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20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 08:32

Une contribution de Daniel Labeyrie

 

Le cœur voyageur

 

 

Avec sa voix haut perchée, fragile et tendre, il nous avait embarqué pour Madrid dans un parfum de safran et d'errance, chantait ses fiançailles avec la noblesse d'un hidalgo sensible, féru de poésie et d'universalité.

 

Ignoré des médias après une petite gloire éphémère, il avait claqué la porte du star système, avait poursuivi sa carrière aux quatre coins du monde. Il grava un duo avec la grande Mercedès Sosa en Argentine, effectua de longues tournées en Amérique Latine.

 

On le perdit de vue lors de son séjour artistique en Russie qui dura cinq ans. Il chanta également dans des lieux improbables des républiques d'Asie Centrale acceptant des conditions de voyage plus que difficiles dans des salles de spectacle parfois glaciales des hivers continentaux.

 

Nilda s'est toujours frotté à la réalité sociale sans jamais en tirer la moindre fierté. Sociable et ouvert il privilégiait les rencontres. Il fit même une tournée en roulotte.

 

Seul à la guitare sur de grandes scènes, la magie opérait car l'artiste aimait les humains et ses chansons touchaient immédiatement nos cordes sensibles.

 

Cœur fragile, il s'en est allé à l'aube de sa soixantaine après avoir rendu hommage à Federico Garcia Lorca, le grand poète espagnol.

 

 

 

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16 mai 2019 4 16 /05 /mai /2019 17:33

Vidéo ci-dessus : quand la culture basque rend hommage à l'ours. Milesker, merci à Marc, Peio et Patrice. Et---Renaud aussi.

