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3 septembre 2016 6 03 /09 /septembre /2016 10:38
En Basque: Le chemin, la source, la vie. Au col de Bentarte, par la montagne à 8 km5 de Roncevaux.

En Basque: Le chemin, la source, la vie. Au col de Bentarte, par la montagne à 8 km5 de Roncevaux.

"La montagne pour moi, ça commence à 100 mètres au-dessus du niveau de la mer.", disait-il. Et il riait de mon habitude de dire très souvent "à la montagne".

Hier j'ai marché au dessus de chez moi, sept heures d'affilée, sous un soleil de plomb, au milieu des montagnes à vaches.

J'espère qu'il a été rassuré, l'homme des forêts de plaine.

J'étais partie sans but précis, avec juste comme choix assumé de ne pas chercher cette fois à "faire" un sommet.

Je me suis engagée sur la "route Napoléon" ou "route des crêtes", l'ancienne voie romaine. Aïe, j'avais complètement zappé que nous sommes en cette période au plus haut de la fréquentation par les pèlerins de Saint-Jacques. Incroyable! Un long chapelet de personnes de toutes nationalités. Presque autant de gens que pour l'ascension du Mont Blanc à la belle saison! Si, si, je vous assure! Fort sympathiques tous ces visages souriants malgré la fatigue et ces "Buen camino" qui fusent de partout. Mais quand on marche en souhaitant plus que tout être seule avec quelqu'un  parti depuis plusieurs années pour le monde  des invisibles, ça ne peut qu'être désagréable. Je me suis donc éloignée du bitume et dirigée tout comme ces pèlerins vers le col de Bentarte (dernière étape avant la descente bien méritée vers Roncevaux), mais de ci-de là par le chemin des écoliers ou plutot par les estives. Moyennant quoi, à partir d'Orisson, j'ai retrouvé ma chère solitude.

J'ai rapporté quelques photos. On n'y trouve pas d'oiseaux. Et pourtant, j'en ai vu des Vautours fauves et des Milans royaux aux splendides loopings effectués à 20 mètres de vous et qui s'éloignent dès que vous sortez l'appareil (grrrr!)! Je me suis également régalée du passage de deux groupes de cigognes noires et de cigognes blanches en migration (une quinzaine d'individus en tout) ainsi que d'un long ballet effectué par un Vautour fauve de concert avec un Percnoptère et sur fond de ciel tout bleu. Et un pincement au coeur, j'ai assisté au départ de groupes d'Hirondelles de cheminée et de fenêtre.

Au retour, presque arrivée à la maison, j'ai croisé un jeune pèlerin qui partait bien tard (heureusement il portait une tente) et qui m'a posé des questions sur les rapaces et tous ces grands oiseaux qu'il voyait dans le ciel. Je les ai reçues comme un cadeau.

Des hauts et des bas

Le départ. J'habite à droite, à l'arrière et contre l'opidum, tout au fond de la vallée.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Trois cochons au milieu des fougères.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Quand les brebis cherchent désespérement l'ombre sous des auvents de fortune dans la pierre, ou à l'arrière d'une voiture de berger à l'arrêt ou entassées contre le mur d'une bergerie, c'est qu'il faudrait peut-être penser à reboiser au lieu d'incendier, nooooooon?

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Maman et bébé Pottok.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

De la viande sur pied, des millions de fois hélas.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Saletés de postes de chasse à la palombe, on vous aura un jour, on vous aura!

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Tout au bout à droite, la tour d'Urkulu. Celle là, promis juré, ce sera pour l'année prochaine.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Sur le sentier qui mène à Bentarte, un bois de jeunes hêtres chargés de faînes.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Hop hop hop! Chemin du retour, on redescend dans la vallée.

Des hauts et des bas

Les brebis Manex à tête noire (ici en tenue d'été). Une race en danger au nom de la sacro-sainte productivité.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas

Papa, maman, le frêne que vous aimiez tant du côté d'Orisson a été abattu et jamais remplacé. Là encore, hélas. Mais autour, il lui reste des frères.

Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
Des hauts et des bas
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1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 10:38
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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 13:52
Isabelle Nail Arrouy et une oeuvre de Jean-Lou Arrouy

Isabelle Nail Arrouy et une oeuvre de Jean-Lou Arrouy

Une contribution d'Isabelle Nail-Arrouy

 

Le Courrier International du 25 au 31 août 2016, par la plume de Christina Fanjul, s'étant fendu d'un article écoeurant de parti pris intitulé Que vive la corrida, je reprends du poil de la bête pour m'indigner à nouveau contre une pratique barbare d'un autre âge affublée de l'habit de lumière, profitant d'un décorum théâtral et de la complicité des musiciens des bandas, dénommée culture et tradition.
Les anticorrida si aisément traités de terroristes en cette période grave d'attentats meurtriers, doivent-ils encore, après la grande manifestation de Mont-de-Marsan de juillet et les autres, accepter sans réagir de se voir traînés dans la boue par la plume journalistique et les racontars de l'écrivain de la corrida André Viard, président de l'Observatoire national des cultures taurines, ancien matador connu également pour sa peinture d'un minotaure au sang de taureau tué de sa propre épée mélangé à du goudron. Sa vision de l'art pariétal l'amène régulièrement à délirer sur les origines archaïques de la corrida qu'il croit percevoir au travers de la faune (comprenant des aurochs, chevaux et autres...) dessinée par les artistes du paléolithique à Lascaux. Cette obsession ne poursuit qu'un seul but : étendre la tradition à rebours dans le temps afin de prouver la nécessité de la défendre. Une idée fixe, d'où la réflexion semble absente, basique, hermétique à tout changement, au point de nier l'évolution de la conscience humaine depuis les temps préhistoriques. Pourquoi ne pas reprendre les combats de gladiateurs et autres horreurs pendant qu'on y est ?
L'action d'écrire un tel article constitue à mon sens beaucoup plus qu'une offense faite aux organisations luttant pour l'abolition de la corrida telles la Fédération des Luttes pour l'Abolition de la Corrida (FLAC), le Comité Radicalement Anticorrida (CRAC Europe), l'Alliance anticorrida, le PROTEC (collectif de psychiatres et psychologues visant à protéger les enfants de la corrida), le COVAC (collectif des vétérinaires pour l'abolition de la corrida) et toutes les autres instances de défense des animaux, regroupant les « animalistes », mal aimés (ou plutôt détestés) des chasseurs, aficionados et autres amateurs de mise en esclavage des animaux ou de cruautés exercées à leur encontre.
Plus qu'une offense, cette action représente un déni de l'existence de ces structures, de leurs luttes, de leurs valeurs, des nombreuses personnes qu'elles ont su fédérer et entraîner dans des actions à la fois osées et pacifiques, protestataires et indignées, révoltes dont les pseudo-dérapages n'ont jamais mené personne à la mort comme c'est le cas pour les taureaux dits de combat. Il s'agit d'un déni avéré de la présence combative des défenseurs du droit de l'animal à être traité comme un être sensible et vivant. Des gens choqués par la mise en scène de la corrida se terminant par la mort d'un être vivant forcé de combattre (poussé à se défendre) pour la gloire du torero, lequel a été encouragé depuis son plus jeune âge, par ses parents, famille ou amis, à se produire dans l'arène malgré les risques encourus.
Si je reprends les termes d'André Viard, je lis qu'il a entrepris « la campagne de défense du taureau », ce pourrait être risible s'il ne s'agissait pas de défendre le goût des aficionados pour le sang versé dans l'arène dont les ferias ne peuvent se passer selon eux. Il évoque également les « attaques des animalistes » et prétend avoir failli mourir de leurs mains par le feu, sans preuve évidemment ! Mais cette accusation permet de stigmatiser les vrais défenseurs des taureaux et de renverser la situation : les méchants ne sont pas ceux qui se régalent des tourments infligés au taureau ni de sa mort souvent donnée maladroitement, mais bien ceux qui braillent leur indignation à l'extérieur des arènes ou ceux, plus culottés encore, qui sautent sur la piste avant le spectacle pour protester et s'installer en cercle afin d'empêcher le carnage. On connaît le résultat, des blessés du côté des manifestants seulement, et des procès qui traînent contre leurs assaillants !
Enfin, l'article rappelle qu'il y a 80 arènes où la corrida se termine par la mise à mort, ce qui prouve que « la tradition reste bien vivante » et réjouit le défenseur de celle-ci.
Nous apprenons encore que « les Français n'ont pas leurs pareils pour organiser des corridas », alors même que l'Espagne semble s'éveiller plus vite que notre vieux Sud à la « conscience morale de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas », comme l'écrit Carl Gustav Jung.
Je termine en rappelant que l'Observatoire national des cultures taurines continue de faire du prosélytisme pour attirer les enfants, ignorant avec l'ensemble des villes taurines, que le Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU a exhorté la France, le Pérou, la Colombie et le Portugal à interdire l'accès des arènes aux mineurs.
La corrida ne fait plus partie de l'inventaire du Patrimoine immatériel de la France auquel elle était inscrite depuis 2011, graĉe à la ténacité du CRAC et de Droit des animaux.
Le déclin de la corrida est amorcé, nous l'espérons tous et poursuivons nos différents combats dans ce but.

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25 août 2016 4 25 /08 /août /2016 10:22
Les observateurs au col d'Organbidexka

Les observateurs au col d'Organbidexka

Avant-hier, avec une amie venue de Belgique, nous sommes montées au col d'Organbidexka (Le petit chemin de la charrette), haut lieu de l'étude, du comptage des oiseaux migrateurs et aussi de leur défense. La journée, très chaude, était superbe. Je crois n'avoir encore jamais vu ou en tous cas jamais remarqué ici une lumière aussi pure qui faisait apparaître le moindre détail, même éloigné. Une vraie journée pour les artistes peintres. Hélas, je ne suis ni artiste ni peintre.

Mon appareil photo m'ayant lâchement abandonnée, c'est Françoise qui s'y est collée.

Gloire aux oiseaux vivants et libres!

Un p'tit  tour sur le petit chemin de la charrette
Un p'tit  tour sur le petit chemin de la charrette
Un p'tit  tour sur le petit chemin de la charrette
Au fond, le village de Larrau

Au fond, le village de Larrau

Un p'tit  tour sur le petit chemin de la charrette
L'historique abri des observateurs

L'historique abri des observateurs

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 09:42
Devant le poste d'observation de l'association "Organbidexka Col Libre". Photo: Françoise Duthu.

Devant le poste d'observation de l'association "Organbidexka Col Libre". Photo: Françoise Duthu.

Sur la route entre Laguinge et Licq en Soule, des inscriptions hostiles à l'ours... notamment "Ours stop !"
J'aurais voulu poser une question simple à l'écrivaillon de service...
- Tu t'adresses aux ours ? Ils n'ont aucun pouvoir de décision. Par ailleurs, ils sont là depuis des milliers d'années et suivent un cycle naturel dont apparemment tu te contrefous... ils ne te répondront pas car ils ont autres choses à faire.
- Tu t'adresses aux pro-ours ? J'en suis, et tant qu'il y aura des ours, je lutterais pour eux et pour qu'ils puissent aller où ils veulent, car ils sont ici chez eux. Donc, moi, j'invite les ours à occuper leur montagne.
Oui car même si ton nom de famille ici commence par Etxe, tu ne fais qu'emprunter cet espace naturel et le partager avec le restant de la nature et tu as comme seule responsabilité de laisser cet espace comme tu l'as trouvé... tu l'as trouvé avec des ours, tu dois le laisser avec des ours...
Et s'il te plaît, si tu pouvais arrêter de penser qu'il est en notre pouvoir d'humain pseudo civilisé de décider quelle espèce doit ou ne doit pas vivre dans cet espace ! Les dieux et les maîtres, dans ce genre, sur la planète, ont fait déjà assez de mal. Nous n'avons pas besoin de ça.

