Barkatu Donibane Garazi, pardon Saint-Jean-Pied-de-Port. Le sort des arbres en ville est hélas le même dans bien d'autres endroits (surtout dans le Sud-Ouest de l'Hexagone), mais j'ai photographié ce que j'avais devant moi et qui me rend malade à chaque fois que je le regarde).
Autant je défends les trognes, appelées aussi têtards, ces arbres qui ont accompagné si longtemps la vie des paysans d'avant les tronçonneuses et qui se sont révélés au fil des siècles être de fabuleux abris pour la faune sauvage tout en s'harmonisant parfaitement avec le paysage, autant je suis révoltée par le traitement que subissent bien des arbres en ville. Je veux parler de cette abominable pratique de l' élagage abusif qui n'a d'autre but que d'empêcher les arbres d'être des arbres, mais version faux-cul, genre "Vous voyez, les zécolos, on les abat pas hein, vos protégés". Bon, d'accord, au départ, il était question pour quelques modestes terrasses de modestes maisons ou bien de cafés ou restaurants, de constituer des tonnelles pour l'été ( voir photo ci-dessus). Mais depuis, il y a les parkings et encore pire les parkings de supermarchés où les grands groupes se voient obligés par la loi, les pôv'chéris, de planter un certain quota d'arbres au prorata du nombre de places. Et là, leur problème, c'est que la loi c'est la loi, mais que l'utilisateur, voire le client ( vous savez, celui qui est roi) veut de l'ombre quand il fait chaud, mais ne supporte pas, mais alors absolument pas, de voir sa si chère bagnole recouverte de quelques feuilles qui masqueraient ce chef-d'oeuvre de ferraille promis à plus ou moins long terme à la casse. Alors, on sabre troncs et branches à fond les manettes de tronçonneuse quand arrive l'automne ( en plus, ça évite les frais de personnelspour balayer les feuilles, tout bénef!). L'été , les arbres ainsi traités n'offrent qu'une ombre parcimonieuse et quand le feuillage commence à peine à pouvoir ombrager une, voire deux voitures, il est déjà temps de faire de nouveau vrombir les moteurs des "bulldozers individuels" comme Gilles Servat nomme si bien les tronçonneuses. Et attendez---, on n'arrête pas le progrès, depuis quelques années , plus de balayage mais l'abomination des abominations, le souffleur de feuilles, bruyant, polluant, inutile et affameur de petits oiseaux. qui, de toute manière, ne sont plus abrités par le fouillis des branches pour passer l'hiver.
Que de laideur devant nos yeux et quelle humiliation pour les arbres!
Or, je suis en train de lire un roman de Germaine Beaumont ( et oui---encore!). Il a pour titre "Du côté d'où viendra le jour". Sa première année de publication est 1942. Et voici ce que j'y lis "Je pensais vaguement à tout ce que la créature humaine peut inventer pour imposer son autorité néfaste à la beauté naturelle d'un arbre" ---"Dehors, au-delà de la cour d'honneur de l'hôtel particulier, au-delà des grilles flanquées de deux petits pavillons de garde, s'étendait un fragment de rue tranquille, et tout de suite l'avenue Bosquet dont on venait d'élaguer criminellement les platanes. Les arbres tachetés, torturés, sans branches, sans feuilles, sciés à l'alignement, penchaient tous dans le sens du vent qui souffle sans cesse de la Seine vers l'école militaire". Et l'auteure de revenir par allusions tout au long du livre à ces arbres qu'elle considère comme des martyrs.
Allez, j'en ai trop envie, j'en profite pour vous recopier ci-dessous un extrait d'un livre de Benoîte Groult que j'avais déjà copié sur ce blog.
"Pour justifier ces nains mutilés qui n'ombragent même plus nos routes, on entend beaucoup dire qu'une taille sévère fait du bien aux arbres. Il suffit de les voir dans le Massif Central, par exemple, où on les a laissé vivre sans chercher à leur faire du bien. On reste ainsi saisi d'admiration devant ces patriarches intacts. On avait oublié que c'était ça, un arbre!"