Une contribution de Laurent Caudine

Si on jette un oeil sur le petit Robert, l’anthropocentrisme serait l’idée de faire de l’humain le centre du monde et du bien de l’humanité la cause finale de toutes choses. Il y a un exemple criant d’anthropocentrisme quand on lit la chronique de Michel Etchebest dans le numéro de Médiabask du 9 mai 2019. Un industriel qui parle de biodiversité, c’est pas piqué des hannetons.
Michel Etchebest en bon industriel anthropocentré raisonne de manière essentiellement économique, pour le bien de l’humanité, c’est entendu. Il convient de rester le nez dans le guidon. Qu’importe si on commence à voir le mur, on fait comme si. Il faut créer des emplois, il faut produire, il faut travailler, il faut consommer, il faut dépenser, il faut acheter, il faut jeter, il faut recycler, pour reconsommer et si possible deux fois plutôt qu’une. Là est l’essentiel de l’idéal anthropocentriste.
Il fut un temps où les ours occupaient toute l’Europe qui était couverte de forêts et qui était le royaume de la nature sauvage. Mais l’humain, a décidé qu’il devait être le maître  de l’univers et il n’a préservé que quelques confettis à la vie sauvage. Ici, notamment dans les montagnes des Pyrénées où les ours ont trouvé refuge. Quelle est la situation aujourd’hui ? Nous sommes dans un pays de 67 millions d’habitants. Dans les Pyrénées atlantiques il y a 679 354 milles habitants. En 2018, sur l’ensemble des Pyrénées il y avait une quarantaine d’ours dont 4 ours en Pyrénées Occidentales (Béarn, Navarre, Aragon). Malgré cela Michel Etchebest est quand même persuadé qu’un projet est en action « qui a pour conséquence de remplacer l’homme par l’animal ». L’humain a colonisé tous les espaces et là Michel Etchebest et certains éleveurs - qui professent la même religion - s’affolent pour quelques ours qui vivent en liberté ! Non seulement les ours dans l’histoire ont été vaillamment massacrés, empoisonnés, capturés, abattus, harcelés mais on dénie à ceux qui restent, le droit de vivre paisiblement chez eux. Pas question de réparation ; c’est bien fait pour leur gueule ils n’avaient qu’à s’adapter à notre civilisation. Rappelez-vous que nous sommes THE référence et que tout doit tourner autour de nous. Foin de Galilée, Copernic ou Giordano Bruno, nous sommes encore en plein géocentrisme, c’est bien connu…
Prenons un peu de recul… le massacre de la nature n’a pas attendu le dérèglement climatique ; il est dans la culture même de l’être humain, et c’est pour cette raison que Michel Etchebest ne voit rien et qu’il est englué dans ses certitudes d’homo économicus.
L’anthrocentrisme donne le droit de requalifier tout ce qui existe. On fait notre petit classement et on décide ainsi de manière discrétionnaire qui aura le droit de vivre sur cette planète et comment, en fonction de critères élaborés par le maître des lieux. En l’occurrence ici, Michel Etchebest, voué à la croissance, au productivisme et au capitalisme vert. Tel animal pourra être mangé par les hommes, celui-là nous tiendra compagnie, cet autre pourra être éliminé pour défaut d’utilité, celui-ci sera animal de combat et pourra être mis en pâture dans un spectacle… La biodiversité ? La nature libre et sauvage ? ça ne fait point partie du programme industriel qui depuis 50 ans détruit la planète ici et ailleurs. Alors forcément Michel ironise « vive la biodiversité »… Vous vous rendez compte ! le monde est encore peuplé d’animaux libres et sauvages, de zones non industrialisés, de forêts peuplées d’animaux qui font ce qu’ils veulent ! quel scandale !
Michel Etchebest en bon industriel anthropocentré explique « qu’une partie de nos montagnes pyrénéennes déborde sur notre agglomération ». Car le maître des lieux, industriel anthropocentré de son état, considère que c’est la nature qui empiète sur l’agglomération et non l’inverse. Comme lorsque des sangliers s’approchent des zones urbaines par exemple ; il est inimaginable de penser que ce serait plutôt les zones urbaines qui se seraient rapprochées des sangliers. Il est inimaginable pour lui de penser que ce sont les humains qui se rapprochent du territoire des ours.
Autre vocabulaire anthropocentré : Michel Etchebest parle de « La menace venant de la mer » pour parler des requins et l’arrivée du loup un animal « autrement plus menaçant » écrit-il…  Bien sûr les humains ne sont pas une menace sur cette planète c’est bien connu… La Soule ne crame pas sa montagne et Biarritz ne bazarde jamais ses eaux usées directement dans ses eaux de baignades par exemple. Mais la cécité est une marque particulière du système industriel et de ses zélateurs encroutés dans leur religion. Surtout ne pas regarder plus loin que le bout de ses espadrilles et pas plus haut que le faîte du toit de la mairie de Maule.
Soyons clairs… et osons les mots… écocide… de la famille de génocide, et d’ethnocide,… même combat, même folie, même délire, même aveuglement, même suicide… il y a une attitude écocidaire et délirante dans les propos de Michel Etchebest et de la part de nombreux éleveurs… et c’est grave.
Il y a deux types de contraintes… celles que nous impose le système économique et celles que nous impose la nature. On a le devoir de dresser et mettre à genoux la première et celui de nous adapter à la seconde. Je sais ce qui doit inspirer, et je sais ce qui doit expirer. Et pour prendre le contrepied du ministre de l’agriculture, s’il faut choisir entre l’ours et l’éleveur qui ne veut pas s’adapter à l’ours, je choisirai l’ours.

Laurent CAUDINE Moncayolle le 11 mai 2019

Ci-dessous : quelle misère, ce délire paranoïaque! Que dire d'autre?

Michel Etchebest : l’industriel anthropocentriste
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12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 08:00
Famine chez les oiseaux ( en attendant la nôtre)

30% d'oiseaux en moins dans nos campagnes en 20 ans. Disparition des haies, taillis, broussailles, pesticides tous azimuts, assèchement des zones humides. Les insectes se raréfient, les oiseaux ont faim. Chaque année, chez moi, ils fréquentent les mangeoires de plus en plus tard en saison. Ce mois ci, ils les dévalisent encore, plus tard que jamais et avec plus d'assiduité que cet hiver. Alors, je continue, semoule de couscous bio et un peu (pas trop) d'huile de tournesol bio. Ces messieurs-dames ont une famille à nourrir. Malheureusement, pour les hirondelles et martinets, nous sommes impuissants car ils ne chassent qu'en vol.