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21 août 2016 7 21 /08 /août /2016 09:48
Trois roses jaunes

Trois roses jaunes

 

 

à maman Céleste Germaine L

 

 

 

Trois roses jaunes

Couvertes d'un duvet de rosée

 

Trois roses jaunes

Cueillies un matin bleu

Où le soleil était roi

 

Trois roses jaunes

Pour toi, pour ta bonté

 

Trois roses jaunes

Un jour de chagrin

Et de larmes

 

Trois roses jaunes

Dans un verre ordinaire

Posé sur une table

 

Trois roses jaunes

Petit autel de la mémoire

Au parfum d'éternité

 

Trois roses jaunes

Rescapées de l'été

Pour rendre grâce

 

Trois roses jaunes

Au parfum de tendresse

S'échappant dans l'azur

 

 

 

Daniel LABEYRIE

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17 août 2016 3 17 /08 /août /2016 14:05
En 2010, Madame Hardouin Fugier en dédicace anti corrida à Saint-Jean-Pied-de-Port. Tableau: Abo.

En 2010, Madame Hardouin Fugier en dédicace anti corrida à Saint-Jean-Pied-de-Port. Tableau: Abo.

Elisabeth Hardouin-Fugier,

"La protection de l'animal sous le nazisme",

Luc Ferry ou le rétablissement de l'ordre,

éditions Tahin Party, 2002, p.129-151.

(Les nombreuses italiques du texte n'ont pas pu être reproduits)

 
LA PROTECTION DE L'ANIMAL SOUS LE NAZISME :
Un recyclage français de la propagande nazie
(autour des ouvrages de Luc Ferry)

Les mânes de Goebbels exultent : au troisième millénaire, il se trouve encore des auteurs pour utiliser sa propagande et, mieux encore, pour la diffuser ! S’engouffrant dans le vide laissé par les historiens du nazisme en matière de protection législative de l’animal, on peut en France, mais aussi en Suisse, en Italie, en Amérique ou en Allemagne, écrire et proclamer haut et fort d’aussi évidentes contrevérités que : « Hitler a supprimé la vivisection », affirmation tout droit venue d’une propagande nazie qu’il convient de démystifier.

Le Nouvel Ordre écologique de Luc Ferry paraît en 1992(1), l’année même du Sommet de la Terre de Rio, qui active les polémiques sur l’écologie. En Suisse, les propos de Luc Ferry sur l’animal arrivent à point nommé pour le referendum concernant « l’abolition de la vivisection, sou-   mise en votation le 7 mars 1993 ». Le Corriere della Sera du 19 octobre 1992, très lu dans le canton italophone du Tessin, expose les conclusions du livre de Ferry, sur les liens supposés entre la protection de l’animal et le nazisme, argument largement repris dans la campagne de presse précédant le vote.

C’est la proclamation d’un ensemble législatif de protection animale par le gouvernement de Hitler, et en particulier la loi du 24 novembre 1933 (Tierschutzgesetz, loi de protection de l’animal), qui incite Ferry à lier au nazisme la compassion envers l’animal. La très courte section I de cette loi (9 lignes en 2 alinéas), intitulée «Tierquälerei», (torture ou tourment infligé(e) à l’animal) apporte d’emblée un nouveau critère d’évaluation de la souffrance animale : « Il est interdit de tourmenter inutilement un animal ou de le maltraiter brutalement(2) » (souligné par nous). Le second alinéa définit « l’utilité » de la maltraitance. La section II (Prescriptions pour la protection de l’animal) est un catalogue de 14 mauvais traitements infligés aux animaux, par exemple le prélèvement des cuisses aux grenouilles vivantes (alinéa 12). La section la plus longue (III, Expérimentationsur animaux vivants), concerne l’une des plus importantes polémiques du XIXe siècle, portant sur la « vivisection ». Les sections IV et V, purement juridiques, précisent les modalités d’application de la loi, que nous désignerons désormais par « loi du 24 nov. 1933 ».

Comment le gouvernement de Hitler s’empare dès 1933 du thème de la protection législative de l’animal en même temps que de l’ensemble des institutions civiles, intellectuelles et culturelles allemandes pour se parer d’un prétendu humanisme, il est aisé de le démontrer (cf. ci-dessous, chapitre I – Notre Führer aime les animaux). Il ne s’agirait là que d’un artifice de propagande parmi beaucoup d’autres, s’il n’avait connu, aujourd’hui, une postérité inattendue. Bien des auteurs français, s’appuyant en particulier sur Des Animaux et des Hommes, publié par Luc Ferry en 1994 en collaboration avec Claudine Germé, prenant pour argent comptant le mythe d’une prétendue zoophilie nazie, se chargent d’amplifier ce dernier et d’en tirer des conclusions : c’est ce que nous verrons dans le chapitre II – Naissance et croissance d’un mythe.

I- «NOTRE FÜHRER AIME LES ANIMAUX »
1- De la théorie à la pratique

Lors de la prise de pouvoir des nazis, l’heure est à la vertu rassurante. Dès le 2 février 1933, Hitler proclame : « puisse le Dieu tout puissant prendre notre travail dans sa grâce, orienter notre volonté, bénir notre intelligence et nous combler de la confiance du peuple, car nous voulons combattre, non pour nous, mais pour l’Allemagne(3) ». Joseph Goebbels, ministre de la propagande, relate dans son Journal comment il entreprend, dès mars 1933, de donner une image positive de l’homme privé Adolf Hitler, jusque-là connu en tant que politicien. Hitler est un être « aussi simple que bon », « qui ne pense qu’à son travail et à ses devoirs », « amical, aimant les enfants. » L’amour de la nature d’une part, très répandu en Allemagne, en particulier auprès des anciens membres des Wandervögel (« Oiseaux migrateurs », mouvement de jeunesse très populaire), l’amour des animaux d’autre part, apparaissent alors comme les caractéristiques de tout homme bon. Dans ses Propos de table, Hitler se proclame « Tierliebhaber » (habituellement traduit par « ami des animaux »)(4), mais, à vrai dire, amateur de chien-loup (berger allemand) exclusivement. Un Führer dérogerait de se laisser photographier, fut-ce par Hofmann (devenu le photographe officiel de Hitler) en compagnie des bichons d’Eva Braun, tout juste bons pour une femme. Dans une série de cartes postales très populaire, le photographe « surprend » Hitler sortant furtivement d’une église, une croix se profilant au-dessus de sa tête découverte, caressant des enfants ou méditant dans la nature en compagnie de sa chienne Blondie.

Les textes de Hitler sur l’animal sont peu nombreux. Dans Mein Kampf, quelques passages servent à justifier, par l’exemple de la nature, la thèse raciste, la sélection naturelle et la violence. Il existe aussi quelques histoires de chiens, au front, par exemple, parfois rapportées par Baldur von Schirach, dont le chien, offert par Hitler, sautait sur quiconque faisait le salut nazi ! On sait aussi, en particulier par Albert Speer, que le Führer ennuyait les hôtes de son chalet d’Obersalzberg par ses interminables tirades sur les chiens-loup. Dans les Propos de table déjà mentionnés, minutieusement consignés pour 1941 et 1942 en près de 500 pages, le mot animal apparaît 18 fois ; outre de rudimentaires justifications du néodarwinisme (« les chats n’ayant pas pitié des souris »), deux passages plus longs (pp. 241-242, 431-432) exposent le végétarisme comme hygiène de vie, puis vient l’inévitable éloge de Blondie.

« Dans le nouveau Reich, il ne doit plus y avoir de place pour la cruauté envers les animaux(5). » Si telle est la théorie, la réalité est tout autre : « bonheur pour Blondie Hitler, malheur pour “Minet” Klemperer, dont le maître est Juif ! » Victor Klemperer, cousin du célèbre chef d’orchestre, survivant en Allemagne comme époux d’une Aryenne, témoigne de ce fait trop peu connu : « Je n’avais plus le droit de verser à la SPA une cotisation pour les chats, parce que, à “l’Institution allemande des chats” (vraiment, c’est ainsi que se nommait désormais le bulletin de la société, devenu organe du Parti) il n’y avait plus de place pour les créatures “perdues pour l’espèce” (Artvergessen) qui vivaient chez les Juifs. Plus tard, on nous a d’ailleurs enlevé, puis tué nos animaux domestiques, chats, chiens et même canaris : loin d’être des cas isolés, des turpitudes sporadiques, il s’agissait d’une intervention officielle et systématique et c’est une des cruautés dont aucun procès de Nuremberg ne rend compte... »(6)

2- La loi de protection animale

Les lois et décrets successifs sur la protection de l’animal font partie de la mise au pas, l’« Indoktrinierung »(7), par le nazisme, de toutes les structures de la société civile, dont le plus célèbre épisode est le bûcher constitué par des livres interdits, dit autodafé. On peut s’étonner que la loi de protection de l’animal du 24 nov. 1933 n’ait jamais été citée par les historiens comme le parfait exemple d’embrigadement par une rela- tive persuasion, du moins dans un premier temps, avant que, le 11 août 1938, les associations de protection animale ne soient unifiées dans une structure nazifiée, dont la branche féline est évoquée ci-dessus par Klemperer.

La loi du 24 nov. 1933 s’insère dans un « torrent législatif », étendu à tous les domaines, qui déferle des administrations nazies dès 1933. Pour les onze mois d’activité du seul cabinet de Hitler, cinq tomes occupent 2839 pages. En avril 1933, le Journal Officiel du Reich, publie près de trente lois sur tous les sujets imaginables. Le juriste allemand Hubert Schorn (8) démontre que la frénésie législative nazie n’est qu’un artifice de la prise du pouvoir politique : ces textes, souvent anodins, parfois valables (classes surchargées, protection maternelle), tiennent le devant d’une scène où il se passe bien autre chose. Schorn situe dès 1934 l’illégalité installée dont un juridisme exacerbé sauve les apparences : Ulrich Linse évoque ce phénomène à propos des lois protégeant une nature dont la destruction est en cours(9) . Dans le domaine de l’animal, les textes sur l’abattage du 21 avril 1933 (4 paragraphes) et la modification du vieux code pénal (16 mai 1933) précèdent (entre autres textes) la loi du 24 nov. 1933, que Luc Ferry présente avec insistance comme une création personnelle de Hitler.  

Il est certain qu’une déclaration de Hitler sur la protection de l’animal aurait été inlassablement citée par la cour de ses flatteurs et obligatoirement posée en référence par les juristes, à commencer par ceux de son cabinet. Ce n’est pas le cas. Le premier commentateur de la première édition de la loi du 24 nov. 1933, dans les Législations du cabinet de Hitler(10) , fournit comme unique « justification » (« Begründung ») la volonté du peuple de protéger l’animal. De même, les thèses juridiques sur la législation animale, écrites sous le nazisme, se bornent à mentionner, et rarement, quelques passages de Mein Kampf pour justifier leur conception du monde. Aucun texte de Hitler sur la protection animale n’y apparaît, en dépit de l’obligatoire et obséquieuse révérence due au Führer, pas plus que dans le très long Kommentar de Giese et Kahler sur la loi du 24 nov. 1933, conçu dans la tradition du droit allemand, épris de justifications. Les discours de Hitler, intégralement publiés, ne semblent pas contenir le mot animal(11). Le sujet de l’animal n’apparaît pas davantage dans les plus importants recueils de sentences et pensées du Führer, publiés par la propagande nazie, couvrant tous les domaines, éthiques, religieux et culturels. Aussi nous est-il permis d’imiter saint Thomas pour ne croire que les documents visibles, en attendant la révélation des invisibles.  

