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13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 10:04
Adieu, l'ami!

 

Hervé Thiellement est parti Mercredi soir à 19h10. Il était chez lui, avec sa femme, son fils et son chat. Atteint d’un lymphome récidiviste que plusieurs chimiothérapies n’ont pas réussi à enrayer, ses derniers mois ont été une lutte obstinée contre la progression de la maladie. Il n’a pas souffert. Il est parti avant. Quelques jours seulement avant de nous quitter, il écoutait Otis Redding et parlait avec inquiétude de la disparition des oiseaux et des abeilles. Jusqu’au bout il a été d’une lucidité et d’un humour mordants. Ses deux derniers souhaits ont été exaucés : mourir chez lui et ne pas avoir mal. Son cœur n’a pas arrêté de battre, il a continué de l’autre côté. Désormais il est invisible, mais il ne cessera jamais de vivre. Il avait 69 ans.

Comme homme et comme ami, il était volontiers ronchon et même en colère lorsqu’il apprenait les dernières informations. Les hommes politiques, les stars et les personnalités médiatiques lui donnaient la nausée. Depuis la fin des années 1970, il n’aimait pas les personnes qui trahissent les idéaux de leur jeunesse. Il n’a pas trahi les siens et il a été un exemple d’intégrité et de dignité pour tous ceux qui le connaissaient. Comme père, il était d’une douceur et d’une gentillesse incroyables. Il ne grondait jamais et ne donnait jamais d’ordre. Son sourire était désarmant de tendresse. Il était d’une très grande pudeur. Comme mari, il était profondément amoureux de sa princesse orientale, sa "rousse", et il est mort en la serrant fort dans ses bras.

C’était un biologiste. Il était scientifique mais il détestait les scientistes et l’étroitesse du rationalisme. Il était anticlérical mais il ne rejetait ni la spiritualité ni la fantaisie. Il était anarchiste mais il ne supportait pas les grandes gueules et les donneurs de leçons. Il aimait les chats, la nature, le blues, les bandes dessinées et les romans de science-fiction. Il lisait deux à trois livres par semaine et essayait de faire partager ses goûts et ses passions littéraires à ses amis et aux lecteurs de son blog "Délices et Daubes", sous le pseudonyme de Henri Bademoude. Il avait une connaissance approfondie du fantastique et du polar. Sa géographie intime et spirituelle comprenait l’Afrique noire, l’Egypte, l’Angleterre des Rolling Stones, la Belgique de Franquin et le village de Pierrefonds où il avait élu sa résidence principale, avec son jardin, ses animaux et sa forêt. Dans ses romans "Le Dieu était dans la lune", "Multiple était la lune" et "Le Continuum était malade", il a transféré les notions d’interconnexion et de complémentarité biologiques dans des aventures à la fois utopistes et humoristiques : une sorte de Star Trek fouriériste.

Il avait énormément d’humour, une drôlerie et une folie douce qui se traduisaient par des crises régulières où il s’exprimait "en langues", par interjections et mots inventés. Il aimait danser et faire la fête.

Toute sa vie il a écrit de la poésie.

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12 avril 2018 4 12 /04 /avril /2018 08:32
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

"Pourquoi as-tu choisi pour randonner le jour le plus pluvieux d'une année pluvieuse?" m'a-t- on demandé. Réponse : Je n'ai pas choisi. Cela fait la quatrième année que je serais totalement incapable  de rester chez moi ce jour là qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige.

C'était hier, mercredi 11 avril. Il faut dire que la journée avait mal commencé. Ma fille m'avait parlé d'une déviation qui devait m'obliger à ne pas rejoindre Ostabat directement. Donc, dans ma voiture sans chauffage ( ça encore---), mais sans ventilation (ça,  c'est plus ennuyeux pour voir la route), je me suis lancée sur ladite déviation et suis arrivée au village désiré avec une heure et quart de retard sur ce que j'avais prévu. Oups! Grosse terreur au col d'Iparlatze, que je pratique habituellement à pied et par temps "correct", je ne voyais pas à trois mètres. Ne dramatisons pas, j'arrive à Ostabat, je me précipite au bureau de BLE, une association de promotion de l'agriculture biologique, je demande s'il n'existe vraiment pas une solution pour éviter le même périple au retour. "Mais---euh---, madame, la déviation, c'est pour les véhicules à partir de 3 tonnes 5". Là, j'imprime dans ma tête" Me rappeler de remonter les bretelles à ma fille ce soir".