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8 mai 2019 3 08 /05 /mai /2019 17:13

Rêve

Une contribution de Daniel Labeyrie 

 

 

 

Rêve ou meurs

Jean VASCA

 

 

Une petite chouette bleue marchant sur les eaux

D'une sombre rivière coulant tout en lenteur

Sur la rive tel un fauve la Grande Faucheuse

Prête à sabrer le monde dans une extrême fureur

 

 

Le silence des grandes forêts désertées

Le chant des oiseaux égaré dans nos mémoires

Le béton fissuré de nos illusions défaites

Sous le regard acéré des maîtres du monde

 

 

Les vents déchaînés dépeçant les pétales de rose

Les rossignols de Perse égarés dans le temps passé

Nos regards mouillés par la pluie de nos chagrins

Dans les décombres des musées de nos utopies

 

 

La colère des océans déchaînés sur nos côtes

Les albatros vaincus sur le sable des grèves

Les multitudes errantes sur routes et chemins

Le cri des corbeaux sur les charniers de nos guerres

 

 

La petite chouette bleue telle un ange de plumes

Prend son envol au-dessus des eaux du Styx

 

 

 

 

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6 mai 2019 1 06 /05 /mai /2019 14:00

Une contribution de Daniel Labeyrie

L'horloger

 

à Monsieur D.

 

La fine farine

Des années

Tombée des horloges

 

Allain LEPREST

 

La farine de Leprest et la neige des ans se sont conjuguées pour couronner la chevelure de l'horloger...

L'artisan a pignon sur rue depuis si longtemps qu'on n'ose plus compter le passage inexorable des ans.

Tout près de la cathédrale de Bayonne, le maître des toquantes règne dignement dans sa forêt d'aiguilles et de tics-tacs. Cette petite musique l'accompagne avec une fidélité qui parfois s'arrête à la capitulation des piles usées ou à l'essoufflement des aiguilles.

 

De modestes réveils fabriqués dans de lointains pays pour des salaires de misères, d'esthétiques réveille-matins montés dans des ateliers de villes provinciales voisinent avec des carillons aux sonneries cristallines. De rares coucous chantent parfois le printemps en plein hiver. D'austères comtoises laissent leur balancier battre le rythme du temps avec détachement.

Finalement cette symphonie de tics-tacs ne s'arrête guère même après la fermeture de la boutique. Pendant la nuit, ça continue de titacquer avec une fidélité qui ne pourrait être brisée qu'à la faveur d'un cataclysme.

 

Tic... Tac... Tic... Tac... L'horloger savoure le bonheur du tic-tac. N'allez pas croire que règne la moindre complaisance chez ce monsieur qui répare l'âme des réveils et des pendules détictacqués. Quand ce petit bruit s'arrête, c'est la panique chez les humains, il faut vite aller voir l'horloger qui change la pile où établit un diagnostique pour les horloges, les pendules et les montres de valeur.

 

Avant d'aller au labeur, le monsieur fait une petite escale dans la cathédrale pour une prière, un Pater et un Ave, car un jour, sonnera l'heure où il faudra tirer le rideau, à l'heure fatidique où notre toquante ne fera plus tic-tac. La silence éternel n'aura nul besoin de compter les heures car en éternité nous aurons tout le temps.

 

Mais nous n'en sommes pas là, l'horlogerie regorge de lumière et le dieu Chronos aime bien le joli son du tic-tac. Notre cœur aussi émet ce battement rassurant, il suffit de poser sa main sur la poitrine pour l'écouter.

 

L'horloger n'a pas l'intention de quitter cette innombrable famille qui pose sur les étagères de la vitrine. Ce serait la désespérance dans la boutique : le tic-tac régulier deviendrait une cacophonie infernale, ce serait le désordre total, nous assisterions à un concert de musique concrète qui ravagerait nos oreilles, percerait nos tympans, nous ferait fuir à toutes jambes vers la forêt la plus proche pour savourer le chant des oiseaux.

 

Longue vie au maître des carillons, des montres, des réveils, des pendules, des coucous et des horloges, que le tictac et le ding, ding, dong rythment longtemps le passage des jours à l'ombre de l'austère bourdon de la cathédrale.

 

 

 

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4 mai 2019 6 04 /05 /mai /2019 08:30

Une contribution de Manex Lanatua

Le titre est de la blogueuse

 

Alors que j'étendais mon linge,
 

effrontée cette tourterelle
 

 qui me houspille par ces mots
 

 " Hé' ! Vieux croûton!
 

 Change de fil si tu peux ! "
 

 Ah ! Le respect aux anciens
 

 même les oiseaux s'en balancent...
 

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3 mai 2019 5 03 /05 /mai /2019 08:00

Déjà il y a 1 mois et demie, je me demandais si nous pourrions partir. Maman Gaztain, 24 ans, allait mal. Elle marchait avec de plus en plus de difficulté, restait souvent couchée et mettait un temps fou à se relever. Elle n'arrivait plus à se hisser jusqu'à l'abri où je mets le foin pour son fils et elle. Mais voilà, bien soignée--- comme un miracle, on dirait bien qu'elle a retrouvé une nouvelle jeunesse.