Il n’est pas impossible que Hitler ait approuvé de quelques mots la loi qu’il signe le 24 nov. 1933, mais notre enquête ne peut accorder aucun crédit aux affirmations répétitives de Luc Ferry, toujours dépourvues de références, sur le rôle personnel tenu par Hitler dans la protection de l’animal, telles que :

 

« Hitler […] en faisait une affaire personnelle » ;

 

«… éviter la cruauté envers les animaux. C’est au nom de cette volonté chère au coeur de Hitler lui-même [que sont édictées les lois de protection] » ;

 

«… nul hasard, en ce sens, si c’est au régime nazi et à la volonté personnelle de Hitler que nous devons, aujourd’hui encore, les deux législations les plus élaborées que l’humanité ait connues en matière de protection de la nature et des animaux » ;

 

« Hitler tiendra à suivre personnellement l’élaboration de cette gigantesque loi (plus de 180 pages !) »(12)

 

Par ailleurs, on connaît, par de multiples témoignages, la célèbre horreur du Führer pour l’administration et le travail législatif, parfaitement documentée par Ian Kershaw : « Dans le cadre d’un processus aussi lourd qu’inefficace, il [Hitler] obligeait à faire aller et venir les projets entre les ministères jusqu’à trouver un accord. C’est uniquement à ce stade, et encore sous réserve qu’il en approuvât la teneur qu’on lui avait brièvement résumée, que Hitler signait le texte, généralement sans guère se donner la peine de le lire, et en faisait une loi. »(13)

La loi du 24 nov. 1933 est en réalité le résultat d’une très longue concertation entre protecteurs de l’animal, aboutissant enfin à un texte commun, rédigé vers 1927 sous la direction du juriste Fritz Korn(14). Dès lors, cette proposition est à plusieurs reprises renvoyée en boomerang entre les assemblées régionales et le Parlement du Reich, chacun se déclarant incompétent. En 1933, une fois de plus et semble-t-il très tôt, le projet est envoyé au nouveau gouvernement. Il aboutit dans le cabinet de Hitler. Les commissions juridiques, surchargées d’ouvrage, trouvent le travail « tout prêt dans les tiroirs », selon un témoignage recueilli en 1970 auprès du professeur A. Ketz, qui avait pris part aux travaux préparatoires avant 1933(15). Les juristes nazis utilisent visiblement ce travail législatif, considérable en dépit de sa brièveté, impossible à élaborer dans d’aussi courts délais. Dans la section II (catalogue des interdictions) apparaissent les demandes de nombreux auteurs bien antérieurs. Les nazis saisissent évidemment l’occasion pour centraliser sous leur coupe les associations protectrices de l’animal. Néanmoins, la loi du 24 nov. 1933 réalise enfin l’unification juridique nationale et le regroupement des données en un unique texte de référence, depuis longtemps espéré par les juges. La rédaction en est judicieuse et les sanctions aggravées. La liste des interdictions de la IIe section, désormais pénalisées, est perçue comme une victoire sans précédent. En fait, la jurisprudence des années nazies ne semble guère montrer de changements effectifs dans le traitement des animaux. Cependant, la loi du 24 nov. 1933, claironnée au-delà des frontières, reçoit un accueil favorable en France. Le ministère nazi de la Propagande récupère ce succès international. Certains hauts dignitaires, comme Heinrich Himmler, proclament que cette législation est une preuve du haut degré de civilisation de l’Allemagne nazie. Joseph Goebbels ne semble pas être intervenu personnellement dans la loi du 24 nov. 1933. Cependant, sa ligne de propagande explicitement tracée en 1933 – donner un visage humain au Führer – a été parfaitement suivie. Plus d’un demisiècle plus tard, ce « visage humain » de Hitler s’enrichit encore, grâce à L. Ferry, « d’une volonté d’éviter la cruauté envers les animaux, chère au coeur de Hitler lui-même(16) ». Hermann Göring a fait mieux encore. Son scoop : « les nazis ont supprimé la vivisection », se retrouve dans la France de 1999, sous la plume de Paul Ariès : « Les nazis étaient, eux, antivivisectionnistes (17). »      

II- NAISSANCE ET CROISSANCE D’UN MYTHE
1- Les surprenants artifices de Luc Ferry

Dans son ouvrage de 1994, Des animaux et des Hommes, Luc Ferry publie (p.513) un fragment de l’édition de 1939 du Kommentar (écrit, rappelons-le, par Giese et Kahler) sous forme de traduction des 9 premières lignes (et demi) de la page 19. Ferry intitule cet extrait : « Article 1 de la Loi du 24 novembre 1933 sur la protection des animaux : La cruauté envers les animaux, Berlin, le 24 novembre 1933 ». Luc Ferry appose sous ce fragment les signatures de Hitler, « du ministre de la Justice Dr Gürtner, du ministre de l’Intérieur et du ministre de Tutelle Göring ». Ces signatures ne figurent évidemment pas sous ce fragment du Kommentar écrit par Giese et Khaler. De plus, Göring n’a pas signé la loi du 24 nov. 1933, comme le montre le Journal Officiel allemand du 25 novembre 1933. Par son intitulé et ces signatures, Luc Ferry montre clairement qu’il fait passer le commentaire pour la loi ellemême. Un passage de son livre de 1992(18) reflète la même imprécision, confusion ou artifice. En d’autres termes, L. Ferry confond le commentaire et la loi du 24 nov. 1933 dont il ne cite ni analyse aucun extrait. Certes, un Kommentar explique la loi plus longuement que nos Circulaires d’application, mais ne peut en aucun cas être substitué à la loi du 24 nov. 1933, publiée in extenso dans le Kommentar (pp. 262 à 268). De plus, sur la page 19, citée par L. Ferry, se trouve la référence de la loi au Journal Officiel allemand (RGBl. S. 987) que Ferry n’a pas consulté. Aussi peut-on s’étonner que de nombreuses références au Journal Officiel allemand soient extraites du texte du Kommentar et placées par Ferry en notes de bas de page(19). De prime abord, cette pseudo-érudition impressionne les lecteurs. Moi-même, j’ai été tellement intriguée que j’ai finalement été incitée à me reporter aux Reichsgesetzblatt (J.O. allemand) originaux, tous disponibles à Paris !

On a vu que dès 1992, Ferry attribue à la loi de 1933, qu’il ne connaît pas, « une ampleur à nulle autre pareille »(20). En 1998 et dans une publication de l’UNESCO, il en précise la longueur : « Hitler tiendra à suivre personnellement l’élaboration de cette gigantesque loi (plus de 180 pages !) »(21). La criante invraisemblance de tels renseignements ne décourage pas les plumes des suiveurs(22). Jean-Pierre Digard(23), entre autres, conseille à ses lecteurs de se reporter « aux textes législatifs du IIIe Reich réunis par Ferry et Germé ».

Plus théâtrale encore est la mise en vedette de la signature de Hitler auprès de la (prétendue) loi du 24 nov. 1933 (ou plutôt au lieu de la signature des auteurs du Kommentar !). La signature des lois par Hitler est une réalité juridique consécutive à la prise de pouvoir du 30 janvier 1933, donnant à Hitler un pouvoir législatif encore accru en avril 1933 ; c’est un fait purement politique, qui ne dénote en rien un intérêt particulier du Führer pour l’animal. Cette mise en scène d’une évidence juridique vise évidemment à souder un nom d’horrible mémoire à un texte. Il est à peine croyable que pareil artifice ait pu impressionner quiconque, mais c’est pourtant le cas de Djénane Kareh Tager qui, dans L’Actualité religieuse (15/7/1996, p. 24) écrit : « l’exergue de la loi est signé Adolf Hitler » ; le terme exergue, étranger au vocabulaire législatif, trahit le passage du domaine de la réalité juridique à celui de l’imaginaire.

L'unique référence de Luc Ferry à la prétendue implication personnelle de Hitler en faveur de l’animal est constituée par le texte tardif (1938) ouvrant l’édition de 1939 du Kommentar. Krebs, directeur du regroupement nazi de toutes les associations protectrices de l’animal, le mentionne comme une « instruction de notre Führer » accompagnant la phrase : « dans le nouveau Reich, il ne doit (ou : devra, futur de proximité) plus y avoir la moindre place pour la cruauté envers les animaux ». Partant de cette référence, unique et issue de la propagande nazie, au moment de la confiscation de toutes les associations protectrices, Ferry la transforme en « formule d’Hitler (sic) qui inaugure la Tierschutzgesetz »(24). Selon Le Point(25), la phrase serait tirée d’un « discours d’Hitler (sic) » expression citée sans référence. Selon Ferry, Hitler fait de cette loi une « affaire personnelle » ou encore : « Hitler tiendra à suivre personnellement l’élaboration de cette gigantesque loi (180 pages) »(26). L’imagination de Luc Ferry n’est pas moindre lorsqu’il s’agit de la « vivisection ».

2- L’animal dans l’univers nazi

Dès la fin août 1933, Hermann Göring lance le scoop d’une prétendue suppression de la vivisection, bientôt confirmée par la circulaire provisoire du 13 septembre 1933, valable quelques semaines, jusqu’à la promulgation de la loi du 24 nov. 1933, dont elle préfigure la IIIe section. On y supprime le mot, (vivisection) mais non la chose (expérimentation sur l’animal vivant). Le scoop « La vivisection est supprimée en Allemagne » est habilement présenté comme un texte législatif, ou du moins officiel, assorti de terribles peines pour les contrevenants, passibles du camp de concentration – sanction qui a sans doute permis la fermeture de certains laboratoires et la suppression des remuantes associations opposées à la vivisection et portant ce nom. La nouvelle fait aussitôt le tour du monde, relayée par le réseau radiophonique allemand très développé en Amérique, et par les associations protectrices. Dans les faits, la loi du 24 nov. 1933 reprend bien des dispositions antérieures : une habilitation pour les chercheurs surveillant étroitement l’expérimentation, l’emploi recommandé de l’anesthésie si possible, la mise à mort rapide des animaux expérimentés, la limitation des expériences à but pédagogique, la publication des résultats réservée aux seules revues scientifiques, etc. Luc Ferry juge la sollicitude nazie envers l’animal de laboratoire « en avance de cinquante ans (et même plus) sur son temps ». C’est « en retard de 57 ans » qu’il faut écrire, puisque la première réglementation, anglaise, date de 1876, suivie par deux actes prussiens des 22 fév. 1885 et 20 avr. 1930, et de bien d’autres législations de pays européens. Luc Ferry se montre plus prudemment allusif au sujet de l’accusation dénonçant les protecteurs de l’animal qui auraient prôné le remplacement des animaux de laboratoire par des hommes, en particulier dans les camps de concentration. Il se contente d’écrire « l’alliance de la zoophilie la plus sincère n’en est pas restée aux paroles, mais s’est incarnée dans les faits(27)», et réserve à ses nombreux interviews la clef de cette ultime et terrifiante conséquence de la protection de l’animal. La lecture des Procès de Nuremberg, en particulier ceux des médecins, relatés par F. Bayle, ruine cette abominable allusion : on y repère au moins trois laboratoires d’animaux établis dans des camps de concentration et une cinquantaine de témoignages montrant que de multiples expériences sur l’animal, souvent publiées, ont précédé les affreuses expériences sur des « sujets humains »(28).

Ferry croit voir dans la loi de 1933 la fin de l’anthropocentrisme : « Ce n’est pas l’intérêt de l’homme qui serait ici l’arrière-fond : il est reconnu que l’animal doit être protégé en tant que tel (wegen seiner selbst) ». Cette dernière formule est en effet utilisée par le Kommentar. Il est vrai que la loi de 1933 provient de protecteurs soucieux d’ouvrir une brèche dans l’ancienne conception, la seule acceptable et acceptée au début du XIXe siècle, qui vise seulement à limiter les répercussions de la maltraitance de l’animal sur la moralité humaine. Pourtant, et de façon contradictoire, le Kommentar met immédiatement (p. 15) en garde son lecteur : la loi du national-socialisme assurant une protection plus efficace de l’animal qu’auparavant « pose la question de savoir si l’animal pourrait être considéré comme susceptible d’avoir une personnalité juridique qui lui vaudrait une prétention subjective à la protection... À cette question, il faut répondre par non, le porteur de droit ne peut qu’être l’homme seul ou bien la communauté humaine, et non pas un animal (souligné par nous)... L’animal sera, juridiquement parlant, considéré comme une chose (als Sache gewertet) ». Le dommage atteignant un animal appartenant à un tiers ne peut être pris en compte qu’en considération du § 303 du code pénal, dans la mesure où l’acte ne constituerait pas aussi un acte de torture. C’est dire que l’animal continue à être considéré comme n’importe quel autre bien. Cette idée est développée ou exprimée ensuite par des juristes nazis, démontrant la soumission juridique de l’animal à l’homme (évidemment aryen !). Il suffit ici de citer la thèse d’Albert Lorz(29) devenu le spécialiste des manuels de la législation animale allemande jusqu’à nos jours. Lorz écrit que c’est un point tout à fait élémentaire de la morale, que l’homme puisse user et abuser de l’animal à ses propres fins. Pour une traduction plus exacte, il faudrait utiliser l’expression consacrée par le droit de la propriété : user et abuser, exprimée par deux paires de verbes allemands, benutzen und abnutzen, brauchen und verbrauchen, les second termes marquant une dégradation supplémentaire allant jusqu’à l’anéantissement de « l’objet », c’est-à-dire la mort de l’animal, mais paradoxalement en excluant « missbrauchen » (maltraiter). Cette conception de l’animal comme simple objet de propriété reste proche du droit romain ; elle inviterait, dans une plus longue discussion, à nuancer une trop simpliste opposition entre une tradition nordique prétendue favorable à l’animal et une zone aussi ensoleillée que prétendue cartésienne, exaltant l’homme.

