
C'était au mois de Novembre 2001. J'avais le grand bonheur d'être correspondante locale du "Journal du Pays Basque" pour le canton de Garazi, ou, pour ceux qui préfèrent tout sous forme
francisée, (mais ce n'est pas mon cas), de "Cize".
Quelqu'un, je ne sais plus qui, m'avait dit qu'un certain Michel Harispe, pisciculteur de son état, aimait les arbres et souhaitait réconcilier le Pays Basque avec eux. Là, mon tour n'avait fait
qu'un sang, à moins que ce ne soit le contraire, ça fait déjà un bail!!!!
Je suis donc allée rencontrer Monsieur Harispe à son établissement piscicole d'Esterenzubi par un jour ---- pluvieux et froid.
Et là, j'ai entendu un discours---, LE discours----, celui que j'aimerais entendre en permanence, celui que j'attends 24 heures sur 24, 365 jours sur 365, et depuis si longtemps, en écho à
mon arbritude (hélas fort solitaire) de toujours.
En ce mois de Sainte Catherine où "tout bois prend racine" je vous le livre . Il est, plus que jamais ,d'actualité.

Michel Harispe, pisciculteur s’engage pour l’arbre, gardien et protecteur des eaux
"Auprès de mon arbre, je vivais heureux". Les chanteurs et les poètes ne sont pas les seuls à chanter l’arbre. Michel Harispe, pisciculteur aux Aldudes et à Esterençuby est un chef
d’entreprise qui a pris la suite de son père en 1966. Il préside le Groupement de Défense Sanitaire du bassin de la Nive et de la Nivelle. Ce sont les pisciculteurs de la zone concernée ainsi que
les trois associations de pêche qui constituent ce regroupement dont le souci principal est la qualité sanitaire et environnementale des eaux des piscicultures ainsi que celles des ruisseaux et
des rivières. Des actions sont menées en concertation avec les services administratifs concernés. Monsieur Harispe est un professionnel sérieux et non pas un doux rêveur qui passerait le plus
clair de son temps à écrire des vers assis sous un chêne séculaire, les yeux perdus dans les nuages ou dans la profondeur de l’ azur.
Pourtant, il aime les arbres et il a plaisir à le dire. Il les aime mais il leur est surtout infiniment reconnaissant de tout ce qu’ils font pour nous. Il dit que l’arbre est l’outil le
plus complet qui nous ait été donné par la nature , indispensable à l’air, indispensable à la terre, abri et source de nourriture pour les animaux et par dessus tout, et c’est particulièrement ce
qui le préoccupe, régulateur parfaitement efficace de tout le système hydrologique. Aussi se demande-t-il pourquoi nous sommes si ingrats envers cet ami.
Le règne de la transparence
Proche de l’eau par son métier, il ne peut que constater l’excellence du système hydrologique en Pays Basque, qu’il s’agisse du débit ou de la qualité. Quoique l’on puisse en dire ici ou là, nos
rivières sont riches en poissons sauvages. Il insiste sur le grand soin que les pisciculteurs de son groupement prennent de l’eau. Ils ont besoin d’une eau de qualité à l’entrée des bassins et
ils se doivent de rendre une eau de qualité à la sortie. Chez eux, c’est le règne de la transparence (sans jeu de mots aucun) et de la traçabilité. L’Institut des Milieux Aquatiques effectue
régulièrement des contrôles avec lesquels on ne saurait plaisanter.
Pourtant, Monsieur Harispe est inquiet, on pourrait même dire en colère. Il constate que depuis 25 ans, le niveau des rivières ne cesse de baisser, que les crues sont de plus en plus violentes et
de plus en plus rapides après la fonte des neiges ou après les grandes pluies mais qu’elles se résorbent de plus en plus vite pour arriver à un niveau d’étage de plus en plus bas.
