Une contribution de Daniel Labeyrie
A Notre-Dame de Lourdes, ma souris n'est pas une gourde
A Coutret, ma souris prend la poudre d'escampette
Tu l'as échappé belle , la belle...Dans ta cage, tu tournais en rond comme
une âme en peine et dans tes petits yeux en perles noires se dessinait un terrible effroi.
Il faut dire que la plupart de tes congénères furent moins chanceuses: un grand nombre d'entre elles ont péri noyées essayant désespérément de surnager dans l'ignoble seau vert
rempli d'eau, supplice consécutif à la souricière.
Le prince du lieu, un superbe chat tigré, n'éprouve pas de penchant particulier
pour la chair de souris: il faut dire que la maîtresse de maison lui concocte des mets
beaucoup moins rustiques et largement plus raffinés. Donc, Minet regarde ces drôles
de spectacles de très loin entre deux sommes sur l'herbe chaude de l'été; il dédaigne noblement
la chasse à la souris, préférant de très loin poursuivre les lézards espiègles sur la terrasse
malgré de gros ennuis digestifs qui l'attendent.
Le rat des champs , lui, est beaucoup plus avisé, il flaire de très loin l'odeur de l'ennemi
et ne prend pas le moindre risque pour un banal petit morceau de pain rassis déposé
dans le piège.
Pour en revenir à notre rescapée, la visite inopinée d'un voisin au coeur sensible a suscité une âpre discussion pour savoir quelle serait solution la moins violente
afin d'épargner la vie de la prisonnière du jour .
Libérer l'animal sur place, il n'en était pas question, le maître de maison,
livrant depuis des mois une lutte acharnée contre les rongeurs, n'était pas d'humeur
à laisser la vie sauve à l'ennemi pour un caprice d'âme sensible.
Le petit garçon, la minuscule cage à la main, ne disait rien , laissant les adultes affûter leurs arguments en toute sérénité. Pendant ce temps, les petites filles bicyclettaient joyeusement fredonnant des comptines, se tenant ainsi éloignées des ces palabres interminables.
Au terme d'un long conciliabule, le chasseur de souris a proposé de relâcher la malheureuse chez le voisin qui accepta la proposition avec soulagement.
Quelques minutes plus tard, l'enfant à ouvert la grille de la geôle,
à une distance respectable de la maison et voilà notre petite souris grise
recouvrant sa chère liberté sur l'herbe rase du verger pour vite se réfugier
dans la haie de laurier.
Tout est bien qui finit bien pour une innocente créature: il est vrai que nous sommes fort éloignés de ce fameux temple dédié aux aux rats dans une ville de l'Inde mais, parfois, aux antipodes des civilisations, un invisible fils d'or relie les racines de l'arbre de vie.
Petite souris, par miracle, tu t'es fait la belle mais tu sais bien que la vie est éphémère: dans ton nouveau territoire, des ennemis implacables te guettent du haut
de leur perchoir: la buse sur l'acacia, la belette cachée dans le tas de feuilles mortes,
la fouine à l'heure de l'envol de la première pipistrelle, l'effraie au clair de lune,
le renard à la première lueur de l'aube …Inch Allah...
Daniel Labeyrie