Quant à la prétention nazie de protéger tous les animaux, y compris les sauvages, dans laquelle Luc Ferry voit un danger pour l’humanisme et l’humanité, c’est une fanfaronnade de la loi du 24 nov. 1933, qui ne concerne, dans la pratique et même dans son expression, que les seuls animaux domestiques, à l’exception toutefois des poissons et des grenouilles. Un simple coup d’oeil sur la liste des « nuisibles » chassables en toutes circonstances ou sur les « plus basses espèces » à privilégier dans l’expérimentation animale, suffit à démentir la prétendue égalité nazie de tous les animaux.

Dès le début du texte de 1933, on a vu que le critère de la souffrance acceptable par la loi est l’utilité. Cette subjectivité, autrement dit l’intérêt de l’homme, autorise de facto l’expérimentation sur l’animal qui, sans cette clause, n’aurait pu faire l’objet de la IIIe section de la loi du 24 nov. 1933. Ce critère de l’utilité achève de démoder et remplace le concept de « publicité » du vieux code pénal : une cruauté exercée sur un animal était répréhensible dans le seul cas où elle était perpétrée en public, car elle est alors censée blesser la sensibilité des témoins. Pour tourmenter un animal sans être sanctionné, il suffisait de se cacher.

La suppression d’un tel critère reste une victoire pratique de la protection animale, mais non pas une victoire théorique. En effet, le critère d’utilité de la souffrance infligée est établi en fonction de l’homme et fort rarement de l’animal (par exemple un soin vétérinaire), et la loi du 24 nov. 1933 n’est en réalité qu’une facette nouvelle de l’anthropocentrisme. Au critère de la publicité, qui, du moins, reflétait une certaine sensibilité ainsi que le poids accordé à l’opinion publique, est substitué celui d’une évaluation tout aussi arbitraire : qui jugera si le bloc de pierre imposé au cheval de carrière est trop lourd ou si la corrida est indispensable à la santé mentale de ses spectateurs ? Quels sont les critères de l’utilité ? Loin d’être assassiné par les nazis, comme le proclame Ferry, l’anthropocentrisme tire une reconnaissance officielle de la législation du 24 nov. 1933 ; désormais, ce qui est utile pour l’homme prime tout. C’est d’ailleurs à ce parti juridique que se rattache pleinement Luc Ferry lui-même, à son insu, puisqu’il recommande, en 1998, d’éviter des « souffrances inutiles »(30) à l’animal !

3. Les suiveurs de Luc Ferry

Dès la publication du Nouvel Ordre écologique, de nombreux auteurs répercutent les affirmations de Ferry, en général sans citer leur source. François Reynaert renforce le vocabulaire de Ferry en écrivant dans le Nouvel Observateur que le Führer a « exigé » la loi de protection animale(31). Dans sa thèse juridique, soutenue à l’Université de Nantes, Martine Leguille-Balloy va jusqu’à écrire : « Ne faudrait-il pas se remémorer que Hitler fut le plus grand protagoniste de la protection animale dans notre siècle ? »(32). En 1993, Janine Chanteur reprend l’argument de Ferry pour nourrir sa défense de l’anthropocentrisme : « L’inclinaison [du national-socialisme] à reconnaître un droit aux animaux plutôt qu’aux hommes» (souligné par nous) exprime un renversement de situation menaçant. L’auteur ne pose même pas la question de la vraisemblance de son affirmation ; elle l’admet comme une évidence que Jean-Pierre Digard formule, plus nettement encore, en ces termes : « Avec Hitler, souvent photographié en compagnie de ses bergers allemands favoris, et la législation du IIIe Reich, qui fut plus favorable qu’aucune autre aux animaux, nous quittons la fiction pour l’histoire » (souligné par nous). D’autres auteurs, en particulier catholiques(33), mettent en garde contre une législation protectrice de l’animal, au nom de la même contrevérité ; pas plus que Luc Ferry, ils ne sont conscients que le Catéchisme de l’Église catholique (§ 2418) reprend à son compte le critère de la loi du 24 nov. 1933 de l’« utilité » de la souffrance infligée à l’animal, et lui donne une large extension.

La boursouflure typique du mythe, présente chez Ferry (une loi de 180 pages, une bibliographie sur l’animal de 600 pages(34)!) s’amplifie diversement chez ses imitateurs. Janine Chanteur(35) l’étend à la mémoire collective par la formule : « on se rappelle » signifiant que le fait cité (« l’inclinaison... du national-socialisme à reconnaître un droit aux animaux plutôt qu’aux hommes ») est inscrit dans une mémoire collective, qu’il est une partie intégrante d’un lot de connaissances reconnu par tous, admis comme une évidence sans démonstration, donc devenu un axiome. L’amplification des arguments avancés peut atteindre l’absurde. On lit, par exemple : « Les législations de 1933 et 1934 en Allemagne nazie étaient les premières dispositions légales de défense du droit des animaux et de la protection de la nature » ; mieux encore : « Le national-socialisme – le premier régime au monde à avoir codifié la protection des animaux et de la nature » (souligné par nous). On pourrait croire ces affirmations sorties du ministère de Goebbels, mais, en réalité, ces lignes proviennent d’articles donnés pour informatifs, publiés en 1999 dans la presse française de grande diffusion, par une journaliste et par l’un des généticiens français censé faire autorité en matière d’éthique(36).

Dans ce trop court essai, nous avons tenté de jalonner les étapes d’un tortueux périple de désinformation. Parti d’une base factice, la propagande nazie, appuyée sur des confusions fondamentales et sur des affirmations sans fondement, l’argumentation, au fil des répétitions, accueille avec empressement des enflures mythiques, des données « plus grosses que nature ». Le discours devient un stéréotype, expulsé du domaine rationnel en tant qu’axiome, dont il est, par définition, inutile de vérifier la validité. Il reste à s’interroger sur les motifs qui incitent à diaboliser la démarche protectrice de l’animal, par contamination avec un personnage hors norme, Hitler. Il nous suffit aujourd’hui de constater que la majorité de ces auteurs, universitaires de haut rang, juristes, philosophes, religieux catholiques, scientifiques, journalistes d’importants quotidiens, professionnels de la réflexion et de l’information, emboîtent, sans la moindre hésitation, le pas cadencé d’une désinformation qui pourrait devenir un cas d’école.

 


 

(1) Luc Ferry, Le Nouvel Ordre écologique, l’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Bernard Grasset, 1992 (désormais abrégé en : Ferry 1992).

(2) Texte officiel dans le Reichsgesetzblatt, Journal Officiel du Reich, n°132, du 25 novembre 1933, pp. 987-988, une colonne p. 989. Traduction du Bulletin juridique du Comité International, BJCI, 1933, pp. 33-37. La traduction de Tierquälerei peut paraître faible, l’usage le plus répandu, y compris dans les dictionnaires réputés, étant de traduire Quälerei par torture.

(3) Discours radiodiffusé de Hitler, 1/2/1933, cité par Alfred Grosser, Hitler, la presse et la naissance d’une dictature, Paris, Armand Colin, 1959, p. 134.

(4) Henry Picker, Hitlers Tischgespräche in Führerhauptquartier, 1941-1942 (Propos de table dans le Quartier général du Führer, 1941-1942), Stuttgart, Seewald Verlag, 1976, 3e édition, annotée, p. 92. La traduction : « amateur d’animal » est aussi proposée.

(5) « Avant-propos » in Cl. Giese et W. Kahler, Das deutsche Tierschutzrecht, Berlin, Freiburg, Otto Walter, 1939 (désormais abrégé par nous en Kommentar), cité par Luc Ferry et Claudine Germé, Des Animaux et des Hommes, Paris, Librairie Générale française, 1994, en particulier pp. 506, 507, 513, 514 (désormais abrégé en : Ferry 1994). Autre écrit de Luc Ferry qui sera désormais cité en abrégé : « L’Europe des nations face aux droits des animaux », dans L’Éthique du vivant, Denis Noble et Jean-Didier Vincent (dir.), UNESCO, 1998, abrégé en : Ferry 1998.

(6) Victor Klemperer, La Langue du IIIe Reich, Paris, Albin Michel, 1996, Leipzig, 1975, p. 140.

(7) On trouve plus souvent : « Gleichschaltung ».

(8) Hubert Schorn, Die Gesetzgebung des National Sozialismus als Mittel des Machtpolitik, Frankfurt aM., Vittorio Klostermann, 1963, p. 19.

(9) Ulrich Linse, Ökopax und Anarchie, Deutsche Taschenbuch Verlag, 1986, p. 50.

(10) Werner Hoche, Die Gesetzgebung..., op. cit., Heft I, p. 702, 712 ; commentaires reproduits dans le Deutscher Reichsanzeiger und Preussischer Staatsanzeiger n° 281, 1/12/1933, puis dans les introductions successives de Giese, Reichsgesetzblatt, Teil I, 25/11/1933, n°132, p. 989.

(11) Max Domarus, Hitler Reden und Proklamationen, 1932-1945, Neustadt Schmid, 1962.

(12) Ferry 1992, p. 182 ; 1992, p. 206 et 1994, p. 514 ; 1992, p. 29 ; 1998, p. 73, dans l’ordre des citations. Ce type de déclaration est souvent repris, avec des variantes, par exemple dans Le Point, « Les animaux ont-ils des droits », 1/4/1995, pp. 85-90.

(13) Ian Kershaw, Hitler, essai sur le charisme en politique, Paris, Gallimard essais, 1995, p. 753.

(14) Fritz Korn. Die strafrechtliche Behandlung der Tierquälerei, Meissen, Bohlmann, 1928, et « Die Tierquälerei in der Rechtsprechung », in Archiv für Rechtspflege in Sachsen, VI, 1929, pp. 331-340 ; également F. Korn, Kommentar zum Reichs-Tierschutzgesetz vom 24 November 1933, Meissen, Matthaüs Hohlmann, sans date (semble dater des premiers mois de 1934).

(15) Barbara Schröder, Das Tierschutzgesetz vom 24.11.1933 zur Dokumentation der Vorgeschichte und der Änderungsvorschläge, Inaugural Dissertation zur Erlangung des Grades eines Doktors der Veterinärmedizin an der Freien Universität Berlin, 1970. pp. 9 à 11.

(16) 1992, p. 206.

(17) Golias, nov.-déc. 1996, « Les amis des bêtes », p. 36.

(18) Ferry, 1992 : « On y trouve rassemblées, en quelque trois cents pages serrées, toutes les dispositions juridiques relatives à la nouvelle législation, ainsi qu’une introduction exposant les motifs “philosophiques” et politiques d’un projet dont l’ampleur, en effet, n’est alors à nulle autre pareille » (p. 181). « [Les trois lois] portent, hors celle du Chancelier, les signatures des principaux ministres concernés : Goring, Gürtner, Darré, Frick et Rust » (p. 182).

(19) Ferry 1994, 6 références page 512.

(20) 1992, pp. 181-182.

(21) 1998, p. 73. Rappelons qu’elle tient sur 2 pages 1/3 au J.O. allemand.

(22) Jean-François Six, « Existe-t-il un droit de l’animal ? », dans Pour une éthique du transport et de l’abattage des animaux de boucherie, 24/10/1995, Paris, INRA, Interbev, pp. 3-44 ; « L’animal est-il un sujet de droit ? », dans L’Homme et l’animal, un débat de société, Paris, INRA éditions, 1999, pp. 41-59.

(23) Jean-Pierre Digard, Les Français et leurs animaux, Paris, Fayard, note 73, p. 247. « Le national-socialisme allemand, qui eut la législation la plus favorable aux animaux », affirme-t-il également dans « La compagnie de l’animal », dans Boris Cyrulnik (dir.), Si les lions pouvaient parler, Paris, Gallimard Folio, p. 1054.

(24) 1992, p. 183.

(25) Le Point, 1/4/1995, p. 89.

(26) Respectivement : 1992, p. 182 et 1998, p. 73.

(27) 1992, p. 184.