Il n'empêche que pendant ce temps, le sort ou je ne sais qui ou quoi d'autre s'abattait sur moi et que, contrairement à ce qui se passe d'habitude, je n'ai pas pris le temps de réunir une équipe nombreuse et aguerrie pour accompagner la maman et son fils Altxor vers le lieu où depuis 2013, je suis obligée de les conduire par manque d'herbe. 

C'est donc dans des conditions difficiles que nous avons pris la route le mercredi 1er mai. Jour férié, de plus! Des voitures, des motos et aussi des tracteurs sur des chemins étroits où les deux chevaux s'affolaient. Je ne recommencerai plus dans ces conditions, même si comme hier, je  me sens douloureusement dans l'obligation de le faire tant les deux pottok souffrent du manque d'herbe fraîche, en deviennent presque fous. Certes, ils ont du foin, mais que du foin---, c'est un peu comme si nous, nous ne disposions que de pain sec. Enfin, bref, j'ai marché tous ces kilomètres avec une idée en tête et dans le coeur "Vivement la fin du pétrole, et m----aux vroums-vroums"!"

Comme à l'habitude,le superbe étalon Trait Breton présent dans une prairie qui surplombe le chemin  a manifesté une très forte envie ( plus forte que d'habitude, même) de nous rejoindre, semant l'inquiétude chez nos deux pottok et dans nos rangs clairsemés.

Vous comprendrez donc que dans ces conditions, nous ne sommes pas en mesure de vous offrir le reportage photo du périple comme les autres années. Même les photos rituelles sous le mythique châtaignier ressemblent cette fois à tout sauf à une ou des photos de groupe.

Allez, on fera mieux la prochaine fois.

Et merci à Anne-Marie, Evelyne, Itziar, Jérémie et à la chienne Xipi. Je ne trouve pas les mots pour leur dire ma gratitude.

Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.
Ce fut dur, mais nous y sommes arrivés.

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2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 16:18

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 08:41
Recueillement au pied du chêne de Gernika

Recueillement au pied du chêne de Gernika

C'est aujourd'hui, 26 avril, l'anniversaire du bombardement de Gernika, perpétré par l'aviation du régime nazi avec l'assentiment et l'aide du sinistre Franco dont l'ombre  flotte encore sur le Pays basque Sud et sur toute l'Espagne.

Je suis allée à trois reprises me recueillir devant le chêne de Gernika  https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_de_Guernica, chargé de tant de forts symboles  et j'ai ressenti à chaque fois la même émotion.

Or devant le terrible spectacle de  centaines d'arbres calcinés ( et en vérité,  ils sont des milliers) cette année en Pays basque par les feux pastoraux, une question me taraude depuis plusieurs mois : les Basques n'auraient-ils plus de vénération que pour le  seul chêne de la capitale de Bizkaia? 

Cette question, d'ailleurs, nous ramène au débat du moment dans l'Hexagone entre ceux et celles qui ne sont émus que par l'incendie de Notre Dame de Paris et ceux pour qui la planète Terre tout entière est une cathédrale en train de brûler sur l'autel du dieu de tous les dieux, le profit. "La nature  est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles" écrivait Baudelaire.

Chaque arbre est une cathédrale, en Pays basque comme ailleurs. Et nous n'aurons bientôt plus que nos yeux pour pleurer sur leur extinction qui entraînera la nôtre. 

Un poème dit "Nire aitaren etxea defendituko dut" (Je défendrai la maison de mon père). J'y ajouterais volontiers "Zuhaitzen populua defendituko dut" (Je défendrai le peuple des arbres).

 

Tout arbre est une cathédrale
Tout arbre est une cathédrale
Tout arbre est une cathédrale
Tout arbre est une cathédrale
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22 avril 2019 1 22 /04 /avril /2019 15:08

Le titre est de la blogueuse.

