d'approbation et de sympathie sur notre passage, mais aussi des insultes, des quolibets, des éructations de haine. Quartier Saint-Esprit, lors d'un arrêt sur le lieu où se trouvaient
les toutes premières arènes de Bayonne (il n' y a pas si longtemps, 18ème siècle, tu parles d'une "tradition"! Merci Eugénie de Montijo!), nous avons eu droit à un "Ben, faut bien manger, tout de
même! Vous ne mangez pas, vous?", qui nous a laissés pantois. Il y eut aussi un "Et la liberté?". Mais la liberté de qui, grands dieux! Et la liberté de quoi? Pourquoi pas, dès demain matin,
la liberté d'énucléer son propre chat ou celle de couper les quatre pattes au chien du voisin! Il suffit même de faire ça une dizaine de fois et ça deviendra une tradition. Pour quelques tordus,
ça sera de l' esthétique et pourra accéder rapidement au statut d'"art". "Liberté, que de crimes on commet en ton nom!"
Un peu avant le début des corridas, nous nous sommes plantés devant les arènes, sous un cagnard pas possible, déployant nos banderoles qui formaient un couloir par lequel devaient passer les
"aficionados" retardataires. Là, tout comme sur le chemin de la manif, j'ai pu constater que le vocabulaire des pro-corridas est tout aussi limité que celui des chasseurs extrêmistes
manipulés par CPNT ou celui de quelques minoritaires excités anti ours, violents et haineux qui entachent la profession d'éleveur. Qu'on en juge: De nombreux "Vous êtes toutes des mal
baisées", lancés aux manifestantes, des doigts d'honneur, des bras d'honneur et jusqu'au mime d'une petite branlette, argument très certainement imparable dans l'esprit de son auteur. Autre grand
classique du genre, ont même raisonné quelques "Vous n'y comprenez rien, vous n'êtes pas d'ici. Rentrez chez vous". Merveilleuse occasion de répondre, par deux fois "Bainan, gure herria da,
hemen!"! A voir l'air interrogateur autant qu'effaré de ceux à qui ces quelques mots en langue Basque s'adressaient, on peut se demander si eux-mêmes étaient vraiment "chez eux".
Et pourtant, pourtant---- Terrible découverte, douloureuse surprise pour moi: Autant de femmes que d'hommes sont entrées dans les arènes cet aprè-midi là. J'imagine qu'il en est de même les
autres jours. Là, c'est tout un monde qui s'écroule. Parce que "le poète a toujours raison qui détruit l'ancienne raison", j'ai toujours été naturellement persuadée que "la femme est
l'avenir de l'homme". Depuis samedi, cette foi est très sérieusement ébranlée, pour ne pas dire réduite à néant. S'il s'avérait malgré tout que le poète ne se soit pas trompé, on est
bien mal parti! Espoir en berne!
Et je ne parle pas de ces tout jeunes enfants conduits aux arènes comme à une cérémonie initiatique, pour prendre leur leçon d'"art" et de "culture". Comment ne pas alors penser une fois de
plus à Théodore Monod
qui écrivait" Si l'homme
doit un jour sortir de la barbarie et de la préhistoire, il devra renoncer à satisfaire son goût de la violence et de la cruauté pour s'ouvrir à la sympathie et à la pitié pour tous les êtres, en
adoptant pour règle d'une morale nouvelle le respect de la vie et de toute vie.
Seuls des enfants, libérés de tous les préjugés de la tradition et de la coutume seront capables d'accepter demain une attitude aussi novatrice". Certes, la transmission est une bien belle chose
mais il s'agit tout de même de savoir ce que l'on transmet.
Si espoir il y a, il est dans quelques jeunes consciences individuelles. Je pense à cette adolescente qui se disputait violemment avec sa mère, refusant d'accompagner sa famille au "spectacle" et
donnant raison aux manifestants.
Ceci dit, il a bien fallu partir. Et, ne pouvant les sauver, abandonner six herbivores (sans compter les malheureux chevaux) à la torture et aux beuglements de la populace. J'utilise ce mot
méprisant à dessein et je l'assume. Colette, dans son livre "Prisons et Paradis" dit l'horreur, le mépris, le dégoût que lui inspire la foule venue assister à l'exécution de Landru. Et l'on
ne peut qu'abonder dans son sens. Pourtant Landru avait tout de même quelques crimes odieux sur la conscience. Mais---les taureaux?
Allez, comme disait le regretté Reiser "On ne vous demande pas d'aimer les animaux, mais foutez leur la paix!
Trouvées sur le site du CRAC, je porte à votre connaissance ce petit échange avec Morad EL HATTAB, qui en est le Président d'Honneur et qui a dirigé la réalisation de l'ouvrage "Urgence
Darfour".
Ecrivain et philosophe, Morad EL HATTAB est avant tout un humaniste. Un vrai ! Il est de ceux qui défendent les humains en souffrance, sans oublier pour autant les animaux. Si l'ouvrage
Urgence Darfour, réalisé sous sa direction, témoigne de son engagement envers les hommes, il n'en reste pas moins mobilisé contre la barbarie des arènes.

CRAC : D'abord, bravo, Morad, pour ton implication totale envers le Darfour, la parution de l'ouvrage collectif Urgence Darfour (éditions Des idées & des hommes) et pour
cette euro-pétition (http://www.europetition-darfour.fr/europetition_fr_v2/sign.php)
qui a déjà recueilli près de 300 000 signatures en quelques mois. Au CRAC, nous sommes vraiment très fiers de t'avoir comme président d'honneur. Ne crains-tu pas que l'on te reproche de mélanger
les genres en luttant à la fois contre la barbarie des arènes et contre les massacres au Darfour ? Que réponds-tu ?
Morad : Cest arrivé, en effet. Ma réponse est simple : pourquoi cloisonner la compassion ? Un être sensible qui souffre, qu'il soit humain ou animal, mérite la compassion. A
fortiori en ce qui concerne la corrida, quand cette souffrance n'est justifiée que pour la jouissance des hommes. Je réponds aussi que, comme par hasard, tous les plus grands humanistes se sont
indignés contre l'horreur tauromachique. Je ne citerai jamais assez ce magnifique aphorisme de Victor Hugo : "Torturer un taureau, pour le plaisir, pour l'amusement, c'est beaucoup plus que
torturer un animal, c'est torturer une conscience."
Enfin, je vous informe que le CRAC repasse les plats le 14 Août à Dax (voir affiche-ci-dessous) et je vous encourage à participer à cette manifestation. Vous pouvez aussi
réagir auprès de certains médias du Pays Basque qui ont choisi de décrire les corridas de samedi sans évoquer par un seul mot l'opposition qui se manifestait dans la rue. Normal, me direz-vous.
Comme le déclarait devant la Mairie de Bayonne, Gérard Charollois, Président de la Convention pour une écologie radicale "Quand ils parlent d'art, j'entends le bruit des tiroirs-caisses."
Au fait, pourquoi diantre Bayonne se souvient-elle plus d'Ernest Hemingway que de Victor Hugo?