(28) Élisabeth Hardouin-Fugier, « L’Animal de laboratoire sous le nazisme », C.D. rom, Recueil Dalloz 19/2002 et site internet Dalloz ; François Bayle, Croix gammée contre caducée, les expériences humaines en Allemagne pendant la Deuxième guerre mondiale, L’auteur, 1950.

(29) Albert Lorz, Die Tiermisshandlung in Reichstierschutzgesetz, Günsburg, Karl Mayer 1936, p. 39.

(30)1998, p. 75.

(31) Le Nouvel Observateur, n° 1460, 1992, p. 18.

(32) Évolution de la réglementation de protection des animaux dans les élevages en Europe, 2 avril 1999.

(33) Parmi les auteurs soulignant le prétendu lien entre nazisme et protection de l’animal : Jean-François Six, op. cit., 1995, pp. 3-44 ; L’homme et l’animal, un débat de société, 1999, pp. 41-59 ; Jean-Pierre Digard, op. cit., 1999, p. 215 ; René Coste, Dieu et l’écologie, éditions ouvrières, Paris, 1994, p. 33.

(34) 1992, p. 80, note 9.

(35) Janine Chanteur. Du Droit des bêtes à disposer d’elles-mêmes, Paris, le Seuil, 1993, p. 11.

(36) Sophie Gherardi « La Deep Ecology comme anti-humanisme », Le Monde des Débats, mai 1999, p. 15 ; Axel Kahn, « Haro sur l’humanisme », L’Humanité, jeudi 30 déc. 1999, pp. 12-13.

 

 

 

 

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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 17:54
Photo  Jean Etchevers 1973 In "La route des crêtes de Saint-Jean-Pied-dePort à Roncevaux".

Photo Jean Etchevers 1973 In "La route des crêtes de Saint-Jean-Pied-dePort à Roncevaux".

Le châtaignier ci-dessus, de 8 mètres de circonférence, est situé  à la sortie de Donibane Garazi ( Saint-Jean-Pied-de-Port), sur la route nommée "voie romaine" décrite sous le nom de "voie romaine de Bordeaux à Astorga" dans l'itinéraire d'Antonin. Cette route est également nommée "route des crêtes" "route des portes de Cize", "route de Saint-Jacques de Compostelle" "route Napoléon" ou parfois "route du Maréchal Harispe".

L'arbre est situé à un carrefour. A droite, c'est la route des crêtes. A gauche, la route qui vient d'Eihelarre (Saint-Michel) par Ithalatze. Certains le nomment "Châtaignier du maréchal Harispe", allusion aux campagnes Napoléoniennes. Pas très loin de là, à côyé de la maison Etxebestea se dressait il y a encore un peu plus de cinquante ans le "Chêne de Soult". Le maréchal, dit-on se reposa à son pied au moment de la retraite. Renversé par une tempête, le chêne majestueux offrit aux hommes, pas forcément reconnaissants,  plus de 50 stères de bois. Notre châtaignier, lui, est là depuis longtemps, si longtemps--- Depuis Henri IV, cela semble acquis. Depuis Saint-Louis, c'est ce qui se dit parfois. Rêvons. Quoiqu'il en soit, nous, amis de l'association "Altxor eta Gaztain", depuis que nous conduisons et amenons les deux pottoks à Aintzile (Aincille) ou d'Aincille chaque année, nous prenons la pose sous son ombrage, en le remerciant d'être encore là.

Pourquoi doncnous rapporte-t-elle tout cela, vous demandez-vous?

Et bien, disons (j'en ai déjà parlé dans ce blog) que la manie des écobuages, des feux de montagne terriblement destructeurs à force, de la couche arable du sol et bien évidemment, de la faune, de la flore, des quelques arbres qui luttent pour survivre, des humains aussi parfois ( on se souvient du drame d'Esterenzubi) me met la colère, une colère de plus en plus forte.

Regardez la photo ci-dessous : souvent le feu est même mis sous une clôture, noircissant les piquets qui ne résistent pas longtemps. Là, c'est un poteau qui est attaqué, un poteau de ligne téléphonique et un exemple parmi tant et tant. J'ai pris cette photo au col de Gamia le 11 avril 2014.

 

Raccourci écolo-historique (ou le contraire)

Et figurez-vous que mon parrain préféré m'envoie le document ci-dessous.

Vous savez quoi? Je me demande si je ne vais pas commencer à le trouver sympathique,moi, Napoléon!

Raccourci écolo-historique (ou le contraire)
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5 août 2016 5 05 /08 /août /2016 17:37
Les deux derniers compagnons à quatre pattes de Gilles, sur cette Terre.

Les deux derniers compagnons à quatre pattes de Gilles, sur cette Terre.

Voici  quelques morceaux choisis de réponses  à une interview de Gilles Marchal, en 1974, par le journal "Quinze ans".  Ha ha! Même pas 17 ans, s'esclaffe le fan club d'Arthur---Rimbaud, évidemment!

Bon, ce sont bien des morceaux choisis. Si vous êtes gentils avec moi et surtout si vous avez envie de savoir, je vous dirai plus tard pourquoi j'ai trié, et même plus, je vous livrerai le reste en pâture. Si!

 

"Mon amour de la nature me vient sans aucun doute de mon enfance, des années extraordinaires que je souhaite à tout le monde.

Imagine! J'avais le plus grand jardin du monde. Mon père était ingénieur des Eaux et Forêts en Côte d'Ivoire. Nous vivions dans un tout petit bled avec juste deux familles européennes. J'étais parfaitement libre avec pour copains tous les animaux du coin: araignées, tortues, serpents, fauves. Un monde à la Saint-Exupéry---

Je n'ai pas eu trop de mal à retrouver un pays organisé comme la France. Mon frère et moi avions rapporté pas mal de bestioles et à Villeneuve sur Lot, on n'est pas trop loin de la nature.

--- La chasse, ça me dégoûte tellement que je ne porte plus de vêtements en peau.

---Mon souhait le plus cher? Pouvoir acheter une ferme et du terrain où j'installerai des tas d'animaux récupérés pour qu'ils se sentent heureux et libres. Je voudrais aussi créer des réserves de poissons."

 

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3 août 2016 3 03 /08 /août /2016 09:39
Téléphonie mobile, une vraie fausse bonne idée?

Le titre du "post" est de la blogueuse.

Une contribution de Laurent Caudine

Ce texte est paru dans la revue basque "Hau". Voir lien tout en bas.

 

« Je suis d´un autre pays que le vôtre, d´un autre quartier, d´une autre solitude.
Je m´invente aujourd´hui des chemins de traverse. Je ne suis plus de chez vous. J´attends des mutants. »

 

Léo ferré « La solitude »

 

 

TÉLÉPHONIE MOBILE ET COLONISATION DES ESPRITS

 

Cette époque

 

Il y a quelques années, cela ne fait pas si longtemps, du côté du Somport, une lutte contre un tunnel, en vallée du Louron ; une bataille contre une ligne Très Haute Tension et ici en Soule, un combat contre un gazoduc. Il y a un peu plus de vingt ans, il n’y a pas si longtemps et pourtant, il y a mille ans. Il y a mille ans, parce que dans le contexte de l’économie actuelle tout est vieux très vite, tout s’oublie et on parle de traditions, maintenant, pour des pratiques qui ont seulement vingt ans d’âge. Nous sommes enkystés dans un temps économique qui appauvrit et assèche un autre temps lié aux valeurs de la nature, de la culture et de l’humanité.

 

A cette époque si extraordinairement lointaine, donc, pas d’ordinateur ou presque, pas de portable, pas d’internet… on envoie des fax pour prévenir la presse d’un blocage de chantier, on écoute la radio pour avoir les nouvelles du front, on publie des gazettes d’information, on rédige des tracts pratiquement à la main. J’ai un peu plus de 20 ans. François Mitterrand est président de la République. On parle de l’ALENA, (Un genre de TAFTA avant l’heure) cet accord qui lie le Canada les Etats-Unis et le Mexique et instaure une zone de libre échange entre ces pays et dont je découvrirai les secrets un peu plus tard en lisant les communiqués de l’EZLN (Armée Zapatiste de Iibération nationale au Mexique).

 

A cette époque et déjà avant, on raille ces écolos qui critiquent la bagnole. Comment peut-on critiquer la bagnole ? Comment peut-on remettre en question une si merveilleuse invention qui, paraît-il, nous a fait « gagner notre liberté ». Rien que ça. A 20 ans je m’étonne que le monde soit tel qu’il est, c’est-à-dire, une sorte de grosse machine que l’on dit démocratique mais qui n’est pour moi qu’un monolithe façon mille-feuilles, un ensemble culturel et social qui ne laisse aucune place au doute. « Il faut accepter l’idée que négation ne signifie pas néant, et que lorsque le miroir ne nous renvoie pas notre image, cela ne prouve pas qu’il n’y ait rien à regarder » nous dit Pierre Clastres dans son livre « La société contre l’Etat ». Malheureusement, Narcisse, épaté, se regarde dans l’eau de la fontaine. Ce système est le bon puisque l’on vit dedans, que l’on ne voit plus que lui et que l’on ne voit plus que soi-même. Aujourd’hui, l’humain est un Narcisse. Il se regarde et ne regarde autour de lui, de plus en plus, que ce qui procède de sa « création » et rejette tout ce qui n’entre pas dans le cadre de cette création. En démiurge plénipotentiaire, il veut décider de manière autoritaire de l’avenir, du présent et même parfois du passé. Il impose un monde à notre regard comme le fait n’importe quelle religion. Mais là, pas de refuge dans un quelconque laïcisme. Aucun athéisme n’est reconnu, aucune apostasie n’est possible. C’est ce système ou la mort (ou éventuellement l’alcoolisme qui est une autre manière de mourir). Les indiens, les artistes, les poètes et tous les « sauvages » dans notre monde (animaux / humains / végétaux) l’ont appris à leurs dépens.

 

A cette époque, je ne sais pas encore que Bernard Charbonneau  a écrit L’Hommauto. Déjà, en 1967, une critique acerbe de la bagnole. Dans ce livre, Bernard Charbonneau nous explique comment, petit à petit, nous en sommes venus à penser la société de, par et pour l’automobile. Nous ne pouvons plus penser autrement  car, en un rien de temps, nous nous sommes adaptés à elle et nous sommes devenus automobile. Dans un coin de notre cerveau, il y un parking occupé à jamais et quand je parle d’occupation, je parle d’occupation et même de colonisation.

Il y a quelque temps de cela, je regardais le parking d’un hypermarché. J’observais les bagnoles rangées les unes à côté des autres. Tout à coup, j’eus l’impression qu’elles discutaient entre elles. Elles faisaient brusquement partie d’un monde qu’on ne contrôlait pas. Elles prenaient plus d’espace que le supermarché lui-même. Elles étaient portées jusque-là par des artères d’asphalte, pour alimenter la grande surface, elle-même un genre de coeur artificiel. Elles nous regardaient et riaient de nous. D’un rire sarcastique, elles semblaient nous remercier de fabriquer un monde pour elles, dans lequel elles étaient les reines et nous de tourner autour en ignorant que ce monde nous observait et que d’une certaine manière, c’étaient elles et elles seules qui profitaient du progrès technique.

 

A cette époque, je ne sais pas encore que Jacques Ellul avait publié en 1988 un essai qui s’appelait Le bluff technologique et quelques autres ouvrages concernant notre rapport à la technique. J’ai 20 ans et je ne sais pas grand-chose. Malgré cela, j’irai tout de même promener mon inculture dans les isoloirs des messes électorales. Et comme me dira un ancien instituteur de l’école primaire, me voyant sortir d’un bureau de vote : « voilà, Laurent, c’est comme ça qu’il faut s’exprimer »… sous-entendu, ce n’est pas en faisant le zouave du côté de Bosmendieta à Larrau, en bloquant des machines qui oeuvrent pour un projet dit « d’utilité publique ». On tolère tout à fait l’allégeance aveugle à un système et à ses friandises industrielles que l’on gobe sans réfléchir, mais on ne s’étonne pas qu’un inculte passe la porte d’un isoloir pour mettre un bulletin dans l’urne. L’urne et le bénitier… « a voté », au nom du père, du fils et du simple d’esprit… la mairie et l’église… il y aurait peut-être un parallèle à faire entre le taux d’abstention qui augmente et les églises qui se vident. L’urne et le bénitier comme deux frères en perdition. Perdition sur laquelle repose pourtant, selon moi, l’espoir de repenser le monde au-delà des habitudes institutionnalisées.