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

Et me voilà partie, avec la vague, très vague idée de passer par les bois d'Ostabat pour rejoindre la chapelle Saint-Nicolas d'Harambeltz. Aucune idée de l'itinéraire,même pas regardé  une carte ou un éventuel balisage avant de partir,  je m'engage le nez au vent ou plutôt le nez sous la pluie. Je vais  dans un sens, dans un autre, je rencontre une maman pottok et son poulain qui semblent m'aimer beaucoup ou surtout aimer ma pomme et mon sandwich au pâté végétal bios.

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

Aïe! Humide, le sentier!

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

La pluie redouble de force. Il est de plus en plus difficile de prendre des photos. Mais quand-même, voici une jolie surprise. Au bord de la route qui conduit du village aux bois, six jeunes arbres fruitiers plantés par la délégation Pyrénées Atlantiques des Amis du Chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Plusieurs sont de variétés basques. Quelle belle, très belle idée!

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

En traversant le bois, je m'enfonce dans la boue, juste le temps de prendre quelques photos mais pas celle de la chapelle d'Harambeltz, l'appareil photo ne survivrait pas à ces hallebardes qui nous tombent du ciel.

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

Retour à la maison. Le ruisseau déborde. Altxor, le pottok mange le foin à l'abri , sa vieille maman est de l'autre côté du ruisseau et ne peut pas traverser. Lui porter du foin, trouver un système pour le mettre au sec. Quadrature du cercle.

 

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!

Allez, se changer, se  sécher. Oublier toutes les autres mauvaises, très mauvaises surprises du retour.

Juste réfléchir encore et encore à ce qui me pousse depuis quelque années à gravir quelques centaines de mètres de dénivelé deux fois dans l'année. 

Et je vous rassure, aujourd'hui, jeudi 12 avril, il pleut---

J'ai eu de la chance, il aurait pu pleuvoir!
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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 09:01
Gilles Marchal ---, l'homme au loup

et qui aimait les loups---

Il y aura 5 ans demain, il prenait congé de nous.

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8 avril 2018 7 08 /04 /avril /2018 10:21

J'ai aimé ce livre à la langue riche et savoureuse.

J'aime que cet homme retraité,vivant encore dans sa tête et son coeur avant le plan Marshall et le machinisme agricole, pourtant ancien éleveur et toujours omnivore, ne considère pas qu'il était obligé de chasser s'il voulait passer pour un homme, un vrai, par ses voisins.

J'ai connu moi aussi des paysans non chasseurs et émerveillés devant des êtres vivants qui ne dépendaient pas d'eux.Et lorsqu'aujourd'hui, j'entends parler de tradition incontounable et indéracinable pour justifier le fait de se lever, de s'habiller en militaire, de monter dans son 4x4 et de s'armer jusqu'aux dents afin d'aller dégommer des animaux dans ce qui reste de nature, j'ai les nerfs. 

De toute manière, même s'il y avait tradition, comme dans tous les autres domaines, elle serait tout sauf une excuse.

La chasse, c'est comme les antibiotiques, pas automatique
La chasse, c'est comme les antibiotiques, pas automatique
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7 avril 2018 6 07 /04 /avril /2018 07:57
Photo Vincent Capraro

Photo Vincent Capraro

Une contribution de Daniel Labeyrie

 

 

Bon Dieu, Jacques, te voilà déjà poussière d'étoile mais l'on entend ici-bas et là-haut les verres de champagne trinquer en cliquetis de cristal.

 

On trinque, on chante, on donne des coups de pied au chagrin.

Les chaises valsent, place à la joie, au remue-ménage. Areski aux percussions débride ses doigts, la Brigitte nous la joue provoc avec trois larmes sur chaque joue et toi, le fou, tu ris sur ton tapis d'étoiles.

 

Pas de grandes orgues pour toi, du rock qui déménage, de la tendresse à donner par brassées, une énergie folle qui swingue façon Ellington, façon Trénet que tu chantais, petit garçon, avec ton père et ta grand-mère sur le chemin de l'école.

 

T'es toujours resté un gosse, s'émerveillant de tout, de trois fois rien ne serait-ce que d'un vol de moucherons au-dessus de ta tête.

