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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 11:46

 


http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/dc/Barrett.jpg/220px-Barrett.jpg

 

"Tant que je n’ai possédé que ma paillasse et mes livres, j’ai été heureux. Maintenant, je possède neuf poules et un coq, et j’ai l’âme perturbée.

La propriété m’a rendu cruel. Quand j’achetais une poule, je l’attachais chaque fois pendant deux jours à un arbre, pour lui imposer mon domicile, détruisant dans sa fragile mémoire l’amour de son ancienne résidence. J’ai rafistolé la clôture de ma cour, afin d’éviter l’évasion de mes volailles, et l’invasion des renards à deux ou quatre pattes. Je me suis  isolé, j’ai fortifié la frontière, j’ai tracé une ligne diabolique entre mon prochain et moi-même. J’ai divisé l’humanité en deux catégories : moi, le maître de mes poules, et les autres, ceux qui pouvaient me les prendre. J’ai défini le délit. Le monde s’est rempli pour moi de présumés voleurs, et pour la première fois j’ai lancé sur l’autre côté de la clôture un regard hostile.

Mon coq était trop jeune. Le coq du voisin sauta la clôture et se mit à faire la cour à mes poules et à empoisonner l’existence de mon coq. Je renvoyai l’intrus à coups de cailloux, mais elles sautèrent la barrière et allèrent pondre chez le voisin. Je réclamai les oeufs et mon voisin me haït. Depuis lors, au-dessus de la clôture, je vis son visage, son regard inquisiteur, identique au mien. Ses poulets passaient la clôture et dévoraient le maïs que j’avais fait ramollir pour les miens. Les poulets étrangers me parurent criminels. Je les poursuivis, et aveuglé par la rage, j’en tuai un. Le voisin attribua une énorme importance à l’attentat. Il ne voulut pas accepter une indemnisation pécuniaire. Il retira gravement le cadavre de son poulet et, au lieu de le manger, il le montra à ses amis, après quoi commença à circuler à travers le village la légende de ma brutalité impérialiste. J’ai dû renforcer la clôture, augmenter la vigilance, en un mot augmenter mon budget de guerre. Le voisin dispose d’un chien prêt à tout; moi je pense acquérir un revolver.

Où est donc ma vieille tranquillité ? La méfiance et la haine m’empoisonnent. L’esprit du mal s’est emparé de moi. Avant j’étais un homme. Maintenant, je suis  un propriétaire."..

Publié dans "El Nacional", le 5 juillet 1910.

 

En savoir plus http://www.ephemanar.net/janvier07.html  

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commentaires

J
<br /> T'es en train de nous réécrire " Le loup des steppes, toi". Tiens, encore un livre que je n'ai jamais chroniqué dans ton blog. J'ai été sauvée par le gong.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Effectivement, on sent chez moi l'envie d'avoir des poules. Mais au-delà de ça, je pense qu'il ne peut y avoir de bonheur sans un contact direct avec la nature. Je ne crois pas au bonheur purement<br /> intellectuel uniquement avec des livres. Sans doute que Lurbeltz aurait plein de choses à dire à ce propos.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> T'as vu,hein, je lis entre les lignes. Pour les mouches, je n'en ai jamais eu aussi peu que lorsque j'avais des vautours partout autour de la maison. C'est mystérieux, les populations de mouches.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Yes !<br /> Et je dois dire que ma petite visite chez toi m'en a encore plus donné envie. Et pour la première fois, Joëlle n'est pas contre (elle craint l'arrivée massive de mouches, car nous n'en avons aucune<br /> jusqu'à présent)<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Là, on sent très fort le Dupdup qui aimerait bien avoir des poules. Non?<br /> <br /> <br />
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