 

On peut remonter un peu plus loin. Né en 1970 je ne suis pour rien dans la construction de la première centrale nucléaire en France qui commencera sa production à Chinon en 1963. J’ai le droit de vote 18 ans plus tard, en 1988, c’est-à-dire exactement 2 ans après le drame de Tchernobyl. Et là, j’ai envie de demander autour de moi, aux plus anciens, comment ils ont éprouvé ces passages ; la bagnole, le nucléaire, la valeur travail, les hypermarchés… leur a-t-on réellement laissé le choix du système dans lequel nous vivons actuellement et ont-ils été réellement partie prenante et de quelles manières ? Je regarde autour de moi, dubitatif, un mode de vie que je n’ai pas choisi, auquel j’ai la sensation de n’avoir aucune prise. Un monde dans lequel il faut néanmoins vivre et pour lequel je me sens parfois tellement étranger.

Et moi, comment ai-je éprouvé ces passages, comment les ai-je vécus ?

 

 

 

Combien de milliers d’années de forêts libres et sauvages ?

 

Pour autant, hier, aujourd’hui, rien n’est à même de faire plier ce sentiment que je suis avant tout un être de la nature, un de ces animaux sauvages qui gênent tellement la société policée, l’humanité organisée. Proche de l’animal, je reconnais en moi cet instinct - celui-ci ne faisant point l’inhumanité quoi qu’on en dise - qui remonte au début de la vie, des premières bactéries jusqu’aux formes complexes d’aujourd’hui. Combien de milliers d’années de forêts libres et sauvages pour obtenir la couche de terre arable sur laquelle nous faisons paître nos animaux et sur laquelle nous plantons nos légumes et nos céréales ? Combien de millions d’années pour que le monde façonne les couleurs de la petite libellule bleue, pour voir se former les dessins du Papillon vitrail ? Quelque chose de la nature, que je reconnais, qui me reconnaît et à quoi je souhaite accorder ma confiance continue de guider mon existence. Trop proche de l’instinct pour bien « réussir », mais bien assez pour me méfier de tout ce que le système peut engendrer dans nos vies en matière de gadgets superflus et de modes de vie qui - quoi qu’on en dise - sont provisoires.

 

Et enfin… le téléphone portable

 

Depuis quelques années le téléphone portable est arrivé dans nos vies. En France, le premier « mobile » est apparu en 1992. Et aujourd’hui, il semble devenir la norme. A telle enseigne que, à l’image de la bagnole, il nous transforme. Et pour la première fois, j’ai l’impression de vivre en direct les changements de comportement que cette technologie provoque et d’être en capacité de les analyser.

Moi qui suis friand de tout cela, finalement, drogué que je suis moi-même à la société de consommation, j’aurais dû m’emparer de cet instrument incroyable. Moi qui ai tellement aimé Star Trek, la série de science-fiction que je regardais quand j’étais enfant, j’aurais pu me prendre pour le capitaine Kirk. J’avais là la chance inespérée de croire que ma bagnole était le fameux vaisseau intergalactique, l’Interprise, que j’étais le capitaine Kirk avec son communicateur en main et que j’allais être un explorateur du monde contemporain. Eh bien non ! Au fond de moi, à l’écoute de mon instinct, à l’écoute d’une voix qui a porté l’humanité jusqu’à nous depuis des millions d’années, je résiste. Ou disons, pour être plus modeste, quelque chose clignote quelque part en moi. Quelque chose, qui se revendique des arbres, des hommes préhistoriques, des étoiles, de ce qui a amené jusqu’à nous, patiemment, le fonctionnement de l’œil, le cœur, la respiration, la circulation sanguine, le vol de l’hirondelle, le bec du pygargue, la photosynthèse, la chimie du cerveau et du corps humain en général ; quelque chose au fond de moi me dit de m’arrêter, d’observer, de m’observer. Et je me retrouve dans une situation inédite de ma vie où je regarde autour de moi cette pression technologique qui m’encercle et qui m’attire dans son vortex pour imprimer en moi ces nouvelles habitudes culturelles, ces nouveaux gestes au nom de la religion « progrès ». Et moi qui n’ai jamais aimé l’obéissance, percevant tout ce qu’il y a d’autoritaire dans les technologies, je regarde cela en essayant de faire preuve de lucidité. Quand je parle de  lucidité, je parle de celle du monde sauvage qui, comme je le disais tout à l’heure, a mis des millions d’années à parvenir jusqu’à nous et dont quelques particules magiciennes continuent de m’habiter, en dépit des miettes de ce temps mécanique et prétentieux qui correspond à la période industrielle que nous vivons actuellement.

 

Dans ma tour de vigie, j’observe…

 

Soyons clair, peu ou prou, je suis comme tout le monde, contaminé et colonisé. Je me définis moi-même comme un homme drogué à un modèle de société qui ne sait pas poser ses propres limites. Je sais que j’ai du mal à poser moi-même les miennes. L’auto-limitation est un exercice tellement difficile dans une société qui apprend tôt à l’enfant un certain aspect de la richesse, une certaine théorie du bonheur associée à des valeurs de consommation, d’accumulation, de complexification.

Je pense et j’écris là comme un pauvre humain embrigadé, d’une part et acculé d’autre part. Mais j’écris comme un être insécable. Je suis conscient que « je » est en grande partie cette fabrication que les aléas de l’histoire ont conduit jusqu’ici. Je voudrais pourtant que mon « je » n’en démorde pas et c’est pour cela que parfois, « je » s’essaie à retrouver en lui-même la nature de son exactitude (ou l’exactitude de sa nature), au travers de l’art, de la nature, de la culture. Il s’agit là d’une propension naturelle de l’être qui s’obstine à aller en quête de soi. « Je est un autre », disait Arthur Rimbaud. Mais qu’importe. Qu’importe aussi que l’autre soit aussi un je, si cela est le fruit d’un syncrétisme. Tout comme il ne faudrait pas avoir peur de rejoindre le néant, s’il était notre vraie nature. Il est encore temps de parler de Narcisse et de casser le miroir.

Mais revenons au mobile. Ce n’est qu’un exemple totalement subjectif. Ce que j’exprime correspond à mon parcours individuel. Je connais des gens qui n’ont pas de voiture, d’autres qui n’ont pas de télévision, d’autres qui n’ont pas d’ordinateur pour diverses raisons. Personnellement, je n’ai pas de téléphone portable. Au travers du mobile, c’est l’ensemble du processus technologique qu’il est question, celui qui nous dévisse de nous-mêmes pour nous inciter à être un valet de l’ensemble du système. Une bonne partie du progrès technologique n’est pas une demande du peuple. C’est un processus généré par le marché qui oriente tous nos faits et gestes et qui nous conduit, en général, à nous lever le matin pour des raisons extrêmement discutables. Alors depuis quelques années, je pratique un exercice intéressant d’observation. Pour la première fois, je me sens comme dans une tour de vigie d’où j’observe au loin la progression de cette technologie - le mobile - qui se rapproche de moi. Comme je disais plus haut, je suis né avec la télévision, la bagnole et le nucléaire. Je n’ai vu arriver l’ordinateur personnel que lorsqu’il s’est retrouvé sur mon bureau et je ne me suis pas posé plus de questions que cela. Des bras ont pourtant un jour soulevé le carton ; des jambes ont déplacé ce corps qui est le mien, jusque devant le magasin, et ramené ce corps et ce carton, jusqu’à ma maison. Je me demande bien quelle est cette mécanique invisible au dedans de moi et au dehors qui a décidé un beau jour que mes jambes bougeraient jusqu’à une de ces boutiques où est envitriné le monde des bagnoles, de la télé et de la téléphonie mobile etc…

En 2013 j’ai écrit un roman qui s’appelle Matin vert. Dans ce roman, j’incarne un personnage, Florian, que j’ai doté de plusieurs traumatismes identitaires. Florian se cherche dans le territoire, dans la famille, dans la culture, dans le cosmos… Puis, il y a ce moment où il se voit dans le miroir et ne voit plus Narcisse. Il se voit comme s’il voyait soudain quelqu’un d’autre, ou comme s’il se voyait comme l’on voit quelqu’un d’autre. Extrait :

 

Il passa devant un miroir et sursauta. Il ne se reconnut pas. Son visage était émacié et sombre. Ses cheveux et sa barbe avaient poussé. Il était crasseux. Il s’approcha. A la faible lumière de la fenêtre, son visage apparut en clair-obscur comme dans une peinture de Rembrandt. Qui es-tu ? se demanda-t-il. Il caressa sa barbe, sa peau, toucha son front et sentit l’os du crâne. Il visualisa le cerveau et imagina la formidable complexité qui le faisait penser et vivre. Et puis, soudain, il se demanda qui il était dans ce corps et qui prenait vraiment les décisions dans cette masse de chair, de sang et d’os. Suis-je ma pensée? Qui suis-je dans ce corps si je ne suis pas que ce corps ? Comme dans une mise en abîme, les images s’incrustaient les unes dans les autres et il commença à avoir le vertige.

Il s’adossa au mur. Ses yeux s’ouvrirent. Il était à la fois sonné et réveillé par une stupeur inconnue.

Il posa la paume de sa main droite sur son avant- bras pour sentir le sang circuler, la chaleur de la chair.

Il palpa les muscles en essayant de suivre le sillage des tendons.

Il bougea ses doigts et les regarda se déployer comme un oiseau qui replie et ouvre ses ailes.

Il sentit l’air, chargé de particules nouvelles, entrer dans ses poumons et en picoter les alvéoles. Il posa sa main contre son cœur, à l’affût des pulsations régulières. Quelle volonté de vie, quelle force se trouvait là, tapies dans chacune de ses cellules et qui veillaient sur cette matière, chaque seconde, lorsque son esprit était ailleurs, lorsqu’il dormait, même lorsqu’il était occupé à faire quelque chose qui n’avait rien à voir avec son corps?

 

Pourquoi vous dis-je cela ? Tout simplement parce que, attaché à la liberté, je sens bien que, ne voyant plus qu’un Narcisse dans le miroir, nous détruisons une partie de nous qui est probablement plus « nous » qu’on le pense.

 

Vivre avec son temps

 

Un jour, un copain me dit : « il faut vivre avec son temps. »

Mais de quel temps parlait-il ?

Le temps du jardinier qui regarde le ciel, qui attend le printemps, la pluie, la saison des semis ?

Le temps des artistes qui créent en désordre, les pieds enfoncés dans une liberté intemporelle ?

Le temps de l’artisan qui crève parce que son savoir-faire est méprisé au nom de cette économie qui emploie des mots aussi péremptoires que rentabilité, compétitivité, puissance, concurrence ?

Le temps de cette industrie qui murmure l’idée audacieuse qu’elle pourrait bien se passer de cette vie qui se trouve en nous et à l’extérieur de nous et réinventer son propre monde ?

A-t-on encore la liberté de vivre dans le temps et l’espace que nous voulons ?

Personnellement, j’aurais envie de répondre que je veux vivre avec le temps que je choisis en toute liberté, avec mes frères humains, mes frères et mes sœurs les plantes, les arbres, les montagnes, les animaux sauvages, ma mère la terre…

 

Et je me souviens.

 

Le soir, lorsque j’ai des difficultés à m’endormir, c’est à mon potager que je pense. Je fais voler mon esprit qui glisse d’arbre en arbre ; ceux que j’ai plantés autour de ma maison, ceux que mon père et mon grand-père ont plantés, ceux qui ont poussé avant que nous arrivions. De mon sommeil, lorsque j’entends la pluie, je sens la nature qui s’épanche et je sais que ça lui fait du bien. Alors ça me fait du bien.

Je me souviens des soleils de printemps, le corps engourdi par quelques longs mois de froideur.

Je me souviens d’une chaude pluie d’été et de l’eau qui lubrifiait un baiser, une nuit, au beau milieu d’une rue.

Je me souviens avoir ramassé des pommes de terre, courbé en deux, à genou et les mottes que j’écrasais dans mes mains me revenaient en effluves de sous-bois et de moisissures.

Je me souviens d’un chien que j’ai serré fort, en espérant qu’il ne meure jamais ou en espérant le faire entrer en moi pour qu’il continue de vivre.