 

Il ne fut jamais question de te laisser embrigader : funambule baladin tu baladais ta tendresse rugueuse de ville en ville, de scène en scène, dans des concerts qui n'en finissaient pas.

Tu mouillais la chemise pour de nobles causes, pour les sans-toit, les sans rien, les invisibles.

 

Comme un animal sauvage, tu arpentais les scènes, générosité en bandoulière sans le moindre souci de carrière : toujours place à l'inattendu.

Poète rock allumé, tu es tombé du ciel en arlequin, ta Mona Lisa Klakson de cuir vêtue tenait la route au gré de tournées hallucinantes, c'était la fête sauvage !

 

Allez, Jacques... Champagne pour tout le monde !!!

 

 

 

Daniel LABEYRIE

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4 avril 2018 3 04 /04 /avril /2018 16:24

Sur tout le territoire de l'Hexagone, en zone rurale ou péri-urbaine on risque de se prendre une balle de fusil de chasse si l'on sort de chez soi ( et même cette année, une femme a été tuée dans son jardin) et ce pendant de très nombreux mois.

Nous, dans les Pyrénées atlantiques, nous avons  encore plus de chance! Si, si! Largement encouragés par le Préfet et une kyrielle d'organismes officiels qui encensent ( si j'ose dire) les incendiaires et tentent de faire culpabiliser tant qu'il est possible les randonneurs, nous connaissons les feux de montagne, injustement baptisés écobuages. Théoriquement, ils doivent s'arrêter le 31 mars, mais une année pluvieuse comme celle que nous connaissons, la date est repoussée au 30 avril.

Celui dont vous voyez les photos prises par un membre du Collectif Su aski (Halte aux feux), se situait au-dessus du village d'Esterençuby le 30 mars dernier. Vous connaissez les effets sur la qualité de l'air ( particules fines), sur l'érosion du sol, sur la biodiversité. Dites-vous que plus on avance en saison, plus les dégâts sont grands, en particulier sur la faune. Le désert avance et il n'avance pas seul,on le pousse---

Regardez ces images et imaginez-vous pris dans ces fumées lors d'une balade pour laquelle vous n'avez pas forcément pensé à farfouiller sur le net afin de  connaître la cartographie et le calendrier des écobuages autorisés. Ah oui, parce que j'ai oublié de vous dire, il y a les non autorisés aussi! C'est accueillant chez nous, vous ne trouvez pas?

 

Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
Viens chez moi, y'a du feu.
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1 avril 2018 7 01 /04 /avril /2018 08:58
L'homme de ménage (Merci Sylvestre)

1983 Chanson de la série télévisée "Merci Sylvestre"

 

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30 mars 2018 5 30 /03 /mars /2018 17:12
L'écobuage comme argument touristique, ça le ferait, non?

Lu et vu il y a peu sur une page facebook: 

"Magnifique écobuage sur le pic de Behorleguy. Bravo et merci de partager cette splendeur avec nous".

"Un écobuage maîtrisé, les pompiers admiratifs"!

Non, vous ne rêvez pas, il y a encore des gens pour écrire ce genre de choses. Une intense pollution aux particules fines, un sol qui se délite, une biodiversité à laquelle on achève de faire la guerre. Bah, qu'importe, c'est beau non? Pffffff! Ca se passe aujourd'hui en Pays basque.

Terrifiant, écoeurant, lamentable! 

A quand la visite (payante bien entendu) des écobuages dans les circuits touristiques?

Effarant!

 

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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 16:31
Vous en êtes où de votre convention obsèques?
Vous en êtes où de votre convention obsèques?

Si vous comptez venir randonner dans les Pyrénées Atlantiques, vérifiez bien auparavant que vous êtes à jour. Pensez aussi à vérifier l'état de votre couverture sociale.

Non,  mais lisez ça! Trop forts le préfet et ses  serviteurs zélés! Pas bête du tout de faire des randonneurs les alliés des incendiaires! Et le pire, le plus désespérant, c'est que cela peut marcher! 

Toutes ces recommandations, là, vous avez l'impression que c'est du deuxième, voire du troisième degré? Et bien non, vous avez tout faux. C'est vraiment du premier degré. Et c'est totalement indécent, limite obscène.