Il s’énerve par ailleurs d’entendre de plus en plus de gens s’étonner du tarissement des sources que de mémoire ancestrale on avait toujours vu couler sans répit. Pour lui, c’est bien l’homme
qui, par ses activités désordonnées et irrespectueuses du milieu, est responsable de cette évolution qui ne peut que s’accélérer si des mesures drastiques ne sont pas prises rapidement.
L’activité humaine, de nos jours, favorise l’écoulement par tous les moyens.
D’abord, on ne plante plus : on coupe, on rase, on arrache haies, arbres isolés, bosquets, petits bois. La montagne est sillonnée de routes sur l’asphalte desquelles l’eau s’écoule à toute
allure, de rigoles, de buses qui vomissent des torrents à la moindre pluie. L’eau descend trop vite. L’homme l’a privée de sa faculté d’absorption. Dans un terrain, même en pente, recouvert
d’un manteau boisé suffisamment dense, l’eau est conduite à la rivière en une période allant de trois à six mois. Sur un relief pelé, on n’a pas le temps de la voir passer.
Comme le fait remarquer Monsieur Harispe, "Prendre le risque de manquer d’eau dans un pays où il pleut tant, c’est tout de même un comble !". Mais il ne suffit pas de tempêter en dénonçant les
faits. Alors, il fait des propositions. Il en parle dans le cadre du Conseil des élus ou du Conseil de développement. Il intervient à la radio. Foin des photos satellites et autres procédés
coûteux et pas forcément efficaces ! Il propose que soit réalisé au plus vite un inventaire des parcelles privées ou communales que l’on pourrait reboiser, surtout en amont. L’étude devra être
faite commune par commune en y associant la population afin qu’il s’agisse des décisions et des choix de tous. Il faut surtout, d’après lui, que les "politiques" prennent leurs responsabilités et
que des enveloppes substantielles soient distribuées chaque année car il part du principe que les arbres ont un coût et qu’il n’y a plus suffisamment de gens dans les fermes pour planter et
entretenir. C’est pourquoi il pense que les jeunes arbres devront être distribués gratuitement et que des emplois devront être crées. Cela ne gênerait en rien l’activité pastorale, d’autant plus
que le nombre d’arbres à l’hectare peut très bien être modulé parcelle par parcelle. Mais attention ! Il s’agit bien de reboiser ce pays dans un souci de l’eau (et de la terre qui descend avec
l’eau : c’est le phénomène d’érosion) en pensant un peu à nous et beaucoup aux générations futures, pas de monter des "usines à bois", c’est-à-dire planter des essences à croissance rapide pour
tout abattre trente ans plus tard. Il faut des essences locales : chênes, châtaigniers, hêtres etc. qui auront toute liberté de pousser à leur rythme et de vivre leur vie d’arbres. D’autres
mesures devraient être mises en place, comme par exemple des aménagements au bord des routes pour aider l’eau à se diffuser dans le sol au lieu de la canaliser pour l’éliminer au plus vite.

Un pays vert
Certains se demanderont peut-être pourquoi cette angoisse, pourquoi ce plan ambitieux alors que le Pays Basque est connu de par le monde pour être un pays très vert, même au plus chaud de l’été.
Voilà sans doute le piège que nous tend la nature. Nous sommes en zone océanique très arrosée par les pluies. C’est un écran vert qui fait illusion. Nous avons énormément d’eau mais nous faisons
tout pour la gaspiller et la perdre. Car enfin, soyons honnête et cessons de nous voiler la face, si le Pays Basque est vert, il est aussi devenu pelé et dénudé. La tendance n’est pas à
l’amélioration.
Monsieur Harispe nous appelle donc à ouvrir les yeux sur la réalité sans fard afin d’œuvrer à inverser rapidement cette tendance de manière forte et durable. En quelque sorte un“Aux
arbres citoyens !”
Les photos d'arbres, on ne peut plus Pyrénéens, et de cet automne 2007, sont de Yvan Puntous, dont je vous recommande :
le blog perso :
http://images-du-pays-des-ours.blogzoom.fr
ainsi que le site de l'Amopyc :
http://perso.orange.fr/amisdelours-amopyc/ours.html