Je me souviens d’un instant de transe à mélanger des couleurs sur une toile et attendre le moment ou le tableau s’ouvrirait vers un monde magique.

Alors, je sens tout ce qu’il y a de vain et d’éphémère dans ce petit monde qui fait des gorges chaudes de ses prouesses techniques… et tout ce qu’il y a de profond et de durable dans ma relation avec la nature sauvage et avec la culture sauvage, ajouterais-je. Est-il tellement offusquant de sentir en soi la chose sauvage ? Est-il si étonnant de sentir sa famille au milieu des arbres, des grenouilles et des oiseaux de nuit ?

 

« Demain, la machine sera considérée comme une personne »…

 

Dans le Journal du dimanche du 19 juillet, je lis un article concernant le français Yann Lecun qui dirige Fair, le laboratoire de recherche sur l’intelligence artificielle de facebook. Le titre est : « demain, la machine sera considérée comme une personne »… «  l’un des objectifs sera de « permettre un " dialogue naturel " entre l’homme et l’ordinateur » explique-t-on dans l’article. Il ne faut pas aller plus loin pour comprendre les projets du monde économique : détruire en nous les liens qui nous lient à la nature et à notre nature. Elever la machine et lui conférer une humanité fantasmée puis rabaisser l’humanité de l’état naturel au rang de la machine et fabriquer ainsi un monde à la mesure de l’économie marchande qui pourra fonctionner en autarcie, dégagée des imprévus du vivant, de la latitude de vivre libre dans la nature. La photographie qui illustre l’article montre l’intérieur d’une voiture où l’on aperçoit un homme qui approche son index d’un écran tactile. Il a deux montres au poignet. Je parierais que l'une d'elle est une Rolex, une de ces montres, dit-on, qu’il faudrait avoir quand on a réussi sa vie.

 

 

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »

 

Pouvons-nous juste un instant essayer de ne pas confondre progrès, intelligence, bien-être, bonheur ? A ce sujet, je pense qu’il est intéressant de se pencher deux minutes là-dessus. On parle de création en faisant référence à telle oeuvre artistique, à telle invention technologique. Mais ne faudrait-il pas rappeler que dans l’absolu, personne ne crée rien, mais transforme juste les éléments qu’il a sous la main pour les recombiner, reproduire et / ou interpréter une réalité ? L’artiste utilise les lois physiques de la nature et les ingrédients qui lui sont proposés, mais il ne sort rien du néant et ne peut que composer avec ces lois. Une femme enceinte ne crée pas. Elle accueille dans sa vie, dans son corps, un processus incroyable qui agit en nous depuis des milliers d’années bien avant les toutes premières découvertes, le feu, la roue, avant l’homme de cro-magnon (on parle souvent d’invention, à propos du feu et de la roue, ce qui est une grosse vantardise. Le Grand Robert de la langue française propose comme définition au mot « inventer » : « Créer ou découvrir quelque chose de nouveau »).

Si on a pris conscience aujourd’hui des processus chimiques et biologiques qui agissent dans la nature, il faut bien admettre qu’ils sont animés sous le contrôle d’une force inconnue. Nous ne créons pas la vie ; à la limite, parfois, nous pouvons permettre son apparition et faciliter son existence. Mais nous ne pouvons vivre, créer, imaginer qu’à la condition de respecter et admettre modestement la présence de cette force qui nous dépasse.

Les scientifiques « découvrent », comme on le dit couramment. Ils soulèvent le voile, en quelque sorte, sur des lois auxquelles on ne peut rien changer. Car les lois qui président au fonctionnement des atomes, tout ce que nous nommons la mécanique quantique, la théorie de la gravitation, les lois de Kepler, n’ont pas attendu les recherches de nos scientifiques pour agir dans l’univers.

Lorsque l’on parle d’intelligence n’oublie-t-on pas de dire que dans l’absolu, c’est l’intelligence qui est intelligente ? Cette auto-proclamation, « Nous sommes intelligents » n’a-t-elle pas quelque chose de ridicule ? Et il y a là encore du Narcisse béat. Comme si les questions essentielles étaient celles-ci : savoir si l’être humain est supérieur au restant de la nature ; savoir si nous avons une place spécifique dans l’univers ; faire la preuve que nous pouvons faire mieux que ce qui existe déjà ; prendre notre indépendance et pourquoi pas, in fine, nous passer de tout ce que nous considérons indigne de cette intelligence autoproclamée. L’humain juge ce qu’il a autour de lui comme s’il se trouvait au sommet ou au centre, comme s’il avait dans l’univers une position à part qui lui permettrait de disposer de tout et de regarder tout, comme s’il était une cause et une conséquence de quelque chose parmi les phénomènes de l’univers. Pourtant, l’histoire des sciences démontre qu’il a été constamment contrarié sur ce point. L’humain est un animal, comme l’a démontré Darwin qui a aussi instillé le doute (euphémisme) sur l’idée que nous serions une création de Dieu. Nous avons des capacités cognitives très complexes ; mais complexe ne veut pas dire supérieur, ni même intelligent. La terre n’est pas au centre de l’univers. Le soleil n’est pas au centre de l’univers. Ce dernier est infini et un autre scientifique, Giordano Bruno a même été supprimé pour avoir avancé cette hypothèse. Et probablement découvrirons-nous bientôt que nous autres, humains, ne sommes pas le centre de la terre, en attendant qu’une nouvelle révolution copernicienne nous le démontre. Sinon la terre se chargera de nous le rappeler.

En bref, s’agenouiller devant toutes les nouvelles divinités de ce panthéon qu’on nous emballe dans un grand sac appelé « progrès » est probablement une très mauvaise idée. L’Homme debout, celui qui s’est relevé, celui qui a vu son corps se dresser pour voir plus loin, pour que les énergies cosmiques traversent sa colonne vertébrale et irradient l’ensemble de son corps se verrait-il ainsi racrapoté et soumis à un objet que l’on appelle smartphone ? Ne devrions-nous pas rester méfiant, et regarder ce qui recouvre, notamment, cette soudaine attirance envers le sans-fil, et le « mobile » ?

