Une contribution de Daniel Labeyrie
Il pleut sur le jardin,sur le rivage...
Dans l'anonymat, elle s'en est allée aux premiers jours de l'été : pas même un semblant de brume dans le ciel breton mais une douce lumière face à l'immensité marine qui déverse inlassablement sur le sable gris ses vagues avec une rythmique aussi éternelle que le mouvement des marées.
Oubliée l'ondine à la guitare qui jadis nous chantait ses ballades en novembre et parfois en avril. On aurait pu croire que la jolie jeune fille ferait une carrière éblouissante mais la grande marée de 68 l'a vue chanter dans les usines, les universités. Fière, elle a repoussé les requins de l'industrie chansonnière, prenant des chemins de traverse où les genets lui ont parfois déchiré la robe de son âme.
Meurtrie, malmenée, les bleus de l'existence l'ont malmenée de galère en désespérance. Malgré les tourments, Anne a continué à composer, à sortir des disques dont l'écho fut plus que confidentiel.
La voix parfois brisée et rauque témoignait de l'ampleur de ses épreuves.
Nous n'oublierons pas sa magnifique « Ballade en novembre », sa désaltérante « Fontaine de Dijon », la superbe adaptation de Judy Collins « L'arrivée des routes », « Les enfants tristes » et son inoubliable participation à l'opéra rock « La mort d'Orion » de Gérard Manset où sa voix magique nous emporte si loin dans l'ailleurs.
Nous avons de l'eau dans les yeux, larmes de sel, larmes océanes, tout se confond tout s'entremêle comme les algues, les goémons et le chagrin.
Daniel LABEYRIE