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 15:07
Hors de l'enfer, hors de la force du chaos
Une contribution de Pacôme Thiellement

La première fois que j’ai fait ce que les occultistes appellent une sortie astrale, j’avais quatorze ou quinze ans et je vivais avec mes parents à Genève. Je me suis retrouvé en apesanteur au-dessus de mon lit, enveloppe flottant dans la lourdeur de l’air comme sur un nuage fragile, alors que des sons insistants, répétitifs, intenses et éprouvants, de souffles inversés enlacés et d’une disharmonie préétablie me faisaient comprendre que je m’apprêtais à traverser des Terres Interdites.

Quelques jours avant, j’avais écouté ma propre voix renversée. Je venais d’acquérir un magnétophone quatre pistes pour faire de la musique dans ma chambre d’adolescent, pur caprice de musicien amateur qui me permettait de couper littéralement les pistes d’une cassette audio ordinaire en quatre, en utilisant le côté droite et le côté gauche de chaque face pour faire des maquettes de morceaux. La conséquence de ce traficotage de bandes magnétiques, c’est qu’en renversant la cassette enregistrée et en lançant l’autre face, on entendait l’ensemble de ce qu’on avait enregistré à l’envers : instruments, percussions, synthétiseurs, guitares, voix. La voix, surtout, faisait mal : on entendait des iechniepniefnévé, des achniépnévé iechniepniefnévé, des chnévnévchéwéouamaaa. Le souffle, associé traditionnellement à l’âme, est quelque chose que nous n’étions pas supposé renverser. C’était comme un sceau qui, une fois brisé, détruisait le mur de séparation psychique entre les niveaux de réalité.

A partir de cette nuit cela ne devait plus s’arrêter. Toute mon adolescence, je devais sortir au moment où je m’y attendais le moins, toujours dans un état de relaxation proche du sommeil mais jamais au moment où je comptais y aller. Ce n’était pas des rêves, cela ne produisait pas de souvenirs, et le point de départ était toujours ma chambre telle qu’elle était au moment où je lâchais prise. Souvent lorsque je m’envolais je plongeais immédiatement dans des enfers de viande. La tête la première dans de la chair qui brûle, je sombrais dans des lieux de torture animale et humaine. Et l’enfer ne m’apparût bientôt plus que comme un abattoir et une rôtisserie.

Plus tard, j’arrivais à voler dans des villes italiennes, praguoises ou lyonnaises. Les visages que je croisais faisaient émaner une lumière particulière. Il y avait aussi des têtes seules, virevoltant comme des cerfs-volants à une vitesse de jaguar et avec des mouvements de cobra. Plus tard, je me renseignerai sur les nautes célestes à travers les âges, de Plotin à René Daumal, en passant par Alfred Jarry et Léon-Paul Fargue. Il y avait tant d’occurrences du voyage céleste que j’en avais des vertiges. Est-ce que les cosmonautes frôlaient également la frontière du monde ? Y avait-il, aux extrémités de la voie lactée, un passage qui faisait basculer l’homme de l’autre côté de la réalité ? Ou celle-ci n’était-elle accessible que lorsqu’on "se dévêtait de son corps comme d’une robe" comme disaient les soufis ?

Plus tard encore, j’apprendrais, par les écrits de Sohrawardi, que les rêves ou les sorties de corps sont des traversées du "monde des formes en suspens" : le monde de l’âme et ses multiples citadelles. La réalité est subdivisée entre un monde matériel, qui est celui des corps et de leur pesanteur, un monde spirituel, ciel des idées qui n’est composé que de pensées et d’abstractions et dans lesquels reposent les principes immuables de la manifestation, enfin, intermédiaire, un monde de l’âme que nous voyons dans nos rêves, que nous approchons dans l’art, que nous célébrons dans nos chants et qui est le lieu même de la résurrection. Et ce monde, nous le composons partiellement dans nos vies : il est ce que nous faisons du monde. Nous ne ressuscitons pas dans nos corps, mais par nos âmes et dans nos images. C’est pourquoi il est si important de voir, d’aimer, de créer. Chaque regard que nous portons sur la vie présente est une pierre de la pyramide de notre vie à venir. Celui qui voit la beauté, même dans la laideur, architecture un au-delà à l’image de son cœur, mais celui qui ne voit que de la laideur, même dans la beauté, se compose un monde imaginal de damné.