La puissance et la viande

Une contribution de Pacôme Thiellement

Il y a un peu plus de six ans, j’arrêtais de manger de la viande. C’était partiellement lié à l’exemple de mes amies végétariennes Blue Mandragoreet Elli Medeiros ; partiellement lié à un sentiment de dégoût de plus en plus fréquent qui me prenait devant la texture de la viande, sa couleur, son odeur, son goût… jusqu’à un jour où je me suis précipité pour aller vomir simplement après avoir porté un morceau de poulet à mes lèvres. Un jour, donc, je n’ai plus réussi à avaler une bouchée de cadavre et j’ai cessé de vouloir me forcer. J’ai attendu longtemps avant d’écrire sur ce sujet. Je déteste faire de quelque chose qui me tient à cœur un "sujet de discussion". Pour moi la question du végétarisme n’est pas un "sujet de discussion", c’est devenu de l’ordre de l’évidence.

Ce n’est pas une question de goût. La preuve, c’est qu’on ne supporte presque pas le goût de la viande : pour pouvoir la manger, elle doit être infiniment transformée, préparée, détournée, alors qu’un fruit ou un légume est naturellement délicieux. Si c’était si naturel pour nous de manger de la viande, nous avalerions des écureuils directement cueillis dans les arbres, nous mordrions dans un agneau vivant comme on mord dans une pomme. Les hommes ne mangent jamais de porc : ils mangent une chose qu’ils ont composé avec du porc, mais dans lequel ils auraient tout aussi pu mettre de la chair de bébé ou de la fesse de vieux tant le goût dépend peu de l’être vivant dont on l’a tiré.

Je n’ai jamais cherché à culpabiliser qui que ce soit parce qu’il ou elle mangeait de la viande. Il me semble évident que le fait d’arrêter de manger de la viande doit venir d’une décision personnelle, réfléchie ou spontanée, et non d’un échange musclé où on essaie de faire admettre sa vérité à son adversaire. Mais arrêter la viande m’a rendu sensible à certains sujets qui ont traversé l’Histoire des gnostiques, des manichéens et des cathares. Un chrétien mange de la viande. Mieux : il DOIT manger de la viande. Et la raison pour laquelle il doit le faire m’a éclairé la raison pour laquelle je ne voudrais plus jamais le faire. Ce n’est pas une question de goût ; ça n’a jamais été une question de goût. C’est une question de pouvoir.

"Nous voyons, en effet, et nous entendons à leurs cris que la mort est douloureuse pour les animaux, dit saint Augustin : Mais cela, l’homme le méprise dans la bête, laquelle étant privée de raison n’est pas liée à lui par une société de droit." Saint Thomas d’Aquin insiste également sur le fait que notre supériorité absolue sur les bêtes est garantie par la présence en nous de la raison. Il admet que, par sensibilité, l’homme puisse parfois compatir à la souffrance des bêtes, mais il s’agit là de la présence dans l’homme de la "passion sensible" : il faut subordonner cette sensibilité à la raison et retourner à table sans plus tarder. Mais en quoi est-ce si important de manger de la viande aux yeux des chrétiens ?

La "morale de viandard" de l’Eglise relève peut-être d’une explication plus trouble que cette "raison" convoquée par saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. On peut même se demander si, dans leur défense du régime carné, ce que les chrétiens compensent par cette activité n’est pas le système hiérarchique auquel leur Foi les soumet. Et si le "plaisir" de manger de la viande ne provient pas plutôt de tirer celle-ci d’un être vivant, nous octroyant le luxe d’être indifférent à sa souffrance et de faire de celui-ci la simple matière d’une chose – un peu comme le Démiurge ("leur" Seigneur, "leur" Dieu) le fait avec nous. Nous sommes la viande de nos classes dirigeantes, comme celles-ci sont la viande de leur Dieu. Comment ne pas voir dans un monde de prédation généralisée la création d’un Démiurge fou et méchant ?

Ce n’est dès lors pas surprenant que les Sans Roi (gnostiques, manichéens, cathares) aient été majoritairement végétariens : la conception d’un monde où la véritable divinité est plus faible que les hommes entraîne une empathie plus grande avec les bêtes et ce qu’elles endurent. Dans chaque bête il y a une étincelle de Lumière d’autant plus grande que celle-ci est plus éloignée du pouvoir dont jouissent les hommes et qui est le facteur principal de leur enténèbrement. Dans chaque bête, il y a une proximité d’autant plus grande avec la divinité qu’elle est éloignée de la capacité à nuire à autrui. Si, comme le disent les anarchistes, le pouvoir est maudit, alors le carnisme est mille fois maudit puisqu’il est un pouvoir de mort sur des êtres mille et une fois plus faibles que nous.

 
 
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