L’utilisation du mobile : concrètement, quelques conséquences ?
Le sujet essentiel de ce texte est de réfléchir à notre place dans le monde, à la manière dont nous entrevoyons nos relations dans les années qui viennent, et forcément, au regard que nous allons porter sur nous-mêmes et sur le restant de la nature. Mais il n’est pas inutile de regarder ce que notre addiction à la technologie entraîne comme problèmes. Pour ne parler que du téléphone portable.
Dans le monde, il se vend 57 téléphones par seconde, 1,8 milliard par an. Mais comment sont fabriqués nos téléphones portables ? Il y a quelques semaines, Elise Lucet journaliste à France 2, développait ce sujet dans son émission « Cash investigation - Les secrets inavouables de nos téléphones portables ».
Le travail des enfants en Chine…
En Chine, à Nanchang, des enfants de 13 ans travaillent 13 h par jour (parfois la nuit) pour 160 € par mois afin de produire les écrans des téléphones portables.  Alors qu’Apple avec ses iPhones dégage 340 € de marge, le coût de la main d’oeuvre est de 2,38 € par téléphone et les ouvriers chinois touchent l’équivalent de deux baguettes de pain par téléphone, pour des appareils que nous payons parfois jusqu’à 900 €.
Le tantale
Dans les téléphones portables, on trouve des condensateurs en Tantale (3 condensateurs par portable). Il s’agit d’un petit composant qui stocke l’énergie. Il est très convoité, car il est malléable, il résiste à la corrosion et conduit l’électricité en dégageant peu de chaleur. Le Tantale est un minerai qui se trouve en RDC (République Démocratique du Congo, 2ème pays le plus pauvre du monde). C’est à Rubaya, dans le Kivu, en RDC, que l’on extrait 80 % des réserves mondiales de ce minerai. Ici, pas de route, pas de réseau téléphonique, pas d’électricité, pas d’eau potable, peu de nourriture. Dans les mines de Tantale, 3000 personnes travaillent jour et nuit. Le sac de 40 kilos de Tantale se vend 600 euros aux intermédiaires, mais jusqu’à 3500 € sur le marché international. Malheureusement, ce travail est excessivement difficile et dangereux. Les puits sont creusés dans le sol, sans aucune mesure de sécurité. Les mineurs descendent au péril de leur vie dans des cavités où l’oxygène devient rare, où la température augmente jusqu’à 40 degrés. Rubaya, par mois, c’est en moyenne 50 cas de mineurs accidentés, 5 mineurs qui meurent, ensevelis vivants, à cause des éboulements. Dans les mines de Rubaya, il n’y a pas de contrat de travail et là aussi, on peut y trouver des enfants et des femmes enceintes. La durée de travail est de 14 heures par jour pour les adultes, de 6h00 du matin à 17h30 (enfants à partir de l'âge de 8 ans), 7 jours sur 7. Le salaire est de 2 $ par jour soit 14 cents / heure (adulte) et 18 cents / heure (enfants). [1]
Les aimants et les mines de Néodyme
Dans les téléphones portables il y a aussi des aimants dans le vibreur, dans le micro, dans le haut-parleur et dans la caméra. Une dizaine d’aimants dans chaque portable fabriqués en Néodyme, l’élément chimique le plus magnétique du monde. Les mines de Néodyme se trouvent à Baotou, en Chine, à la frontière de la Mongolie. 97 % de la production mondiale de Néodyme vient de là. Pour une tonne de Néodyme produite, une tonne de déchets et 75000 litres d’eau acide, soit 600 000 tonnes de déchets sont rejetés dans un lac qui s’étend sur 11km². Tout autour de cette zone une intense radioactivité est libérée par les déchets chimiques qui s’accumulent. Dans l’eau, on peut trouver de l’arsenic, du manganèse, de l’uranium, du sulfate à des doses importantes. Tout autour de cette zone, à cause de la pollution des nappes phréatiques, il a été détecté des cancers du côlon et des intestins. Il se trouve que le néodyme est un élément clé pour les technologies « vertes ». Sans lui, pas de moteurs pour les voitures électriques et hybrides, pas de générateur de courant pour les éoliennes ou les barrages (sic) ![2]
En Indonésie, dans l’île de Bangka, les mines d’étain causent également des dommages majeurs. Elles ont détérioré plus de 65 % des forêts et plus de 70 % des récifs coralliens de l’île. De nombreuses rivières sont contaminées par les déchets miniers et l’accès à l’eau potable est devenu un problème pour plus de la moitié de la population de Bangka[3].
Le portable qui finance la guerre…
Un enjeu important en République Démocratique du Congo  (RDC) est le contrôle du sous-sol. L’armée régulière est opposée aux groupes rebelles, dans une guerre qui a fait 3 à 5 millions de morts et qui est considérée comme le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. Des seigneurs de guerre achètent des armes grâce à l’argent qu’ils tirent des minerais : le tantale, le tungstène, l’or qui se trouve dans les portables. Des sociétés, pour la plupart cachées derrière des sociétés écrans, achètent des minerais qui financent la guerre. L’étain provient de Bisié en RDC qui finance les groupes armés. En pleine zone de guerre China National Nonferrous Metals Import achète l’étain pour le compte de Mine Métal et  enfin… pour la société Apple.
Cette enquête nous démontre que la quasi-totalité des marques de téléphonie sont mises en cause à un moment ou à un autre.
Mais on est sauvé (sic) puisqu’une start-up néerlandaise vient de sortir le fairphone, c’est-à-dire, le  premier téléphone portable « équitable ». Les composants proviennent de fournisseurs qui respecteraient les droits de l’Homme. On pourrait réparer les téléphones soi-même et les déchets électroniques seraient récupérés et recyclés.
Il y a un autre souci autour de la téléphonie mobile… Même si ce n’est pas, là non plus, le sujet principal de ce travail d’écriture, il est important de parler des fameuses ondes électromagnétiques.
Les ondes électromagnétiques…
2 % à 10 % de la population européenne serait concernée par l'électrosensibilité, cette maladie où le patient souffre de symptômes (maux de tête, vertiges...) qui sont causés ou aggravés par des champs ou des ondes électromagnétiques. Les ondes du téléphone portable ont deux effets sur le corps humain ; elles augmentent légèrement la température ambiante (effet thermique) et elles modifient l’activité moléculaire et cellulaire (effet athermique)[4]. Ces ondes, celles de nos portables, des antennes relais, du WIFI du WIMAX, du bluetooth, du téléphone sans fil, etc, auraient un effet néfaste sur notre système nerveux central, sur les hormones, sur la barrière hémato-encéphalique, sur le matériel génétique, le système cardio-vasculaire. De multiples expériences sur le rat (dont l'ADN est très proche de l'homme) le démontreraient : les ondes favoriseraient le développement des tumeurs cancéreuses ou endommageraient les neurones.
Depuis les années 90, l'État et les opérateurs jouent la montre. C'est l'État qui a exigé de Bouygues, SFR et Orange, dans les années 1990, qu'ils maillent tout le territoire pour que chacun puisse téléphoner de son portable partout en France. Pour répondre à ce cahier des charges, les opérateurs ont donc placé plus de 78 000 antennes sur le sol français - la plupart très puissantes - à telle enseigne qu’il n'existe aujourd’hui quasiment plus d'espace sans ondes.
Cette technologie s’est déployée sans que les scientifiques soient certains de son innocuité. Le lien entre tumeur cérébrale et usage intensif du téléphone portable sera-t-il établi un jour ?    Les chercheurs s’affrontent encore à coup d’études contradictoires. De nombreuses associations considèrent pourtant les normes actuelles totalement obsolètes. Celles-ci étant faites avant tout, selon les associations, pour protéger l’industrie et non les usagers du téléphone. Ces normes peuvent varier par un rapport de 1 à 100 d’un pays à l’autre. Celles que nous avons actuellement en France, par exemple, proviennent d’un « paradigme thermique » établi dans les années 50 par l’armée américaine. Il considère que les seuls effets dangereux de ses rayonnements se produisent quand les radiations sont tellement fortes qu’elles élèvent légèrement notre température de 1° centigrade (effet thermique). Fixées par l’armée américaine, et reprises par les industriels, les premières normes apparaissent en 1966. Elles sont fondées sur une approche théorique calculée 10 ans plus tôt par le biophysicien Herman Schwan qui concluait qu’aucun effet des micro-ondes ne pouvait exister en dessous de 200 V/m. Mais dans les années 60, le doute commence à planer concernant l’innocuité de la technologie des micro-ondes en dessous des seuils fixés pour protéger des effets thermiques. On recense dans les années 70 un grand nombre d’études qui révèlent des effets biologiques suspectés d’être provoqués par les rayonnements : diminution de la fertilité, stérilité, altération du développement foetal, attaque, convulsion, aberrations chromosomiques… Dans les années 90 les normes de 1966 ont été divisées par 10, pour mieux protéger le public des effets thermiques. Ces normes sont toujours en vigueur, et limitent les expositions de 41 à 61 v/m selon les technologies tandis que les associations demandent qu’on les rabaisse à 0,6 v/m.
Lobbyng et téléphonie mobile
Dans les années 30, l’industrie du tabac utilisait déjà une stratégie qui consistait à donner des fonds à des laboratoires qui en avaient besoin, en leur demandant de faire des contre expertises. Les mêmes pratiques ont court aujourd’hui, pour les OGM, le nucléaire, les néonicotinoïdes, le glyphosate… L’objectif étant, avec des moyens financiers très importants, de mettre en doute les études qui ont pu démontrer les problèmes environnementaux et sanitaires, afin de gagner du temps et écouler la marchandise des industriels.
Les problèmes liés à l’amiante, à la dioxine, aux CFC, aux PCB, au plomb ont été ainsi couverts en leur temps par des cabinets de relation publique qui ont proposé leurs compétences et assuré la défense des industriels auprès des agences sanitaires ou devant les tribunaux. Aujourd’hui, la technique est la même. Ces cabinets recrutent des membres de la communauté scientifique - monnayant leur expertise - pour défendre les industries dont les produits sont suspectés d’être dangereux pour la santé et l’environnement. En même temps, les scientifiques véritablement indépendants sont l’objet de sévères pressions. Les crédits, publics / privés ne sont pas renouvelés lorsque les études ne vont pas dans le sens d’un déploiement de ladite technologie. Des scientifiques qui revendiquent leur indépendance, par conséquent, sont souvent financés par des opérateurs et ont des liens ténus avec l’industrie du téléphone portable. Notamment, la plus importante, l’ICNIRP, (Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants). On constate par exemple que René de Sèze, présent au conseil scientifique de l’ICNIRP, a travaillé pour Bouygues Telecom et pour TDF, une entreprise spécialisée dans le déploiement des réseaux mobiles[5]. Le créateur et premier président de cette institution est le scientifique australien Michael Repacholi. Il est connu pour avoir été embauché comme consultant par plusieurs entreprises du secteur des télécoms et de l’électricité. Au sein du conseil scientifique de l’institution, du côté des scientifiques français on remarque le nom d’Isabelle Lagroye. Ses recherches ont été financées par Bouygues Telecom, Alcatel et France Telecom. Composé d’experts, recommandé par l’OMS (Office Mondial de la santé), l’ICNIRP considère que les normes des années 60 sont suffisantes. Ces seuils sont 100 fois supérieurs aux standards, belge, russe, chinois, suisse ou indien (en Russie les normes sont de 6v/m, à Bruxelles, le seuil est de 3 v/m au lieu des 61v/m en vigueur dans la plupart des pays dans le monde).
Nous pouvons donc dire que nous sommes tous les cobayes d’une expérimentation grandeur nature.
Je n’irai pas plus loin concernant les ondes électromagnétiques car elles ne sont pas la raison principale de ma méfiance envers cette technologie. Par analogie, on peut être inquiet des effets du dérèglement climatique et de ses conséquences. Malheureusement, la destruction des espaces naturels, le bétonnage, la disparition (ou la raréfaction) des espèces naturelles, l’extension des élevages industriels, ainsi que l’appauvrissement de notre connaissance de la nature et de son fonctionnement ne sont pas directement les conséquences du dérèglement climatique, mais bien d’une activité humaine totalement incontrôlée.
On est toujours le provocateur de quelqu’un. Parfois sans s’en rendre compte. Vous avez pu remarquer cette inscription dans certains lieux publics : « WIFI GRATUIT ». Je peux très bien comprendre que nous puissions nous enorgueillir de constater qu’une connexion internet puisse être gratuite. Mais « gratuit » accolé à « WIFI » me fait évidemment bondir. En dessous de cette vignette, en petit caractère, j’aurais ajouté : « WIFI GRATUIT, en attendant que  les scientifiques aillent au bout de leurs recherches, qu’ils aient les moyens de les financer, et que l’on tienne compte des doutes qui pèsent sur cette technologie. Après, je vous préviens, ce sera payant ».  En espérant que nous ne le payons pas trop trop cher !
Il y a quelques années, à Mauléon, il y avait une cyberbase. Une personne était attachée à son animation. Cette cyberbase aurait pu être un outil de ré-appropriation collective de l’outil informatique. On aurait pu imaginer des rencontres et des échanges. On aurait pu venir là pour scanner un document, emprunter un appareil ou le louer, se former. Il n’y aurait pas eu le WIFI. En principe, nous n’en avons pas besoin, puisque nous avons le filaire grâce à la fibre optique. Mais la mode du « sans-fil » s’est imposée à nous (ou on nous l’a imposée). Il faut pouvoir se connecter partout, n’importe quand et dans n’importe quelle position. Il faut être connecté quand on court, quand on marche, quand on dort. A n’importe quel moment, il faut être relié à ce qui nous parait essentiel aujourd’hui. Mais qu’est-ce qui est essentiel ?
Le résultat ne s’est pas fait attendre. Face à cet individualisation des moyens de communication, étant donné que nous avons décidé que nous aurions chacun notre micro-ordinateur, notre imprimante, notre scanner, notre appareil photo numérique, notre connexion internet, la cyberbase a finalement fermé ses portes. La fréquentation n’était pas suffisante, parait-il.
Ainsi, de manière insidieuse, l’industrie avance ses pions, en caressant une partie de nous-mêmes si facile à séduire.
Pour conclure, en 1993, sur le plateau d’une émission télévisée, un journaliste demande au chanteur Leny Escudero comment il perçoit le monde d’aujourd’hui. Leny répond qu’il a honte du monde qu’il va laisser à ses enfants. Il se souvient de son instituteur qui, se servant d’un dogme de l’Eglise, disait : « Il te faudra gagner ton pain à la sueur de ton front ». Cependant, l’instituteur ajoutait : « Mais bientôt le progrès technique viendra pour libérer les Hommes de toutes les tâches ingrates ». Leny s’insurge. Le progrès est arrivé, dit-il… mais pour virer les Hommes. Dans la suite de cette séquence télévisuelle, Lény continue de vitupérer, mais le journaliste souhaite maîtriser son show qui semble brusquement tomber dans la dépression, ce qui aurait pu avoir de fâcheuses conséquences sur l’audience ; le drame, la catastrophe, vous imaginez ! il demande alors à Lény s’il voit des choses positives dans le monde d’aujourd’hui. « Ce qui est positif, c’est le progrès ; le problème est qu’il est mal partagé… / … il y a une expression qui disait : le temps, c’est de l’argent . Mais on a toujours privilégié l’argent par rapport au temps, or, qu’est-ce qu’il y a de plus important que le temps de vie… ? je n’ai jamais vu un coffre-fort suivre un corbillard ! » enchaîne Lény ; ce qui ne semble toujours par convenir au journaliste qui tente à nouveau, vainement, de faire remonter  son invité sur les rails du positivisme béat.
Aujourd’hui, je ne sais pas si Lény Escudéro dirait encore qu’il y a quelque chose de positif dans le progrès. La plupart du temps, nous y faisons référence selon l’angle de vue de la vulgate capitaliste. Etant donné l’endoctrinement dont nous sommes victimes et qui nous empêche de « séparer le bon grain de l’ivraie » (pour continuer dans les petites phrases bibliques), je ne crois pas que nous ayons une image très claire de ce que représente le progrès ou de ce qu’il pourrait représenter. Pour qu’on puisse croire en lui, il faudrait qu’il soit entre nos mains, avant d’être dans celles des industriels, il faudrait que le monde économique soit sous notre contrôle. Or, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Le dimanche 24 avril 2016
Laurent CAUDINE
SOURCES :

https://www.youtube.com/watch?v=nTnz_Bn6wO0

"Mauvaises ondes" - Nocivité des Ondes Portables (Projet CoMoBio - Documentaire France 3)

 

www.youtube.com/watch?v=uQVzC-LohX8

« Les secrets inavouables de nos téléphones portables » (Cash investigation - Documentaire France 2)

 

http://www.dailymotion.com/video/x2111gr_ondes-science-et-manigances_tv

« Ondes science et Manigances », documentaire de Jean Heches - http://ondesscienceetmanigances.fr/

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=453

http://www.jacques-ellul.org/

https://www.youtube.com/watch?v=_XK29a8yPXU Emission sur Radio Courtoisie avec le Dr. Dominique Belpomme - Les dangers des ondes electromagnetiques

Didier Daenincks « Mortel Smartphone » roman. Editions Osaka

Pièces et main d’oeuvre « Le téléphone portable, gadget de destruction massive » essai. Editions L’Echappée.

Bernard Charbonneau « L’hommauto ». Editions Denoël.

Jacques Elul « Le bluff technologique ». Editions Pluriel.

En écrivant ce texte je lisais aussi « Antispécisme - réconcilier l'humain, l'animal, la nature » d’Ayméric Caron aux éditions Don Quichotte, un livre salutaire pour réfléchir à notre place dans la nature.

 

 

ASSOCIATIONS CONTRE LA PROLIFÉRATION DES ONDES ELECTROMAGNETIQUES :

 

http://www.robindestoits.org/

http://www.artac.info/

http://www.priartem.fr/

http://www.criirem.org

http://next-up.org/

 

[1] Sources  : http://www.citizen-nantes.com/2015/08/nos-chers-esclaves-mine-de-rubaya-congo-kinshasa.html

[2] Sources : http://www.larecherche.fr/actualite/technologie/industrie-quete-aimants-neodyme-01-04-2011-88387

[3] sources : Silvia Pérez-Vitoria - manifeste pour un XXIème siècle paysan.

[4] http://www.bafu.admin.ch/elektrosmog/01095/01096/index.html?lang=fr

[5] http://reporterre.net/Comment-les-lobbies-nous-font

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