Les récits mystiques utilisent souvent des figures d’oiseaux pour parler des hommes. C’est qu’ils voient les hommes dans la forme qu’ils prennent dans le monde de l’âme et ils représentent les âmes comme des cœurs à la recherche de leur pays natal. Mais le pays natal n’est ni le lieu de notre naissance sur la Terre, ni celui de nos ancêtres. Le pays natal est une île dans l’océan de l’âme humaine. L’homme naît en exil sur la Terre. Et il meurt, encore en exil, mais à la frontière de l’autre monde. C’est ensuite que commence le voyage définitif vers le pays natal. L’âme voyage, de citadelle en citadelle, jusqu’à l’île céleste des multiples épreuves. Chaque épreuve est représentée par une vallée. Dans Le Langage des Oiseaux, Faridoddin Attar en a répertorié sept : Talab, la vallée de la recherche ; Ishq, la vallée de l’amour ; Ma’refat, la vallée de la connaissance ; Isteghnâ, la vallée du détachement ; Tawhid, la vallée de l’unicité de Dieu ; Hayrat, la vallée de la stupéfaction ; Faqr et Fana, la vallée de la pauvreté et de l’anéantissement. Lorsque les sept vallées sont passées, on aboutit à la Montagne de Qaf. Et il faut encore grimper, grimper, grimper…

Moi j’avais l’impression de ne jamais quitter la vallée de la stupéfaction. A chaque sortie c’était juste l’hallu. Et encore, je ne prenais presque jamais de drogue – ce qui rendait, paradoxalement, chaque prise parfaitement unique, profonde, cinglée, géniale. La plus extraordinaire était peut-être celle administrée à l’hôpital, lors de mon opération d’ablation de la vésicule biliaire du printemps 2016, à l’instant de l’anesthésie. Alors que j’attendais allongé sur mon brancard entra dans la pièce le Doc, un médecin avec un look de Big Freak routard des années 70 : pattes énormes, catogan, muscles tatoués et grosses lunettes.

"Ca va chef ?" me demanda le Doc, avant de me dire : "J’ai un truc parfait pour vous, j’appelle ça le mélange Woodstock. C’est pas très légal mais je me suis dit que vous alliez apprécier."

Il me balança la sauce et, après une poignée de secondes, je m’envolais à toute vitesse. Mon corps imaginal (forme sans matière, âme électrique) se retrouva à flotter dans un espace entièrement noir et vert de connexions cosmico-informatiques. On se serait cru dans le ventre d’un ordinateur. Et là je pus compulser l’espace de quelques instants la totalité des dossiers de l’ensemble de l’humanité : on comprenait pourquoi chaque personne avait agi comme elle l’avait fait et pas autrement. C’était des liasses de récits de douleurs, des bottins de souffrances, de déceptions, de vexations, d’incompréhensions. Une algèbre de la misère de la taille du ciel, une étoile par personne. L’humanité et le cosmos ne m’apparurent plus que comme une seule immense victime, une grande traumatisée mille fois violée et rouée de coups, dont tous les membres continuaient sempiternellement à se battre entre eux par incapacité de comprendre qu’ils ne faisaient que se mutiler davantage.

"Ma lumière m’a été enlevée et ma force a été détruite, disait la Sofia dans le premier texte gnostique retrouvé. J’ai perdu la mémoire de mon mystère. Ma force a succombé en moi par suite de ma frayeur. Je suis devenue comme un démon qui habite dans la matière, où il n’y a nulle lumière. Et mes ennemis ont dit : Au lieu de la lumière qui est en elle, remplissons-la du chaos. J’ai dévoré la sueur de ma substance, et l’amertume des larmes de la matière de mes yeux, pour que ceux qui me tourmentent ne m’enlèvent pas ces autres choses. Ta volonté m’a conduite dans l’enfer, et je suis venue dans l’enfer comme la force du chaos. Et ma force s’est glacée en moi. Maintenant, lumière, lève-toi, cherche ma voie et l’âme qui est en moi."

J’ai rencontré une femme étrange. Elle était bizarrement obsédée par les expériences qui avaient pu présider à mes convictions spirituelles. Je commençais à lui raconter mes projections astrales et autres sorties de corps depuis mes plus jeunes années. Cela me gênait, mais elle continuait à me questionner et je continuais à répondre… Au bout d’un moment, elle m’a posé la question : "Mais à quoi ça sert, ces voyages dans l’autre monde ?"

Mais rien ne sert à rien, tu sais, sauf la lumière qui se lève, scintille avec fragilité et cherche sa voie hors de l’enfer, hors de la force du chaos.

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